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Syndicats et CSE : comment régulariser les erreurs sur les salaires ?
Heures supplémentaires, congés payés et arrêts maladie constituent le « top 3 » des sources d’erreur sur les bulletins de salaire. Si un tiers des salariés a déjà constaté des erreurs, la régularisation est loin d’être une évidence et mieux vaut bétonner les dossiers, comme l’ont illustré les témoignages partagés lors de la rencontre en ligne du 28 janvier, parrainée par Tandem Expertise.
« Cela commence souvent par une incompréhension sur un bulletin de salaire que les élus partagent avec nous. Or si l’erreur est confirmée, tout laisse alors à croire que celle-ci est plus ou moins généralisée du fait des règles de paramétrage des logiciels de paie », explique Julien Sportes, président de Tandem Expertise, qui a porté la régularisation des salaires des chauffeurs d’XPO Logistics à hauteur de 1,6 millions d'euros en 2019 car les primes n’avaient pas été intégrées dans la base de calcul de la majoration des heures supplémentaires… Certains chauffeurs ont ainsi obtenu jusqu’à 6 000 € de régularisation. « Les erreurs résultent d’abord d’une méconnaissance des règles plus que de problèmes d’interprétation. Les directions devraient dès lors être d’autant plus enclines à reconnaître leurs erreurs. La régularisation est un droit, pas une concession de l’employeur », ajoute Julien Sportes.
Déficit de connaissances dans l’application des règles
Un tiers des salariés interrogé par l’IFOP en 2015 déclarait avoir constaté des erreurs sur leur bulletin mais la régularisation est loin d’être une évidence. Si les erreurs commises à l’occasion du passage au chômage partiel de masse lié à la crise sanitaire ont été nombreuses, celles-ci sont jugées plus acceptable au regard de l’urgence d'une situation à laquelle personne n’était préparé. Des erreurs conjoncturelles à ne pas comparer avec les récurrentes erreurs touchant aux calculs des heures supplémentaires, des congés payés et des arrêts maladie. Sur ce « top 3 » des erreurs, mieux vaut prévoir les questions à poser à la direction. En matière d’heures supplémentaires, il s’agit par exemple de demander quelles primes sont incluses dans la valorisation des heures ? Idem pour le calcul de l’indemnité de congés payés où l il s’agit de connaître les sommes prises en compte tandis que la vérification du salaire de référence déclaré par l’employeur à la Sécurité Sociale peut réserver des surprises. « Il ne faut surtout pas que les élus aient la crainte se faire renvoyer dans les cordes par la direction en posant des questions sur une incompréhension détectée sur plusieurs bulletins. Poser des questions va vite permettre de mesurer le niveau de connaissance des modalités d’application des règles dans le système de paie. Force est de constater qu’il y a souvent un déficit de compétences. Le logiciel de paie n’est qu’un outil dont il faut maîtriser le paramétrage », souligne Sandrine Guedon, experte de la paie et responsable de mission chez Tandem Expertise.
Un expert en capacité d’aider les élus à clarifier les questions à poser en CSE, surtout quand des erreurs sont susceptibles de se cumuler. C’est dans le cadre d’une expertise réalisée dans le cadre de la consultation annuelle obligatoire sur la politique sociale de l’entreprise que le CSE peut avoir les moyens de négocier les modalités d’une régularisation, comme cela a été le cas chez XPO Logistics dans la cadre d’un accord de méthode. Ainsi, 90 % des sommes dues ont été régularisées sur les trois ans réglementaires, avec une approche forfaitaire calculée sur la base de l’analyse d’un échantillon représentatif. Une commission paritaire salariale a suivi tout le processus.
Droit à régularisation
« Nous avons présenté un front commun syndical en CSE. C’était une condition préalable face à une direction qui a, dans un premier temps, réfuté le problème. Les chauffeurs se montrent d’autant plus reconnaissants de cette action des élus qu’ils savent très bien à quoi ils s’exposent s’ils commencent à contester », fait remarquer José Zydower, délégué syndical FO chez XPO Logistics et désormais secrétaire fédéral aux transports. Pas facile en effet de demander une régularisation dans les nombreuses TPE et PME du transport dont les syndicats sont absents et où les CSE n’activent pas toute leur prérogative.
Les élus s’exposent aussi à des coups de pression comme la secrétaire du CSE FO d’un laboratoire médical de Savoie, où des salariés ont fait remonter un mauvais calcul sur les exonérations de cotisations liées aux heures de garde. La direction du laboratoire s’est obstinée dans son refus d’admettre l’erreur et considère que la demande relève de la mesquinerie. L’élue a demandé assistance à l’union départementale de Savoie. « Il m’a fallu deux semaines pour monter onze dossiers pour des demandes de régularisation allant entre 300 et 700 €. Le recueil des informations nécessaires au chiffrage est chronophage. On comprend bien que ce n’est pas rentable pour les avocats », avertit Floriane Gibbe, juriste à l’union départementale FO 73 et qui insiste sur les difficultés rencontrées pour constituer les dossiers : « dans le cas d'une station de sport d'hiver, nous avons pas été en capacité de poursuivre ». L’action en justice doit donc vraiment ne s'engager qu’en dernier recours.
L'entreprise Pénélope Agence a ainsi accepté de régulariser plus de 100 000 € pour non-intégration des changements de coefficient de la convention collective. « Cela a demandé six mois de travail mais cela fait partie du service syndical que nos adhérents viennent chercher. Ainsi, 50 % des demandes d’adhésion sont liées à des erreurs sur les bulletins de paie. Dans le cas de Pénélope Agence c’est le syndicat qui s’est directement engagé à travers notre délégué syndical Linda Mancini du fait de l’absence de consensus en CSE pour porter le sujet », illustre Eric Scherrer, président du SECI-UNSA, qui va recruter une troisième personne au juridique.
Les erreurs sont parfois incongrues, à l’instar de ce qui arrive régulièrement chez Areas, le gestionnaires des boutiques dans les aéroports, gares et autoroutes. Les salariés voient régulièrement des erreurs s’afficher en leur faveur sur leur bulletins de salaire mais pas sur leur compte en banque. L’erreur est en effet détectée entre l’édition du bulletin et le virement. « Nous exigeons que la direction réédite des bulletins corrects et ne se contente pas de fournir des attestations sur demande aux salariés, lesquels peuvent se voir refuser l’accès à certaines aides au regard des bulletins qui peuvent facilement doubler le salaire réel. Le système est obsolète. Cela a un coût mais cela doit être fait », affirme Michel Goyer, délégué syndical CFDT chez Areas. Quant à la source de cette erreur récurrente, elle concerne les salariés qui oublient de badger en quittant leur poste...