Confection au Cambodge : des « bonnes pratiques » aux mauvaises conditions
Le Cambodge a longtemps été cité en exemple de bonnes pratiques, avec le projet « better factories Cambodia » qui, sous l’égide de l’Organisation Internationale du Travail, conjuguait ouverture du marché américain et traitement correct des travailleurs. Un salaire minimal était instauré pour l’ensemble du secteur et le BFC était chargé de surveiller ce qu'il se passait dans les entreprises. Ce qui n’empêchait pas, par ailleurs, l’assassinat de leaders syndicaux. La fin de l’accord multifibres a changé la donne, le BFC perdant son rôle de gendarme pour prendre celui d’auditeur. Délocalisant à partir de la Chine montant en gamme où les salaires augmentent, les groupes industriels ont ouvert énormément d’usines dont la main d’œuvre est essentiellement constitué de jeunes filles qui font vivre sur leur maigre salaire la famille restée au village.
Une industrie dominante
Les exportations de vêtements sont passées de 1 milliard de dollars en 2000 à 2,2 milliards en 2005, 3 milliards en 2010, 5,5 milliards en 2013 et représentent selon les années entre 60 et 75 % du total des exportations. Les grands acheteurs occidentaux (marques et chaînes de distribution) ont une attitude parfois bien ambiguë, protestant de leur bonne volonté et croyant les industriels sur parole tout en comprimant les prix et les délais.
Depuis la fin de l’année 2013, le pays est secoué par des grèves plus nombreuses que d’habitude et des manifestations parfois violentes des ouvriers de la confection qui réclament des salaires leur permettant de vivre décemment, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Face à cette révolte incitée par des syndicats indépendants et soutenue par une opposition frustrée par les résultats officiels des élections législatives, on trouve la répression du gouvernement appuyée par l’association patronale et les syndicats jaunes.
Les acheteurs s'inquiétent
Les syndicats internationaux, CSI, UNI et IndustriALL ainsi que des organisations non gouvernementales telles Clean Clothes Campaign et International Union League for Brand Responsibility, adressaient le 17 janvier une déclaration commune au Premier Ministre cambodgien, lui demandant notamment de respecter la liberté d’association et de reprendre les négociations salariales.
Plus original, cette lettre était cosignée par trente marques et enseignes, principaux clients de l’industrie de l’habillement au Cambodge : Adidas, Asda, American Eagle Outfitters, Bonmarché, C&A, Debenhams, Esprit, Fifth Pacific, Gap, H&M, Inditex, Levi Strauss & Co., Lululemon Athletica, Marks & Spencer, Next, Migros, N Brown Group, New Balance, New Look, Nike, Orsay, Pprimark, Puma, PVH, Tchibo, Tesco, The Jones Group, The Walt Disney Company, Under Armour et Walmart.
Du Cambodge au Bangladesh
L’indignation des acheteurs occidentaux face à la brutalité de la répression est-elle réelle ou factice ? Tant que les marques et la grande distribution se contenteront de protestations (nécessaires mais pas suffisantes), les choses n’évolueront pas dans le sens du travail décent. Pour ne pas donner prise au chantage à la délocalisation, il serait bon d’agir conjointement dans les différents pays transformateurs de textile en vêtements. Quitte à ce que l’acheteur final paye son pull cinquante centimes plus cher ou que les profits tout le long de la chaîne diminuent de quelques poussières.
Il est urgent que les acheteurs s’engagent dans une démarche de progrès avec les industriels et les gouvernements, démarche qui, l’histoire l’a démontré, ne sera réelle que si elle est sévèrement contrôlée.