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À la Sofres, les enquêteurs sont des salariés jetables
« On est comme des mouchoirs qu’on jette quand on n’en a plus besoin, sans même un merci », dénonce Joëlle Legal, élue FO au CHSCT de TNS Sofres. Sofres Communication, filiale de l’institut de sondage spécialisée dans les transports, est en cessation d’activité depuis fin janvier. Elle a perdu le marché du STIF, le Syndicat des transports d’Île-de-France, qui représentait plus de 90 % de son activité. Elle met donc la clef sous la porte en laissant sur le carreau 176 enquêteurs vacataires, sans indemnités ni plan social, malgré les demandes répétées des syndicats.
Les enquêteurs étaient principalement chargés de compter le nombre de passagers montant à bord des bus. « Les compagnies de transport avaient besoin de ces études pour se faire rembourser les tickets et abonnements par le STIF », explique Joëlle Legal.
Elle évoque des conditions de travail dignes d’un autre siècle. « Trois à quatre fois par semaine, les enquêteurs avaient rendez-vous à 3h du matin à une porte de Paris », raconte-t-elle.
« Là, ils prenaient une navette pour la grande banlieue ou la province. Il y avait toujours des réservistes et certains devaient se débrouiller pour rentrer chez eux après avoir attendu deux heures pour rien.
Ils empochaient au mieux 20 euros de dédommagement ». Les autres montaient à bord des bus pour comptabiliser chaque montée. « En hiver au petit matin, on a les pieds glacés à rester devant la porte qui s’ouvre en permanence. Il m’est arrivé de payer de ma poche des cafés à des enquêteurs pour les empêcher de partir », poursuit-elle. Payés 9 euros l’heure, ils touchaient en fin de mois entre 100 et 800 euros.
Pour ce prix-là, ils devaient aussi se montrer toujours disponibles. Un contrat refusé et ils étaient vite oubliés.
Les enquêteurs, âgés de 20 à 78 ans, n’étaient pas titulaires et enchaînaient les CDD d’usage, prévus par la convention collective du Syntec. « Ils étaient embauchés sept mois par an, de septembre à avril, avec des contrats de 15 jours ou un mois qui se cumulaient. Certains travaillaient comme ça depuis vingt ans. Il y avait plein de retraités qui venaient compléter leur pension », ajoute Joëlle Legal.
L’intersyndicale, à laquelle participe FO, dénonce un recours abusif aux CDD et une « politique du salarié jetable ». Elle soutient les dizaines de vacataires qui ont commencé à saisir les prud’hommes pour demander leur requalification en CDI, action préalable à la mise en place d’un plan social. « Il y a une jurisprudence : par le passé les fermetures ont toujours donné lieu à des PSE, même pour les vacataires », poursuit Joëlle Legal.
Les syndicats revendiquent aussi la réintégration de tous les salariés de Sofres communication en CDI et la création d’un CDI de droit commun pour le millier de vacataires du groupe. « On a l’impression que l’optique de la Sofres c’est de développer les questionnaires en ligne ou de sous-traiter les enquêtes pour se débarrasser des vacataires. D’autres terrains risquent de fermer », ajoute-t-elle. Et les 750 salariés permanents, dont l’emploi est directement lié à l’existence des terrains, en subiraient à leur tour le contrecoup.