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10 / 10 / 2025 | 13 vues
Bruno Gasparini / Abonné
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Le transfert du contrôle médical vers les CPAM illustre une méthode managériale aux antipodes des transformations réussies

Le transfert du contrôle médical vers les CPAM, effectif depuis le 1er octobre, illustre une méthode managériale aux antipodes des transformations réussies : brutale, verticale et sourde aux réalités du terrain.

 

« Les meilleures transformations sont celles qui n'en portent pas le nom. » Cette maxime, aurait gagné à inspirer la CNAM dans sa restructuration du service du contrôle médical. Mais force est de constater que l'institution a préféré le coup de force à la transition en douceur, prouvant par l'absurde la justesse de l'adage.

 

7200 personnels administratifs et praticiens-conseils se réveillent dans un nouvel organigramme : leur service, historiquement autonome depuis 1968, est désormais absorbé par les CPAM. Une « évolution nécessaire pour améliorer la proximité territoriale », selon la communication officielle. Sauf que sur le terrain, cette « proximité » ressemble davantage à un parachutage qu'à un accompagnement assumé.

 

L'art de la concertation par un décret express du 26 septembre pour un transfert au 1er octobre

 

La précipitation apparente de la manœuvre laisse perplexe. Le décret organisant cette reprise d'activité par les CPAM a été publié le 26 septembre 2025, soit cinq jours avant l'entrée en vigueur. Une cadence qui aurait fait sourire Antoine de Saint-Exupéry, lui qui écrivait dans Citadelle : « Le sens des choses ne réside point dans la provision une fois faite que consomment les sédentaires, mais dans la chaleur de la transformation, de la marche, ou du désir. »

 

La « chaleur » évoquée par l'aviateur-philosophe semble avoir été sacrifiée sur l'autel de l'efficacité bureaucratique. Aucun dispositif d'accompagnement digne de ce nom n'a été déployé pour nos collègues, dont l'identité métier reposait justement sur l'indépendance du service.

 

Notre syndicat  dénonçait une suppression du service médical maquillée en réforme organisationnelle par une démarche censée moderniser le système tout en négligeant le facteur humain. Cette réforme transforme en profondeur, mais en adoptant les méthodes les plus archaïques du management autoritaire.

 

L'ironie d'une révolution qui porte trop bien son nom

 

Plus révolutionnaire que transformation ? Sans doute. Mais au sens le plus brutal du terme : celui qui balaie sans reconstruire, qui déconstruit sans consulter.

 

En voulant labelliser cette mutation comme un grand chantier stratégique, la CNAM a précisément commis l'erreur que dénonçait notre maxime initiale. Elle a transformé un ajustement nécessaire en symbole de résistance, créant de facto les conditions de l'opposition là où la discrétion aurait facilité l'adhésion.

 

Les leçons d'une transformation manquée

 

Nommer à grands cris une transformation ne garantit ni sa réussite ni son acceptation. Au contraire, les évolutions les plus fécondes sont celles qui s'opèrent par ajustements successifs, en s'appuyant sur les acteurs plutôt qu'en les bousculant.

 

Le service médical de l'Assurance maladie méritait certainement une refonte. Mais entre adaptation nécessaire et révolution administrative, il existe un espace que Saint-Exupéry aurait appelé « la marche » : ce mouvement continu, porté par le désir collectif, qui transforme sans fracasser.

 

Ce qui s’est joué n’a rien d’une transformation feutrée et progressive. C’est une bascule, un arrachement organisationnel, mené au nom de l’efficacité, mais sans le patient travail d’appropriation qui donne chair aux réformes.

 

L’administration a choisi d’acter d’abord, d’expliquer ensuite. L’ordre des priorités s’en est trouvé inversé : équipes reconfigurées avant d’être rassurées, métiers redessinés avant d’être compris, circuits rebâtis avant d’être éprouvés. Dans un univers — la sécurité sociale — où l’adhésion se construit par la preuve, la méthode compte autant que l’objectif.

 

Faute d’un accompagnement digne de ce nom, le risque est double : une fatigue organisationnelle immédiate et une défiance durable.

 

La CNAM a transformé un chantier de fond en opération commando. Elle a crié fort sans arme ni bagages. Résultat : confusion hiérarchique, missions qui se télescopent et estomacs qui se nouent. La « froideur de la rupture » elle, se vit au quotidien.

 

En matière de management de projet, certains aiment la symphonie des ajustements feutrés. À la CNAM, on préfère le solo de clarinette, façon crépuscule totalitariste en guise de concertation express, six jours chrono.

 

Sur le terrain, on marche, à reculons, avec la grâce d’un parachutage à l’aveugle ; la proximité territoriale vantée ressemble à une course d’orientation sans boussole, ni lampion.

 

Tout déplacement précipité des lignes produit des ondes : charge mentale accrue, incertitudes de rôle, tensions inter-métiers. Là encore, la « chaleur » décrite par Saint‑Exupéry — celle d’un mouvement désiré et expliqué — fait la différence entre mutation et choc.

