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17 / 03 / 2014 | 10 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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Contrats responsables : le président de la Mutualité Française précise les choses

Alors qu’est attendu avec impatience le nouveau contenu des contrats responsables, la Mutualité Française verse ses propositions au débat. Dans un entretien à l’AFIM, qu'il nous a autorisé à reprendre dans nos colonnes, son président estime que ce dispositif doit s’articuler avec le développement du contrat d’accès aux soins chez les médecins. Mesure phare : Étienne Caniard demande que la prise en charge des dépassements d’honoraires soit limitée à 100 % au-delà du tarif de la Sécurité sociale pour les médecins ayant opté pour ce contrat...


Plusieurs textes réglementaires se font toujours attendre, en particulier le décret en Conseil d’État qui doit redéfinir les contours des contrats solidaires et responsables. Cette absence d’un nouveau cadre vous inquiète-t-elle ?


Il s’agit moins d’inquiétude que d’impatience. Bientôt dix-huit mois après les déclarations du Président de la République au congrès de la Mutualité Française à Nice, nous sommes évidemment pressés de voir concrètement traduits les engagements qui ont été pris devant nous. Ces engagements reposent sur une nouvelle organisation de l’intervention des complémentaires, sans pour autant entraver leur capacité d’innovation.

Il s’agit également de faire en sorte que les conditions de concurrence existant aujourd’hui ne remettent pas en cause les règles de mutualisation et de solidarité. Cela doit aussi déboucher sur une fiscalité qui établira une véritable différenciation entre les garanties conformes à l’intérêt général, que sont les contrats solidaires et responsables, et les autres.

 

Comment traduire concrètement cette notion d’intérêt général ?


Il faut déjà commencer par définir des critères discriminants entre les différents contrats et veiller à ce qu’ils soient vraiment structurants. Les contrats solidaires et responsables ont l’obligation de préfigurer les enjeux généraux de la protection sociale : ils ne doivent en aucun cas rembourser une dépense sans s’interroger sur son utilité et sa pertinence mais, au contraire, être dans une logique de régulation à travers des remboursements utiles et nécessaires.

 

Avez-vous des craintes sur ce point ?


Pas outre mesure mais nous demeurons vigilants. Nous avons été alertés par le dépôt d’un amendement concernant les contrats solidaires et responsables lors du débat parlementaire sur la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014. Ce texte proposait de plafonner les remboursements des dépassements d’honoraires par les complémentaires à 150 % au-delà du tarif de remboursement par la Sécurité sociale. Autrement dit, cela reviendrait à pouvoir rembourser des actes deux fois et demie plus chers que le tarif de base de l’assurance maladie… Par exemple, une consultation de spécialiste, qui est à 28 euros en secteur 1, pourrait être facturée à 70 euros. La pose d’une prothèse de hanche, opération courante chez les plus âgés d’entre nous, coûterait 1 150 euros au lieu de 460 euros.


Ce niveau de dépassements est si élevé qu’il ne concerne aujourd’hui que 2 % des praticiens. Une telle mesure comporte un risque inflationniste car elle légitime tous les dépassements jusqu’à ce seuil. Or, sur 212 000 médecins libéraux, seulement 6 000 environ pratiquent des dépassements déraisonnables, au-delà du niveau moyen des dépassements observés, qui est de 80 %.

Cette disposition est également en totale contradiction avec l’avenant n° 8 à la convention médicale, puisque le taux de 150 % sert de repère aux commissions paritaires régionales pour déterminer les pratiques tarifaires excessives. Fort heureusement, cet amendement, qui ouvrait la voie à une nouvelle flambée des dépassements, a finalement été retiré.

 

Le risque est donc passé…


Espérons-le ! Certains syndicats de médecins entretiennent toujours l’ambiguïté autour de l’avenant n° 8 et essaient de peser sur la rédaction des décrets. Pour nous, comme pour le gouvernement, la signature de l’avenant n° 8 concrétise l’engagement d’une maîtrise des dépassements d’honoraires, avec la création du contrat d’accès aux soins, dans lequel les médecins s’engagent à plafonner leurs dépassements à 100 % en moyenne. Mais plutôt qu’un retour progressif à des tarifs opposables, certains signataires y ont vu un outil de banalisation, voire de généralisation des dépassements d’honoraires.


