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10 / 05 / 2016 | 537 vues
A Messaoud / Membre
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Dérive de Paris-Habitat : le silence inquiétant des élus parisiens

Depuis plusieurs mois, chaque semaine ou presque, une certaine presse opposée au logement social fait ses choux gras de nouvelles informations concernant la gestion désastreuse de Paris Habitat OPH. Il faut bien parler d'informations puisque tout est étayé par des extraits de documents officiels, notamment des comptes-rendus des conseils d'administration ou des comités d'entreprise du premier bailleur social de la ville. 

Du côté des élus de la ville, le silence fait office de seule réponse. Pour le plus grand préjudice des locataires de Paris Habitat OPH et des demandeurs de logement : dans une période où les adversaires du logement social le présentent faussement comme une source de problèmes sociaux et une dépense inutile socialement, le silence de nos élus tend à laisser faire cette campagne de dénigrement. 

Où va Paris Habitat OPH ? La question n'est évidemment pas celle du salaire du directeur général ou des accusations concernant du mobilier acheté puis disparu. Ces problèmes-là (s'ils sont tous avérés) peuvent survenir dans n'importe quelle administration ou dans n'importe quelle entreprise. Mais lorsqu'il s'agit d'argent public, il appartient évidemment aux élus de démentir ou d'agir, immédiatement et fermement.

C'est le silence d'une équipe municipale qui a mis la transparence au premier rang de ses ambitions qui pose véritablement problème. Un silence qui ne concerne pas uniquement les histoires de mobilier disparu. Mais aussi et surtout la politique menée par Paris Habitat OPH et assumée par sa direction, politique qui contredit les objectifs affichés par la Ville de Paris, en termes de construction de logements sociaux notamment mais aussi de respect réel du droit à l'hébergement, en attendant le relogement.

Dans le dernier compte-rendu de comité d'entreprise rendu public, on trouve par exemple cette intervention du directeur général de Paris Habitat OPH (1).


« Nous risquons d'avoir un problème de plan de charge au niveau de Paris sur la construction de logements (...) Nous risquons d'avoir un creux dans notre activité de construction ».

Chacun mesurera la gravité de cette annonce pour les 150 000 demandeurs de logement officiellement recensés dans la capitale. Un « creux » dans l'activité de construction, à un moment où cette dernière ne répond déjà pas aux besoins, signifie l'aggravation du mal-logement pour les prochaines années, l'impossibilité de trouver des solutions pour les centaines de milliers de Parisiens, condamnés aux expulsions, à l'insalubrité, à la sur-occupation, aux loyers exorbitants du privé et aux années passées dans des hébergements précaires. 
 
Chacun mesurera aussi le décalage entre cette déclaration sans ambiguïté et les discours de la maire de Paris et de son adjoint au logement, qui ne cessent de réaffirmer le succès quantitatif de leur politique du logement et sa poursuite ces prochaines années. 

Qui dit vrai, le directeur de Paris Habitat OPH (l'outil principal de construction de la Ville de Paris) ou les élus ?

Les usagers du logement social ont le droit de savoir. Pourtant, ce droit nous est dénié en permanence : rappelons que la direction de Paris Habitat OPH a par exemple déposé plainte contre trois de nos manifestations de 2011, qui dénonçaient justement la chute abyssale de la production de logements en 2010, chute, qui elle aussi, n'était jamais commentée ni évoquée par nos élus.

De même, les habitants des foyers et autres hébergements précaires de Paris Habitat OPH n'ont pas été informés d'une réalité qui les concerne directement : Paris Habitat OPH a décidé d'externaliser à l'une de ses filiales l'ensemble de son patrimoine d'hébergements. Sur les raisons de cette externalisation, le directeur général de Paris Habitat OPH est encore une fois très clair (1).

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Pour lui, il s'agit de « professionnaliser » l'activité, en modifiant un peu « le rapport de forces », avec les gestionnaires de foyer « qui nous demandent de baisser les loyers », qui « vont pleurer auprès des maires d'arrondissement qui appellent le directeur général de Paris Habitat OPH » lorsqu'ils ont des « dettes ».

Chacun appréciera la sérénité des jugements portés sur les maires d'arrondissement ou les partenaires associatifs qui gèrent les foyers par le directeur général de Paris Habitat OPH. En attendant, l'objectif affiché est une attaque directe envers les locataires de ces foyers, qui n'ont pas toujours les moyens de payer leur loyer et auxquels les gestionnaires des foyers accordent des délais et qui ne pourront plus le faire avec l'externalisation. Encore une fois, le gouffre entre la volonté affichée des élus de la Ville de faire de la prévention des expulsions locatives dans le parc social et les déclarations d'intention de la direction de Paris Habitat OPH sont plus qu'inquiétantes. 

Depuis des années, notre collectif dénonce la privatisation larvée du premier bailleur social de la ville : celle-ci ne dépend pas seulement du statut juridique officiel et l'on voit bien avec ces deux exemples que la présence des élus à la présidence et au conseil d'administration n'empêche absolument pas une politique en contradiction totale avec les intentions affichées au Conseil de Paris.
 
De deux choses l'une : ou la ville ne peut plus contrôler la politique d'un bailleur financée avec l'argent public de l’État et des Parisiens ou les élus sont en accord avec cette politique qui, selon les dires mêmes de son directeur général, va aboutir d'une part à une chute de la production de logement social et à une précarisation d'une partie des mal-logés usagers du parc.

Nos élus doivent la réponse aux mal-logés et à l'ensemble des Parisiens. Ils ont aussi la responsabilité de préserver le patrimoine Paris Habitat et de faire en sorte que pas un euro ne soit consacré à autre chose qu'à l'accès au logement dans la capitale. 

(1) Les extraits cités et reproduits sont issus du PV du CE de Paris Habitat du 17 décembre 2015.

Pour aller plus loin, consulter notre dossier Paris Habitat OPH.
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