Organisations
Emploi et handicap : parier sur de nouveaux métiers
« Nouveaux métiers, nouveaux horizons », c'est le message de l'AGEFIPH pour la 19ème semaine pour l'emploi des handicapés. Convaincre travailleurs handicapés et entreprises que tout est possible...
Anne Baltazar, nouvelle présidente de l'AGEFIPH, a bien voulu nous autoriser à reprendre les éléments de réponses apportés dans l'interview publiée sur le magazine Handicap.fr.
Vous avez été élue présidente de l'AGEFIPH le 10 septembre 2015 mais quelle est votre autre casquette ?
Depuis 2012, je suis également secrétaire confédérale de Force Ouvrière en charge de l'économie sociale, de l'égalité hommes-femmes et des handicapés. Notre syndicat organise d'ailleurs sa traditionnelle journée « travail et handicap », la 16ème, le 8 décembre 2015 à Paris. Cette nomination à la présidence de l'AGEFIPH n'est donc pas le fruit du hasard ; je me suis engagée sur cette question il y a de nombreuses années.
Quel bilan dressez-vous en termes d'emploi et handicap ?
La situation est très loin d'être satisfaisante : 21 % des handicapés sont au chômage. C'est deux fois plus que le reste de la population active (environ 9 %). Par ailleurs, ce sont plus souvent des chômeurs de longue durée. Pour eux, la situation est vraiment préoccupante. D'autant que l'écart avec l'ensemble des chômeurs se creuse. Fin 2014, on recensait 452 000 chômeurs handicapés en France ; c'est 10 % de plus sur les 12 derniers mois.
Comment expliquer cette hausse perpétuelle alors que les entreprises semblent se mobiliser davantage ?
Il y a plusieurs facteurs (comme le vieillissement de la population en âge de travailler) mais aussi l'augmentation très significative des demandes de reconnaissance qualité travailleur handicapé (RQTH), notamment lorsque les gens se retrouvent au chômage. Tant qu'ils sont en poste, certains préfèrent rester « dans l'ombre ».
La semaine pour l'emploi des handicapés se tiendra du 16 au 22 novembre 2015 dans toute la France et mobilise pleinement l'AGEFIPH. En quoi cet événement est-il important ?
Nous nous sommes rendus compte que, encore aujourd'hui, certaines entreprises ne savent pas comment faire, ignorent comment recruter et adapter les postes. Pour communiquer, nous avons donc besoin de temps forts et c'est le cas de cette 19ème semaine. Plus de 300 événements sont organisés par l'AGEFIPH et ses partenaires dans toute la France.
Quels sont les axes de réflexion pour cette édition 2015 ?
Notre mot d'ordre est « nouveaux métiers, nouveaux horizons », qui était d'ailleurs l'un des objectifs de la conférence nationale du handicap qui s'est tenue en décembre 2014. Nous avons décidé d'anticiper et d'envisager des perspectives à long terme, en investissant des professions encore inexploitées. Il faut, pour cela, lutter contre les idées reçues, notamment convaincre les chefs d'entreprises que l'adaptation du cadre de travail peut permettre aux handicapés d'occuper une grande majorité d'emplois, qu'on ne soupçonne parfois pas. Les premiers partenariats portent leurs fruits.
Des métiers si singuliers que les handicapés eux-mêmes n'y songent pas ?
Oui, il y a aussi de l'autocensure de leur part ; ils n'osent pas se projeter.
Quels peuvent être ces nouveaux métiers ?
Traditionnellement, les secteurs qui recrutent des travailleurs handicapés sont la métallurgie, l'industrie pharmaceutique, l'alimentaire… Nous voulons étendre cette dynamique à d'autres comme le juridique, la comptabilité, les métiers du bâtiment, ceux du web, l'informatique ou encore la publicité et les médias.
Comment parvenir à faire évoluer les choses dans ce sens ?
Tout d'abord en collaborant avec les branches professionnelles pour identifier les métiers porteurs d'emplois. C'est le travail de nos 20 délégations régionales. Il faut ensuite engager des démarches de conventionnement avec elles. Par exemple, en Bretagne, nous avons travaillé sur l'accès à l'emploi des métiers du transport routier, ce qui a permis d'adapter la cabine de chauffeurs handicapés.
L'objectif, c'est donc de convaincre qu'aucun secteur n'est inaccessible ?
Oui. Il faut en finir avec l'idée qu'il y a un moule hermétique qui enferme les handicapés dans un déterminisme professionnel. L'AGEFIPH mène, par exemple, des actions auprès de l'hôtellerie de luxe mais aussi du tourisme. Le « Village nature », un parc ludique en projet pour 2016 en Seine-et-Marne, s'est engagé à atteindre le quota de 6 % de travailleurs handicapés dès son ouverture, dans tous les postes.
Du côté des handicapés, de nouvelles formations sont proposées, plutôt attrayantes…
Oui, parfois particulièrement insolites et prisées, que l'on n'associe pas spontanément à ce public…
Quelques exemples ?
Un chef de chantier a suivi une formation de pilote d'aéronef pour pouvoir surveiller ses chantiers avec des drones. Des chaînes de télévision forment les malvoyants à la qualité de l'audiodescription. Nous encourageons l'ouverture aux métiers du numérique avec des formations de développeur web. Nous avons même financé une formation de pilote d'hélicoptère et une autre de moniteur de roller-skate.
Mais certaines coûtent cher. Comment l'AGEFIPH pourra-t-elle y faire face à l'avenir, d'autant que ses budgets sont logiquement en baisse puisque les contributions des entreprises ne cessent de diminuer à mesure qu'elles s'acquittent de leur obligation d'emploi ?
Oui notre budget, c'est aujourd'hui 421 millions d'euros (contre 600 millions en 2007) et le montant de nos financements s'élève à 511 millions.
Et les 90 millions restants ?
Ce sont les fonds propres de l'AGEFIPH.
Vos réserves en d'autres termes, ce qui veut dire que, d'ici un an ou deux ans, elles seront épuisées…
Oui, en toute logique.
Donc c'est la quadrature du cercle, financer plus et mieux avec moins de moyens…
Oui et c'est pour cette raison que nous misons sur ces nouveaux métiers afin d'élargir les opportunités d'emploi vers des secteurs nettement plus porteurs. Nous travaillons également à une nouvelle offre de services en direction de nos bénéficiaires naturels que sont les entreprises et les handicapés qui entrera en vigueur le 1er janvier 2017.