Les pouvoirs publics pourraient-ils céder ?


Sachant que  les dépassements d’honoraires sont la première cause de renoncement aux soins, je n’imagine pas que le gouvernement puisse sacrifier plus de 10 millions de personnes qui diffèrent des soins ou renoncent à se soigner, au profit de 6 000 médecins pratiquant des dépassements abusifs ! Cela reviendrait aussi à prendre en otage l’immense majorité des praticiens qui jouent le jeu pour permettre à tous d’accéder aux soins.

Par ailleurs, je ne comprendrais pas qu’au moment où des efforts sont demandés à tous nos concitoyens, aucun ne soit exigé d’une minorité plutôt favorisée. On ne leur demande pas d’effort directement sur leur revenu mais simplement sur la solvabilisation de leur revenu par les complémentaires…

Réduire les déficits de nos régimes sociaux est l’affaire de tous, tant ces déficits sont porteurs de risques pour notre système de protection sociale.

Pour conclure, je n’imagine pas une seconde que les pouvoirs publics optent pour une réponse laxiste sur la question des contrats responsables. Je n’imagine pas qu’ils prennent une décision autre que celle que nous proposons. Sinon, ce serait un arbitrage contraire aux discours qui ont été tenus par le chef de l’État et la ministre de la Santé mais surtout contraire à l’intérêt général et cela acterait un abandon de la volonté de maîtriser les dépenses et de lutter contre les dépassements d’honoraires.

 

Quelles sont précisément les propositions de la Mutualité Française ?


Tout d’abord, dans un but de responsabilisation collective, il est primordial que les contrats responsables constituent un soutien au contrat d’accès aux soins. Nous sommes donc favorables à ce que, lorsque les garanties le prévoient, les dépassements d’honoraires puissent être pris en charge jusqu’à 100 % pour les médecins ayant opté pour ce contrat, ce qui représente déjà un doublement du tarif de base remboursé par la Sécurité sociale.

De cette façon, nous maintenons une cohérence avec la limite fixée par le contrat d’accès aux soins. Ce signal fort et positif envoyé aux médecins engagés dans ce nouveau dispositif conventionnel est crucial car il montre une volonté d’encourager véritablement son développement. À l’inverse, nous proposons que les dépassements des autres médecins soient remboursés uniquement à hauteur de 50 % au-dessus du tarif de la Sécurité sociale. Il  est important que ce niveau soit inférieur à la moyenne actuelle des dépassements.

 

Serait-ce le seul élément « différenciant » ?


Pas du tout. Le mouvement mutualiste propose également de relever de 95 % à 100 % la prise en charge des médicaments à vignettes blanches par les contrats responsables, dès lors qu’il s’agit de génériques. Une disposition qui s’inscrit dans un cadre alliant maîtrise des dépenses et qualité de soins. En revanche, comme nous préconisons de ne pas rembourser des dépassements déraisonnables, nous considérons qu’une couverture complémentaire efficace ne doit pas prendre en charge des médicaments inefficaces.


En somme, ces propositions illustrent les critères sur lesquels devrait se baser la refonte des contrats solidaires et responsables ?


Exactement. Les critères qui définiront les contrats solidaires et responsables devront permettre une réelle mutualisation, en évitant une segmentation des offres excessives. Bien évidemment, ils devront définir des règles de prise en charge minimales afin de favoriser l’accès aux soins. Mais ils devront aussi fixer des limitations pour certaines dépenses. Le but est de casser l’effet inflationniste généré par les remboursements de certaines garanties complémentaires, comme on a pu l’observer en matière d’optique ou de dépassements d’honoraires.

Cette refonte des contrats solidaires et responsables, préalable à la généralisation de la complémentaire santé d’ici 2017, devra assurément être soutenue par une fiscalité adaptée et incitative. Nous le répétons depuis longtemps et nous maintenons cette revendication : les aides de l’État doivent aller vers les contrats responsables.

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