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Comment les représentants du personnel se préparent-ils au défi des compétences sous IA ?
Ce contenu est produit par Miroir Social dans le cadre d'un partenariat avec le comptoir mm de la nouvelle entreprise, une démarche éditoriale portée par le groupe Malakoff Médéric. Il propose un regard syndical dans le cadre d'un dossier global sur l'intelligence artificielle (IA) qui s'articule sur une étude conduite avec The Boston Consulting Group.
La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), négociée périodiquement par les directions et les représentants des salariés, trouve un nouveau souffle avec la dynamique portée par l’intelligence artificielle.
Ainsi, chez Renault, les besoins en compétences évoluent en faveur d’une transition vers des véhicules de plus en plus autonomes. « Pour accompagner au mieux ce changement rapide, Renault recrute beaucoup et favorise également les départs à la retraite. Il est crucial de s’occuper de ceux qui restent et de faire évoluer les compétences des salariés qui ont beaucoup d’ancienneté mais qui ne sont pas éligibles à un départ à la retraite, anticipée ou non. Nous avons ainsi obtenu une GPEC au plus près du terrain avec l’introduction de commissions d’application locales où se discutera paritairement l’évolution des besoins de compétences. C’est une première qui s’inscrit dans une logique de renforcement du dialogue professionnel. On a inventé quelque chose pour mieux anticiper », explique Franck Daout, délégué syndical central CFDT.
Autre exemple à la Poste. La direction vient d’adresser aux organisations syndicales une série de scénarios sur les potentielles applications de l’IA. « L’IA doit être au service tant des clients que des salariés et la direction compte bien sur les syndicats pour accompagner cette mutation », explique Lucien Calone, secrétaire général adjoint de la CFE-CGC. « Notre implication doit permettre d’encadrer la complémentarité entre l’intelligence artificielle et les salariés qui doivent conserver une autonomie. C’est un levier pour de nouveaux emplois et de nouveaux services et il serait irresponsable de nous y opposer ».
Prévenir les risques
Les « soft skills » (c’est-à-dire des compétences transversales comme le relationnel, la pédagogie, l’initiative ou encore l’autonomie) vont prendre le pas sur les compétences techniques des métiers. Dans le secteur bancaire, on cherche plus que jamais à réduire les coûts et à augmenter l’efficacité commerciale.
Chez BNP Paribas, la direction a annoncé la création d’un nouveau centre de service centré autour des « chatboxes ». Ces agents conversationnels devraient supprimer 1 000 emplois et limiter au maximum les interactions chronophages des conseillers avec les clients. « Cela devrait leur permettre de passer 25 % de temps en plus en développement commercial », souligne François Boutry, représentant syndical CGT avant de préciser : « Nous en doutons au regard de la taille des agences et ce sera de toute façon une source de stress supplémentaire ». En effet, pour les organisations syndicales, la prévention des risques psychosociaux apparaît ainsi comme un levier pour mieux réguler une intensification du travail qui irait de pair avec le développement de l’intelligence artificielle (l’étude menée avec le BCG révèle que 50 % des salariés redoutent de nouveaux risques psychologiques).Accompagner les parcours
L’IA modifie également le paradigme des parcours professionnels. « On ne fait désormais plus des parcours de carrières mais des parcours de compétences sans vraiment savoir où cela va mener », constate François Boutry qui souligne une augmentation significative de l’intérim dans les services de gestion alors que la BNP Paribas a annoncé une baisse de son effectif de 2 à 4 % d’ici 2020.
Des syndicats s’adaptent et accompagnent les salariés dans des parcours professionnel de moins en moins balisés. « Forts de notre culture métier, nous assurons finalement un accompagnement que les directions des ressources humaines n’ont pas les moyens de proposer. C’est un levier de développement syndical basé sur le dialogue professionnel. Notre rôle est de faire prendre conscience aux salariés qu’ils ont plus de compétences que ce qu’ils ne le pensent. D’une contrainte nous faisons une opportunité », note Juan-Antonoio Gonzalez, délégué syndical CFDT chez BNP Paribas, qui souhaiterait que l’intelligence artificielle ne se réduise pas à une simple réduction des coûts. Une étude du cabinet Athling sur l’IA dans la banque, remise en décembre 2017 à l’observatoire des métiers de la profession, souligne que ces technologies restent encore sur des « couches superficielles » et qu’il reste deux ans pour anticiper une transformation en profondeur. Chez IBM, l’UNSA considère que l’IA s’inscrit dans la continuité de compétences internes en perpétuelle évolution.
Cependant, les syndicalistes restent méfiants sur les conséquences de l’IA sur les emplois dans une société mère dont les effectifs baissent structurellement alors que les jeunes filiales embauchent. « Il y a un lien entre l’augmentation de l’externalisation et le développement de l’IA qui n’est qu’une étape supplémentaire de la transformation numérique. Ce sont d’abord des tâches simples qui ont été délocalisées dans des pays à bas coût et, petit à petit, celles-ci sont devenues de plus en plus complexes. Cela va être la même chose avec l’IA. Pour le moment, l’assistance et les conseils de premier niveau dans différents domaines d’expertise (santé, banque, juridique…) commencent à être assurés par des chatbots », déclarent de concert Pierry Poquet et Marie-Armel Lombart, de l’équipe syndicale UNSA.
À quand une GPEC sous IA qui prédirait les acquisitions de compétences nécessaires aux parcours des salariés ?