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28 / 06 / 2024 | 45 vues
Valérie Forgeront / Membre
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Au coeur de notre modèle social...le paritarisme : un concept menacé

Depuis près de quatre-vingts ans, il a fait ses preuves. Mais le paritarisme, cet acteur crucial pour la cohésion et la justice sociales, pour l’exercice de la démocratie sociale dans la République, subit des assauts.

 

À la recherche d’économies drastiques sur les dépenses publiques, l’exécutif fait en sorte que l’État reprenne la main sur des domaines où les interlocuteurs sociaux ― organisations syndicales et patronales ― font vivre le paritarisme. Il inflige des carcans aux négociations, au risque de les torpiller, il ne reconnaît pas les accords trouvés, il montre une volonté récurrente de ponction de ressources provenant en premier lieu du salaire différé, dont des cotisations sociales des salariés…

 

Le paritarisme, à la définition plurielle selon les chercheurs, est plus que jamais à réaffirmer.


Ce qu’ont fait les interlocuteurs sociaux en 2022 par un ANI signé par FO, entre autres. De négociation et/ou de gestion, de représentation (le CESE), au sein de la justice (les prud’hommes)... Le paritarisme est intimement lié, par sa naissance, à un moment clé de l’histoire, le programme du Conseil national de la Résistance, concevant la création de la Sécurité sociale et avec l’idée qu’elle soit gérée par les « représentants des intéressés » et l’État. Une Sécu inspirée du modèle anglais Beveridgien et de la logique allemande bismarckienne.


Avec des modifications dans les équilibres des interlocuteurs en présence, le paritarisme appliqué à la gestion des organismes de protection sociale (et/ou à la négociation) se développera et perdurera, à l’Unédic/Assurance chômage, à l’Agirc-Arrco/retraites complémentaires, au 1 % Logement (devenu Action Logement), dans le secteur de la santé au travail, dans la formation professionnelle.

 

Ce concept moderne, menacé dans certains de ses aspects par les visées d’étatisation de la Sécu, est le produit d’un long combat des travailleurs pour être réellement entendus, représentés, pour que leurs voix pèsent face à un patronat aux intérêts fort différents.


Si le paritarisme s’exerce aujourd’hui sur un champ large, tout reste à protéger, plus que jamais. 

 

Paritarisme, au cœur de notre modèle social

 

Évoquer le paritarisme, né il y a près de quatre-vingts ans et dont la définition est plurielle, insistent moult chercheurs, c’est penser évidemment à la parité, à l’égalité de poids et de voix entre les parties que sont les organisations syndicales et les organisations patronales.


C’est loin d’être faux mais surtout, construit au fil du temps, le paritarisme renvoie au long combat des travailleurs pour la justice sociale. Et notamment pour une vraie protection sociale liée à leur activité professionnelle.


Après des secours rudimentaires apportés au Moyen Âge au sein de corporations d’artisans, suivra dès le XVIIIe siècle et surtout au XIXe, la création de sociétés de secours mutuel, reconnues d’utilité publique en 1850.


Au début du XXe siècle sera créée la Fédération nationale de la Mutualité française.

 

Mais l’étape cruciale arrivera avec le programme du Conseil national de la Résistance en 1944, qui conçoit la création d’une sécurité sociale, financée par les cotisations salariales et patronales et avec une gestion « appartenant aux représentants des intéressés », salariés et employeurs, et à l’État.


Ce changement de paradigme signe la solidarité. Il est accompagné au début de la prédominance des représentants salariés jusqu’en 1967 (date des ordonnances Jeanneney) puis d’une parité.


Ce modèle de la Sécu traduit la reconnaissance du rôle essentiel des salariés dans l’économie, dans la production de richesses. Ils acquièrent une représentation réelle face au patronat qui, propriétaire des moyens de production, a toujours tenu serré son pouvoir et au mieux a joué de paternalisme.

 

Par leurs représentants, les syndicats, les salariés entrent donc aussi en responsabilité dans la gestion de la protection sociale. Laquelle s’étoffe, avec notamment la création du 1 % Logement en 1953 ou encore de l’Unédic en 1958.


Plus largement, le paritarisme va être cet instrument apportant une alternative à l’entrée d’emblée dans le conflit, lequel impacte forcément les salariés dans leurs revenus et donc dans leur vie. Il va permettre de tenter, d’abord par la négociation, de trouver avec l’interlocuteur un modus vivendi, un accord qui soit le plus profitable aux travailleurs, qui permette de les protéger, d’améliorer leurs droits ou mieux encore d’en créer. Cela n’exclut pas un rapport de force construit, au besoin la menace, voire l’organisation d’une grève. La  négociation n’a rien d’une solution facile, elle implique que l’interlocuteur accepte d’en être un réellement, qu’il comprenne son intérêt d’entendre les revendications, et encore mieux d’y répondre.

 

Le paritarisme ne peut être inféodé aux stratégies budgétaires

 

Le paritarisme implique aussi une liberté d’action des interlocuteurs sociaux, tant dans la négociation que dans la gestion. Or, cela se complique.


L’État s’immisce de plus en plus.


La fiscalisation (par la CSG/CRDS) du salaire différé (les cotisations sociales ont quant à elles une affectation dédiée précise), engagée depuis trente ans, soutient cette attitude.


La Confédération FO  pointe ainsi régulièrement le risque d’étatisation de la Sécu. Parallèlement, au nom de l’abaissement du coût du travail, les exonérations des cotisations employeurs (désormais à hauteur de 75 milliards d’euros par an), décidées depuis ces trente dernières années, continuent de mettre à mal les comptes sociaux et, du fait des compensations, génèrent de la dette publique.

 

Actuellement, l’exécutif, visant à ramener le déficit public sous le seuil de 3 % du PIB en 2027, organise le recul massif des dépenses publiques pour remplir cet objectif. Les travailleurs sont directement visés, notamment à travers l’attaque de leur protection sociale.
 

Et donc du paritarisme. Ici, c’est une lettre de cadrage qui vient compliquer la négociation sur l’Assurance chômage, suivie du non-respect de l’accord trouvé, puis de l’annonce par l’État d’une reprise en main pour une réforme qui dégraderait encore les droits des plus fragiles. Là, c’est une volonté récurrente de ponctionner le régime Agirc-Arrco, excédentaire. Autrement dit, la captation de recettes appartenant aux salariés et aux retraités. Ce sont aussi des ponctions régulières sur Action Logement, ou encore le projet de modifier sa structure… 

 

Nous devons sauver le paritarisme, insiste le secrétaire général de FO, Frédéric Souillot.

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