Organisations
Cinq infirmiers se sont suicidés cet été du fait de leurs conditions de travail
Les réorganisations de service, la charge de travail et les pressions institutionnelles sont à l'origine de trois suicides d'infirmières hospitalières.
- Un infirmier de 55 ans s’est suicidé le 13 juin 2016 dans son service au CHU de Toulouse, face aux pressions professionnelles et aux conditions de travail.
- Une infirmière de l’hôpital du Havre s’est suicidée le 24 juin 2016, à 44 ans. Dans sa lettre d’adieu, elle met en cause ses conditions de travail « en dégradation constante ».
- Un cadre infirmier de l’hôpital de Saint-Calais dans la Sarthe s’est suicidé le 6 juillet 2016. Dans des courriers envoyés à la direction du centre hospitalier, à l’ARS et à sa famille, il mettrait directement en cause la direction de l’établissement. Une enquête de l’Inspection générale des affaires sociales est diligentée.
Les conditions de travail sont également à l'origine de deux nouveaux suicides d'infirmiers. Le comble est que cela touche un mal nommé « service de santé au travail ».
Deux infirmières sur les cinq que compte le service médical interprofessionnel de la région de Reims (SMIRR) se sont suicidées cet été :
- le 23 juillet une infirmière de 51 ans, s'est donné la mort chez elle ;
- le 13 août une seconde infirmière de ce service (46 ans et mère de deux enfants) s'est elle aussi suicidée. Elle était revenue depuis peu de temps d'un arrêt de travail de plusieurs mois, après avoir dénoncé le harcèlement moral et sexuel dont elle était victime de la part de son supérieur hiérarchique (écarté de son poste après cette dénonciation).
Pour Thierry Amouroux, secrétaire général du Syndicat national des professionnels infirmiers SNPI CFE-CGC, « les conditions de travail se dégradent un peu partout. La pression devient trop rude sur des professionnels que l’on pousse à bout (rappels sur repos, polyvalence imposée, perte de sens, sous-effectif et pression à l’activité). Ces réorganisations sont en rupture avec les valeurs soignantes, et débouchent sur une maltraitance des soignants et la mise en danger des patients ».
Pas un mot de la ministre, qui est restée de glace, alors qu’elle a su défendre les vitres cassées du CHU Necker dès le lendemain, avec un déplacement sur place du Premier Ministre. Comme quoi, nous sommes bien peu de choses... Peut-être pas assez médiatiques au goût du gouvernement ?
Entre injonctions paradoxales (augmenter l’activité avec moins d’agents), recherche d’une rentabilité immédiate, rationalisation des flux de patients en groupes homogènes de malades (GHM) et standardisation des procédures de soins, les professionnels de santé souffrent beaucoup. Cette maltraitance institutionnelle se développe à grande échelle mais les directions adoptent la politique de l’autruche face aux difficultés psychiques de leurs salariés ou font illusion en mettant en œuvre des plans de prévention cosmétiques sans prise sur le réel.
Malgré 100 000 lits fermés en dix ans et un premier recul de l’espérance de vie en 2015, le gouvernement a décidé de supprimer encore 16 000 lits et 22 000 postes. Depuis deux ans, les erreurs de soins se multiplient mais l’administration renforce « un cercle vicieux de surcharge qui épuise les professionnels et désorganise les services » (expertise SECAFI APHP, mars 2016).
L’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) est le montant prévisionnel établi annuellement pour les dépenses de l’assurance-maladie en France. Un ONDAM volontairement inférieur à l’inflation ces dernières années a entraîné un déficit cumulé des 32 centres hospitaliers universitaires, dépassant les 200 millions pour l’exercice de l’année 2014 : plans d’économies, plans de retour à l’équilibre et « efficience » conduisent à des suppressions de postes et des fermetures de lits dans tous les hôpitaux. En 2016, l’ONDAM a été baissé à 1,75 % (contre 2,1 % en 2015) pour accélérer les fermetures.
En France, pour la première fois depuis les années 1960, l’espérance de vie à la naissance a diminué en 2015, de 0,3 an pour les hommes et de 0,4 an pour les femmes, pour s’établir respectivement à 78,9 ans et 85 ans, révèle l’INSEE.
Les événements indésirables associés aux soins (EIAS) augmentent régulièrement ces dernières années. Pire, les événements indésirables graves (EIG) ont doublés en un an en Île-de-France (menace du pronostic vital, passage en réanimation et/ou au bloc opératoir).
Ainsi, à l’AP-HP, qui représente 10 % de la fonction publique hospitalière avec ses 38 hôpitaux, on est ainsi passé :
- sur l’outil OSIRIS de 39.086 EIAS en 2010, à 57 933 en 2014 (+ 48%) ;
- de 21 EIG en 2013, à 46 EIG en 2014, et 75 EIG en 2015.
- Santé au travail parrainé par Groupe Technologia