Alexandre Bompard : un candidat loin d’être idéal pour Carrefour ?
Rachat de Darty : la FNAC vraiment gagnante ?
Quand Alexandre Bompard est devenu PDG de la FNAC en 2011, il a trouvé une entreprise presque moribonde. Il a alors décidé de mener une vaste opération de reconquête sur plusieurs années. Ainsi, en 2016, pour continuer d’élargir l’horizon de l’enseigne française, le PDG a décidé de racheter l’entreprise Darty, malgré son endettement colossal de 200 millions d’euros. C’est alors qu'a débuté la guerre des deux Alexandre : Bompard d’un côté et Nodale (PDG du groupe Conforama) de l’autre.
Pendant sept mois, les deux hommes se sont affronté à coups de millions. Le rachat de Darty s'est alors transformé en une véritable « guerre d’ego » entre les deux PDG. Au printemps 2016, c’est Alexandre Bompard qui a raflé la mise. L'opération a vu le PDG multiplier les emprunts bancaires pour être à même de débourser la somme colossale de 1,16 milliard d’euros…
En mars de la même année, Alexandre Bompard avait pourtant assuré que cet achat s’effectuerait « à 100 % sur fonds propres ». Cette annonce a eu lieu avant que le PDG, refusant de s’incliner devant son homologue (question de fierté) ait décidé de ne pas faire une mais deux surenchères successives.
Hormis l’importante somme dépensée par la FNAC, ce rachat a également été critiqué en raison de la mauvaise santé financière des deux enseignes. En mars 2016, l’économiste Marc Touati a ainsi rappelé que « les deux groupes sont financièrement exsangues (…). La situation de Darty est inquiétante parce que ses capitaux propres sont fortement négatifs et son endettement massif ». Et de rajouter que « le grand gagnant [sera] alors certainement Conforama, qui pourra tirer parti de l’échec de ses concurrents et rafler la mise. C’est d’ailleurs peut-être là que réside la principale raison de la surenchère du groupe sud-africain, qui constitue finalement un piège dans lequel la FNAC est tombée ».
Les derniers chiffres semblent lui donner raison : fin avril 2017, FNAC-Darty annonçait une baisse de son chiffre d’affaires de « 3,2 % au premier trimestre ». Par ailleurs, les ventes du distributeur de produits culturels et électroménagers ont totalisé « 1,67 milliard d’euros au cours des trois premiers mois de 2017 », soit une baisse de 2,9 % à magasins comparables. Pour la FNAC, l’opération n’est donc pas si juteuse que ça, mais pour l'homme d'affaires, elle l’est bel et bien !
Réussite financière sur le plan personnel
Quelques semaines après la fusion, ce ne sont plus les deux enseignes mais Alexandre Bompard lui-même qui a fait parler de lui : en avril 2017, le journal Libération annonçait que le patron de la FNAC avait empoché la modique somme de « 14 millions d’euros en 2016 ». Une augmentation de 21 % pour le PDG qui n’avait touché « que » 11,5 millions d’euros en 2015… Alors que le résultat net de l’entreprise s’élevait à seulement 48 millions d’euros et que la société était en recherche de liquidités pour finaliser l’opération Darty. Avec ces sommes, le fortuné dirigeant s'est placé parmi les patrons les mieux payés de France, largement au-dessus de la moyenne de ses confrères du CAC 40, laquelle se situe autour de 5 millions d’euros.
Ces montants font polémique à l’heure où les salariés sont invités à se serrer la ceinture, voire à trouver un nouveau poste ailleurs : 1 350 emplois ont été supprimés en quatre ans et le mariage avec Darty n’a de cesse d’inquiéter les syndicats. La stratégie personnelle de l’énarque ne semble pas toujours coïncider avec celle qu’il choisit pour son groupe.
Néanmoins, il est peut-être un peu tôt pour juger les résultats de cette fusion au niveau global, tant le PDG a encore du pain sur la planche pour la consolider : résolution du problème de l’endettement, amélioration de la situation à l’export, du contexte social, de la stratégie commerciale etc. De sérieux travaux qui ne devraient pas inquiéter le groupe, en tout cas si l’on en croit le prestigieux parcours de son PDG, à moins que, finalement, celui-ci ne décide de ne pas parachever son œuvre…
Carrefour en ligne de mire ?
Alors qu’il a lui-même orchestré le rachat de Darty, opération critiquable et critiquée, il semblerait qu’Alexandre Bompard ait déjà les yeux fixés sur un nouvel horizon : Carrefour. Cette information, si elle devait se confirmer, soulève une vraie question : Alexandre Bompard compterait-il abandonner le navire avant qu’il ne coule ?Le groupe Carrefour est aujourd’hui à la recherche du successeur de son emblématique PDG, Georges Plassat. Si deux noms en interne sont souvent cités, un autre, externe, revient de plus en plus fréquemment : celui d’Alexandre Bompard. Officiellement, ce dernier nie et souhaite poursuivre son ouvrage avec Darty. Décision qui serait on ne peut plus normale. Après s’être enrichi personnellement à coup de millions, quelle image renverrait-il en quittant le groupe alors que tout reste à faire ?
Mais officieusement, l’aspect financier d’une telle opération pourrait faire pencher la balance... En effet, le PDG de la FNAC ne devrait pas tarder à empocher son « super bonus » annuel et s’il choisit de poursuivre l’aventure chez Carrefour, il ne fait aucun doute qu’une prime de bienvenue tout aussi importante lui serait offerte. Un accueil plutôt chaleureux mais qui ne serait que purement financier : les employés de Carrefour ont récemment lancé une pétition contre la venue d’Alexandre Bompard à la tête de leur entreprise.
Le nom du futur PDG de Carrefour devrait être communiqué par l’enseigne dans les prochaines semaines. À ce moment-là et en fonction de l’heureux élu, chacun connaîtra en détail les critères retenus par la famille Moulin, Diniz et Arnault, principaux actionnaires du groupe, pour choisir le digne successeur de Georges Plassat. Mais l’Autorité des marchés financiers pourrait demander à Alexandre Bompard de se prononcer officiellement sur son avenir avant l’annonce des actionnaires. La raison ? La chute que connaît le cours de l’action FNAC-Darty depuis plusieurs jours...