Organisations
Comment intégrer une période de représentation du personnel dans le déroulement de carrière d’un salarié ? (I)
Il y a encore peu de temps, cette interrogation constituait, sauf exception, pour les DRH comme pour les organisations syndicales, une véritable gageure (projet peu croyable ressemblant à un pari hasardeux).
Elle se résolvait au mieux de la manière suivante : on « recase » comme on peut sans faire de vague avec retour au poste quitté quelques années plutôt, on attend que ça se passe et on avisera si besoin ! Résultat : des élus « enkystés » dans des mandats « de protection », trop de retours au travail dans l’amertume et la rancœur, le tout laissé à la gestion des managers de proximité qui n'en pouvaient plus…
La loi du 17 août 2015 relative au travail et à l’emploi dite « loi Rebsamen » permet aux directions et aux organisations syndicales de mettre fin à ces errements et d'intégrer les parcours des représentants du personnel dans une politique bien comprise de gestion et de valorisation des compétences. À condition qu'elles se saisissent de ces dispositions. De quelle manière ?
L'objectif, tant pour les représentants du personnel que syndicaux, doit être d'intégrer la fonction de représentation dans un parcours professionnel normalisé et de favoriser l'émergence de nouveaux talents et de nouvelles figures dans ces mandats.
Cet accord prend en compte l’expérience acquise, dans le cadre de l’exercice des mandats par les représentants du personnel désignés ou élus dans leur évolution professionnelle ».
La négociation d'un tel accord aura le mérite de réunir tout le monde pour définir comment on travaille sur cette question très nouvelle à la fois pour les directions et pour les organisations syndicales. La loi balise le terrain mais il n'est pas interdit d'être inventif, à condition de la respecter.
Passons en revue les points clefs qui peuvent trouver place dans ce type d'accords. Deux temps sont à distinguer : en cours de mandat et en fin de mandat.
En début et en cours de mandat :
Il a lieu entre le manager et l'élu de son service (et si besoin en présence de la fonction RH et du chef de file de l'organisation syndicale qui mandate) pour notamment, l'organisation du poste de travail, l'articulation de la charge de travail et la nature de la mission et les modalités de prise des heures de délégation. Par exemple : un comptable répartissant sa charge de travail en 30 % de saisie, 20 % de réunion, 20 % d’opérations comptables et 30 % de reporting mais qui va détenir un mandat équivalant à 30 % de sont temps, lui supprime-t-on le reporting ou opère t-on un réajustement de l’ensemble de ses activités à hauteur de moins 30 % ?
Cet entretien de début de mandat est bien distinct de l'entretien professionnel et de l’entretien annuel de suivi et d’évaluation et ne concerne pas les mandatés à temps complet qui font l'objet d'un traitement à définir entre les partenaires sociaux et la direction.
L'entretien annuel d'évaluation et de suivi
Il s'agit de l’entretien annuel classique mené par des managers formés et habilités tenant compte du temps partiel relatif à l’activité de représentation et vérifiant l'usage de la description de poste formalisée en début de mandat. Cet entretien a pour objectif d'évaluer exclusivement l'activité professionnelle de l'élu (bilan de l’année écoulée, fixation d’objectifs pour l’année à venir, détermination des actions de développement des compétences…) dans l'esprit des dispositions législatives et conventionnelles : l'élu a une activité professionnelle comme tout salarié mais les conditions d'exercice de cette activité sont touchées par l'existence d'un temps de travail consacré aux tâches de représentation du personnel. Les comptes-rendus de ces entretiens sont transmis au service RH et au chef de file de l'organisation syndicale qui mandate.
L'entretien professionnel
Il s'agit ici de l'entretien professionnel de la loi du 17 août 2015 mais qui, pour des raisons de lisibilité et d'opportunité, peut être annualisé pour les représentants du personnel.
Il est conduit par le service RH compétent sur le périmètre du mandat, vise à évoquer l'exercice de l'activité relative au mandat et est l'occasion d'étudier les aspirations, contraintes, orientations éventuelles, besoins de développement etc. du mandaté. Il s'agit en quelque sorte d'installer une animation de la vie professionnelle comme pour tout salarié mais en intégrant les apports/contraintes d'un mandat de représentation. Exemple : s'agit-il d'un mandat unique ou la perspective d'un nouveau mandat se profile t-elle ? Si oui lequel ? Être élu du CHSCT et envisager une candidature au poste de secrétaire du CHSCT ou réfléchir à intégrer le service HSE de l'entreprise a des effets à la fois sur l'activité de l'organisation syndicale et sur la politique de recrutement dans le service HSE et dans le service actuel du représentant du personnel.
