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14 / 12 / 2010 | 1 vue
Irène Pereira / Membre
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Inscrit(e) le 01 / 12 / 2010

Continuités et nouveautés du mouvement contre la réforme des retraites de 2010

Le mouvement contre la réforme des retraites de l’automne 2010 permet par comparaison avec les mouvements antérieurs (1995 : contre le plan Juppé sur la Sécurité sociale, 2003 : contre la réforme des retraites Fillon ; 2006 : contre le CPE) de saisir des continuités, mais également de nouvelles inflexions.

Un mouvement interprofessionnel

Le premier point qu’il est possible de remarquer, c’est que, contrairement à la stratégie qui avait été menée en 2003, suite à l’échec du plan Juppé, le projet de réforme des retraites de 2010 englobait aussi bien le secteur public que le secteur privé.

La volonté du gouvernement de mener de front la réforme dans sa totalité sur l’ensemble des secteurs professionnels marquait certainement une certaine confiance de sa part dans sa capacité à l’imposer aux partenaires sociaux.

Cette situation a donc permis aux syndicats de mettre en place une stratégie interprofessionnelle qui n’avait pas pu être menée en 2003.

De fait, l’un des points remarquables de ce mouvement national de grève, contrairement à ceux qui l’avait précédé, même en 1995, est la place relativement importante du secteur privé au cours du mouvement de grève. En cela, cet aspect rejoint une tendance à l’oeuvre depuis la seconde moitié des années 2000, à savoir l’augmentation de la conflictualité sociale dans le secteur privé.

Un mouvement d’unité intersyndicale


Contrairement à 2003, mais comme en 2006, la stratégie qui est appuyée, et en particulier par la CGT, est celle de privilégier l’unité syndicale et d’éviter de la fissurer, avec comme axe central le syndicalisme rassemblé, c’est à dire l’unité syndicale CGT et CFDT.
De fait, malgré certains atermoiements, le mouvement de 2010 se caractérise par la tentative de maintenir une unité syndicale allant de Solidaires à la CGC.

Cependant la stratégie des différentes organisations syndicales n’a pas toujours été d’une extrême lisibilité. La CFDT, l’UNSA et la CGC ont pu donner plusieurs fois l’impression d’être prête à quitter l’intersyndicale. La ligne de Force Ouvrière l’a amenée, par une radicalité inverse des organisations précédentes, à paraître parfois extérieure à une intersyndicale qu’elle ne jugeait pas assez radicale. L’Union syndicale Solidaires a, elle aussi, parfois eu des positionnement semblables à ceux de Force Ouvrière, en ne signant pas certains communiqués de l’intersyndicale.

Du côté de la CGT, c’est en interne même que des divergences de lignes traversaient la Confédération. Ainsi la direction de la CGT a parfois semblé poussée par une base radicale revendiquant en particulier le recours à la grève reconductible. Ce caractère quelque peu bicéphale de la CGT était déjà apparu lors de son dernier congrès national, où sa direction s’était trouvée quelque peu secouée par certaines fédérations plus radicales.

Des modes d’action pluralisés

Ce mouvement de grève a de nouveau illustré un point déjà présent dans la grève de 1995, à savoir le caractère sensible dans le capitalisme en réseaux de ce qui a trait à la circulation des biens et des personnes. Alors que durant le capitalisme industriel, ce qui semblait avoir été central, c’etait le blocage de la production au coeur des usines. Depuis 1995, on a vu le poids central joué par le secteur des transports. Cette fois la question du blocage des raffineries, des ports ou des aéroports a été la dimension la plus mise en avant.

La tendance à la grève par procuration, mise en exergue durant le mouvement de 1995 alternant secteurs en grèves reconductibles et soutien par le biais de manifestations, a pu apparaître, là encore, comme une dimension caractéristique de ce mouvement. On a pu également assister à des formes de grèves intermittentes : arrêts et reprises de la grève en fonction des phases du mouvement.

Par ailleurs, si le mouvement a bénéficié d’un large soutien très médiatisé des lycéens (mobilisés, semble-il, à leurs débuts via les réseaux sociaux sur internet), les étudiants ne l’ont jamais rejoint de manière massive.

En revanche, on a pu constater le recours à des formes d’action jugées plus radicales que les manifestations ou les grèves : les piquets de grève (retour ici à des pratiques anciennes du mouvement ouvrier) ou action de blocages d’axes de transports, qui ne sont pas sans rappeler des formes d’action développées ces dernières années par les mouvements altermondialistes ou durant le mouvement étudiant contre le CPE.

Enfin, une autre nouveauté de ce mouvement, c’est que la large opposition à cette réforme des retraites (plus de 70 % des personnes interrogées, semble-t-il) s’est traduite par des dons aux grévistes. En particulier, la forme du don par internet, via le site des organisations syndicales, n’est pas sans rappeler les modes utilisés lors des actions caritatives.

Enfin, pour terminer, il est possible de noter la fin de ce mouvement en queue de comète, ne s’arrêtant pas brusquement, mais voyant des équipes militantes continuer via des actions de tenter de maintenir le mouvement, sans que l’on sente réellement qu’un défaitisme ait envahi les opposants à la réforme des retraites, malgré son vote, puis sa promulgation.


(1) Isabelle Sommier, Le renouveau contestataire à l’heure de la mondialisation, Paris, Flammarion, 2003.

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