 

L’erreur : confier au seul dispositif la vertu de convaincre. Or, un dispositif n’est jamais qu’un moyen. Le sens vient de l’appropriation par celles et ceux qui le font vivre. Nommer « transformation » un changement subi ne le rend ni plus aimable ni plus efficace ; au contraire, cela discrédite la promesse de modernisation.

 

La CNAM, en choisissant la vitesse contre la profondeur, risque de découvrir à ses dépens que les provisions administratives « une fois faites » ne suffisent pas à créer du sens. Et que les vraies révolutions, celles qui durent, sont précisément celles qui n'en portent pas le nom.

 

 

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Le SNFOCOS tient à réagir aux posts d’auto satisfaction de la Directrice de la Transformation et de la déléguée aux opérations de la CNAM publiés sur le réseau social Linkedin relatif à la réforme de la transformation du Service médical.

 

En effet, cette réforme effective depuis le 1er octobre dernier a en réalité été menée à marche forcée, notamment pour les salariés concernés qui restent dans une grande incertitude et une souffrance criante.

 

Nous n’avons cessé depuis plusieurs mois au SNFOCOS de dénoncer le manque de prise en compte du facteur humain dans la conduite de cette réforme. Si le besoin de transformation était légitime, reste que l’art et la manière de le faire n’ont pas été au rendez-vous.

 

Il convient donc de respecter les personnels qui souffrent, alors même que la transformation ne fait que commencer et met déjà les CPAM sous tension. Cela passe, pour le SNFOCOS, par une certaine retenue de la part de équipes techniques hors sol qui se réjouissent un peu trop tôt d’anecdotes de gestion de ce projet dignes de soirées entre amis.

 

L’art et la manière, nous disions …

 

Nous vous partageons les verbatims qui nous ont été adressés à la suite de la publication du post précité :

  • Et quid de l’interrogation des collaborateurs des DRSM sans affection qui errent dans les couloirs de leur nouvelle CPAM faute d’anticipation ?

 

  • Hallucinant de conneries ! Et ce sont ces gens-là qui nous gouvernent. Niveau collège et encore…. Pauvre  France !

 

  • Quelle indignité ! Hormis la forme du post , digne d’une cour de récréation ou d’une soirée pyjama entre adolescentes prépubères… sur le fond quel manque de respect pour les 7500 salariés du SM transférés de force. N’avez-vous pas honte de vous gausser ainsi publiquement …. Au moins créez votre groupe WhatsApp privé pour vous autocongratuler Et ne vous réjouissez pas des résultats du referendum…entre la peste et le choléra , certains , dont je ne suis pas, on choisit en désespoir de cause…. Je ne vous salue pas.

 

  • Il faut un minimum de retenue compte tenu des conclusions du rapport d’expertise de Technologia notamment faisant peser des risques psycho-sociaux ou pire , des suicides. Ce post qui pourrait s’intituler « j’ai gagné , j’ai gagné » est insultant également pour les organisations syndicales quand elle énumère ces plan A,B etc , ces hurlements de joie aux résultats du référendum ( choisir entre la peste et le choléra ). Cette mise en scène d’un pseudo triomphe est tout à fait déplacée et encore une fois indigne de sa fonction. S’il était besoin de démontrer la maltraitance institutionnelle dont nous avons fait preuve, ce post infâme l’illustre parfaitement. Il montre aussi le mépris des instances législatives de notre pays et comment ils ont usé de tous les plus bas stratagèmes pour parvenir à leur fin. Des avocats pourraient être intéressés par les preuves flagrantes dans cet aveu public pour une action prud’hommale collective pour harcèlement institutionnel (cf jurisprudence France Telecom).

 

  • Le narcissisme…. la destruction du service médical réduite à une soirée pyjama.

 

  • C’est tellement irrespectueux pour ceux qui sont invités à regarder à l’extérieur, ceux qui ne savent pas de quoi demain sera fait …, ceux qui subissent isolés dans leur CPAM les injonctions de cette transformation. A titre d’anecdote, la consigne dans notre CPAM étant de travailler en bureau partagé, des cloisons existantes entre deux bureaux vont être abattues …et nos anciens bureaux vides servent de salles d’isolement si besoin …Ce type de post (et les réactions de félicitations qui suivent) m’écœurent.

 

  • Et nanani et nanana! J’adresse toutes mes félicitations au Directeur Général de la CNAM et à la Directrice déléguée de la CNAM. Souhaitons qu’ils mesurent la chance qui est la leur de compter parmi leurs collaborateurs proches la Directrice déléguée aux opérations. Le dernier post de cette dernière sur l’un des réseaux sociaux les plus connu, qui plus est en plein 80 ème anniversaire de la sécurité sociale, est un concentré de niaiseries, indigne d’un DDO d’une caisse nationale. Entre quelques « anecdotes » toutes intéressantes pour être épandues sur la toile, son auteur fait référence à ses révisions de Droit constitutionnel. Et si elle commençait par se remémorer les enseignements reçus à l’EN3S et relatifs aux postures d’agent de direction ?