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18 / 02 / 2011 | 771 vues
Caroline Masson / Membre
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Les congés payés acquis avant un départ en congé parental ne sont pas perdus

Selon une jurisprudence constante de la CJUE, la finalité du droit aux congés payés, issu de l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil, est de permettre au salarié de se reposer et de disposer d’une période de « détente et de loisirs ». 

  • Le juge de l’Union européenne en déduit que le salarié placé dans l’impossibilité de bénéficier de ce repos effectif peut prétendre au report des jours de congés payés.

Dans deux arrêts récents, la CJUE a étendu le champ des bénéficiaires de ce droit au report : salarié tombant malade durant ses congés payés [1] et salarié parti en congé parental [2].

  • Dans ce dernier arrêt, elle a estimé que la législation du land du Tyrol (en Autriche), relative aux agents contractuels, selon laquelle les salariés faisant usage de leur droit au congé parental de 2 ans perdent leurs droits aux congés payés, acquis durant l’année précédant la naissance de leur enfant, est contraire au droit communautaire.

Au visa de la directive communautaire 2003/88/CE, elle rappelle, en effet, que « […] la finalité du droit au congé annuel payé est de permettre au travailleur de se reposer et de disposer d’une période de détente et de loisir. Ce temps de repos ne perd pas son intérêt à l’égard de l’effet positif du congé annuel payé pour la sécurité et la santé du travailleur s’il n'est pas pris lors de la période de référence mais au cours d’une période ultérieure [3] ».

En outre, elle affirme que le droit au report des congés payés, s’agissant des salariés partant en congé parental, est également protégé par l’accord-cadre sur le congé parental du 14 décembre 1995 [4].

La clause 2 de cet accord dispose que « […] les droits acquis ou en cours d’acquisition par le travailleur à la date du début du congé parental sont maintenus dans leur état jusqu’à la fin du congé parental. À l’issue du congé parental, ces droits, y compris les changements provenant de la législation, de conventions collectives ou de la pratique nationale, s’appliquent ».  

Le droit français n’est pas conforme au droit communautaire

À l’instar du droit du land du Tyrol, le droit français n’est pas conforme au droit communautaire, s’agissant du droit du salarié parti en congé parental au report des congés payés.
  • En effet en 2004, la Cour de Cassation [5] a considéré que, dans la mesure où l’impossibilité de prise des jours de congés payés avant l’expiration de la période de congés n’était pas imputable à l’employeur, le salarié qui part en congé parental perd le bénéfice de ses jours de congés payés lorsqu’il n’a pas pu les prendre avant l’expiration de la période de congés. Il ne peut pas non plus prétendre à une indemnité compensatrice de congés payés. 

Il est probable que la haute juridiction s’aligne sur la position de la CJUE comme elle l’a déjà fait s’agissant du report des congés payés non pris en raison d’une absence pour accident du travail ou maladie professionnelle [6], ou en raison d’une absence pour maladie non professionnelle [7]. 

Certes, la Cour de Cassation a fait évoluer sa jurisprudence dans des hypothèses où le salarié avait été empêché de prendre ses congés payés en raison d’une suspension involontaire de son contrat de travail. Toutefois, dans la mesure où elle a rendu ces dernières décisions sur le fondement de la finalité du droit aux congés payés assignée par la règlementation communautaire, on ne voit pas sur quel argument la haute juridiction pourrait maintenir sa position de 2004, elle qui a consacré l’obligation de résultats de l’employeur en matière d’hygiène et de sécurité du salarié.

Équilibre harmonieux entre la vie personnelle et la vie professionnelle

En outre, une telle solution s’inscrirait dans la tendance constatée ces dernières années de parvenir à un équilibre harmonieux entre la vie personnelle et la vie professionnelle du salarié (ANI du 2 juillet 2008 sur le stress au travail, droit à la « déconnexion » etc.).

En conclusion, on ne saurait que trop conseiller aux entreprises de devancer les litiges, en considérant que les congés payés acquis et non pris avant le congé parental ne sont pas perdus pour le salarié.

Sur un plan pratique, les entreprises devront veiller à la prise effective des jours de congés payés acquis par les salariés, notamment au cours des périodes de congés payés ou, à tout le moins, de faire bénéficier les salariés du solde de leurs jours de congés payés avant leur départ en congé parental.

  • Autrement dit, c’est à l’employeur de faire en sorte à ce que le salarié bénéficie assez régulièrement d’une période de « détente et de loisirs » après une période de travail, afin d’éviter le désagrément d’avoir à faire une demande de congés payés sollicitée par le salarié peu après son retour de congé parental et qui peut durer jusqu’à 3 ans. 


[1] CJCE 10 septembre 2009, aff. C-277/08, Francisco Vicente Pereda contre Madrid Movilidad SA.
[2] CJUE 22 avril 2010, aff. C486/08 Zentralbetriebsrat der Landeskrankenhauser Tirols.
[3] Position défendue par la CJCE 6 avril 2006, C-124/05 Federatie Nederlandse Vakbewging.
[4] Qui figure à l’annexe de la directive communautaire 96/34/CE du Conseil du 3 juin 1996, concernant l’accord-cadre sur le congé.
[5] Cass.soc., 28 janvier 2004 n° 01-46314.
[6] Cass.soc., 27 septembre 2007, n° 05-42.293 et 05-44.312.
[7] Cass.soc., 24 février 2009, n° 07-44.488.

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