Cet entretien mené par la fonction RH et le manager concerné doit permettre au représentant du personnel et/ou syndical :
L'entretien de fin de mandat proprement dit
Sur la base des compétences recensées dans la RIPP, l'enjeu est de réinsérer les élus ne se représentant pas ou souhaitant évoluer vers d'autres mandats, de nouvelles fonctions, un nouveau métier dans ou hors de l'entreprise en validant les compétences pouvant servir à ces orientations (compétences spécifiques, compétences générales, compétences transférables…). Pratiquement, à l'issue du RIPP, le représentant du personnel soumet son évaluation et toutes les données relatives à son projet de prochain poste (cible envisagée, besoins de formation, modalités d'emploi etc.) à la fonction RH. La fonction RH, avec l'organisation syndicale concernée, procède à une relecture de contrôle et de validation en s'appuyant notamment sur le référentiel de compétences (nomenclature détaillée des principales compétences acquises et développées dans l’exercice des mandats de représentation). Un plan d'action est établi pour mise en œuvre (prérequis, calendrier...) avec par exemple une validation des acquis de l'expérience syndicale, un parcours certifiant s'appuyant sur la RIPP, les modalités du nouvel emploi (qualification, classification, rémunération...).
Hervé Jégouzo (expert des relations sociales au travail) et Gérard Goyer (consultant en management, organisation et ressources humaines).
À suivre : les conditions et modalités de mise en œuvre de l'accord.
Elle se résolvait au mieux de la manière suivante : on « recase » comme on peut sans faire de vague avec retour au poste quitté quelques années plutôt, on attend que ça se passe et on avisera si besoin ! Résultat : des élus « enkystés » dans des mandats « de protection », trop de retours au travail dans l’amertume et la rancœur, le tout laissé à la gestion des managers de proximité qui n'en pouvaient plus…
La loi du 17 août 2015 relative au travail et à l’emploi dite « loi Rebsamen » permet aux directions et aux organisations syndicales de mettre fin à ces errements et d'intégrer les parcours des représentants du personnel dans une politique bien comprise de gestion et de valorisation des compétences. À condition qu'elles se saisissent de ces dispositions. De quelle manière ?
L'objectif, tant pour les représentants du personnel que syndicaux, doit être d'intégrer la fonction de représentation dans un parcours professionnel normalisé et de favoriser l'émergence de nouveaux talents et de nouvelles figures dans ces mandats.
Étape 1 : négocier et conclure un accord sur la valorisation du parcours des élus
L’article L2141-5 du Code du travail prévoit qu’« un accord détermine les mesures à mettre en œuvre pour concilier la vie personnelle, la vie professionnelle et les fonctions syndicales et électives, en veillant à favoriser l’égal accès des hommes et des femmes.Cet accord prend en compte l’expérience acquise, dans le cadre de l’exercice des mandats par les représentants du personnel désignés ou élus dans leur évolution professionnelle ».
La négociation d'un tel accord aura le mérite de réunir tout le monde pour définir comment on travaille sur cette question très nouvelle à la fois pour les directions et pour les organisations syndicales. La loi balise le terrain mais il n'est pas interdit d'être inventif, à condition de la respecter.
Passons en revue les points clefs qui peuvent trouver place dans ce type d'accords. Deux temps sont à distinguer : en cours de mandat et en fin de mandat.
En début et en cours de mandat :
- l'entretien de début de mandat,
- l'entretien professionnel,
- l'entretien annuel d’évaluation et de suivi.
- l'entretien d'anticipation à la fin de mandat,
- l'entretien de fin de mandat proprement dit,
- la revue d'itinéraire professionnel personnalisée (RIPP).
En cours de mandat
L'entretien de début de mandatIl a lieu entre le manager et l'élu de son service (et si besoin en présence de la fonction RH et du chef de file de l'organisation syndicale qui mandate) pour notamment, l'organisation du poste de travail, l'articulation de la charge de travail et la nature de la mission et les modalités de prise des heures de délégation. Par exemple : un comptable répartissant sa charge de travail en 30 % de saisie, 20 % de réunion, 20 % d’opérations comptables et 30 % de reporting mais qui va détenir un mandat équivalant à 30 % de sont temps, lui supprime-t-on le reporting ou opère t-on un réajustement de l’ensemble de ses activités à hauteur de moins 30 % ?
Cet entretien de début de mandat est bien distinct de l'entretien professionnel et de l’entretien annuel de suivi et d’évaluation et ne concerne pas les mandatés à temps complet qui font l'objet d'un traitement à définir entre les partenaires sociaux et la direction.
L'entretien annuel d'évaluation et de suivi
Il s'agit de l’entretien annuel classique mené par des managers formés et habilités tenant compte du temps partiel relatif à l’activité de représentation et vérifiant l'usage de la description de poste formalisée en début de mandat. Cet entretien a pour objectif d'évaluer exclusivement l'activité professionnelle de l'élu (bilan de l’année écoulée, fixation d’objectifs pour l’année à venir, détermination des actions de développement des compétences…) dans l'esprit des dispositions législatives et conventionnelles : l'élu a une activité professionnelle comme tout salarié mais les conditions d'exercice de cette activité sont touchées par l'existence d'un temps de travail consacré aux tâches de représentation du personnel. Les comptes-rendus de ces entretiens sont transmis au service RH et au chef de file de l'organisation syndicale qui mandate.
L'entretien professionnel
Il s'agit ici de l'entretien professionnel de la loi du 17 août 2015 mais qui, pour des raisons de lisibilité et d'opportunité, peut être annualisé pour les représentants du personnel.
Il est conduit par le service RH compétent sur le périmètre du mandat, vise à évoquer l'exercice de l'activité relative au mandat et est l'occasion d'étudier les aspirations, contraintes, orientations éventuelles, besoins de développement etc. du mandaté. Il s'agit en quelque sorte d'installer une animation de la vie professionnelle comme pour tout salarié mais en intégrant les apports/contraintes d'un mandat de représentation. Exemple : s'agit-il d'un mandat unique ou la perspective d'un nouveau mandat se profile t-elle ? Si oui lequel ? Être élu du CHSCT et envisager une candidature au poste de secrétaire du CHSCT ou réfléchir à intégrer le service HSE de l'entreprise a des effets à la fois sur l'activité de l'organisation syndicale et sur la politique de recrutement dans le service HSE et dans le service actuel du représentant du personnel.
En fin de mandat
L'entretien d'anticipation à la fin de mandatCet entretien mené par la fonction RH et le manager concerné doit permettre au représentant du personnel et/ou syndical :
- d’identifier et de formaliser ses souhaits concernant la poursuite de son itinéraire professionnel,
- et de se prononcer sur sa décision de travailler à identifier les compétences acquises dans l’exercice de son activité de représentation.
L'entretien de fin de mandat proprement dit
Sur la base des compétences recensées dans la RIPP, l'enjeu est de réinsérer les élus ne se représentant pas ou souhaitant évoluer vers d'autres mandats, de nouvelles fonctions, un nouveau métier dans ou hors de l'entreprise en validant les compétences pouvant servir à ces orientations (compétences spécifiques, compétences générales, compétences transférables…). Pratiquement, à l'issue du RIPP, le représentant du personnel soumet son évaluation et toutes les données relatives à son projet de prochain poste (cible envisagée, besoins de formation, modalités d'emploi etc.) à la fonction RH. La fonction RH, avec l'organisation syndicale concernée, procède à une relecture de contrôle et de validation en s'appuyant notamment sur le référentiel de compétences (nomenclature détaillée des principales compétences acquises et développées dans l’exercice des mandats de représentation). Un plan d'action est établi pour mise en œuvre (prérequis, calendrier...) avec par exemple une validation des acquis de l'expérience syndicale, un parcours certifiant s'appuyant sur la RIPP, les modalités du nouvel emploi (qualification, classification, rémunération...).
Hervé Jégouzo (expert des relations sociales au travail) et Gérard Goyer (consultant en management, organisation et ressources humaines).
À suivre : les conditions et modalités de mise en œuvre de l'accord.
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