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Canal+ : fracture ou déprime sociale ?
La période est à la négociation. À Canal+, c’est en effet en fin d’année que se négocient les augmentations salariales pour l’année à venir, cette fameuse négociation annuelle obligatoire (NAO). C’est un peu à contre-courant de ce qui se passe dans les autres grands groupes français, qui engagent plutôt leurs négociations à partir du début de l’année suivante. Un avantage lorsque les résultats définitifs de l’année écoulée sont connus. Mais à Canal+, c’est l’originalité qui prime.
Touchant à l’essentiel (la rémunération), cette négociation est également un point d’orgue pour faire le point sur l’environnement social de l’entreprise, son organisation, échanger sur l’état des troupes et le moral des collaborateurs. C’est un bon moment pour relever le thermomètre social et d’en tirer les conséquences afin d'agir pour tenter de corriger les dérives et d'apporter des réponses aux inquiétudes individuelles ou collectives.
Malgré cette fin d'année occultée par les festivités du 30ème anniversaire, Canal+ vit un moment d’attente, un temps suspendu aux décisions de notre nouvel actionnaire le tout dans un contexte social en tension.
Cet environnement dégradé est bien sûr la conséquence de la situation économique que subit notre pays, avec 3,4 millions de chômeurs recensés, une population certainement plus proche de 5 millions de Français vivant avec un revenu très faible, pour ceux-là l’abonnement devient un luxe inaccessible. C’est une explication majeure, pas la seule, la technologie et le développement de la consommation sur internet ou les tensions générées par la présence d’une nouvelle concurrence participent de cette crise et de la nécessité de repenser notre modèle commercial.
Mais ce ne sont pas les seules raisons, le contexte social de l’entreprise plombe également un peu plus chaque jour nos activités et notre activité.
Le choix n’est plus celui de la concertation ou du dialogue. La critique est malvenue, le droit du travail un frein insupportable et certains dirigeants ont décidé depuis longtemps de sélectionner ceux qui sont à même de représenter le personnel, de négocier ou de prendre la parole dans les enceintes mêmes de la représentation du personnel, ces lieux qui devraient être sanctuarisés pour permettre des échanges constructifs et féconds, passant par-dessus bord les résultats des élections professionnelles de juin 2013. Les incidents et les réprimandes se multiplient, l’aventure sociale de Canal+ dérape…
La mutation 2.0 pose problème. Nous sommes dans l’incapacité de repenser notre modèle social à l’aune de la révolution internet.
Si la révolution technologique transforme et bouleverse notre activité, nous continuons de penser le social avec le regard focalisé dans le rétroviseur. « Je contrôlais bien les représentants du personnel auparavant ; pourquoi n’en serait-il pas ainsi encore aujourd’hui ? » Il n’y aurait donc aucune raison que les choses changent, le pouvoir de l’entreprise est monolithique, le reste est accessoire et les obligations légales ? Encombrant ! Faisons le minimum…
Une contradiction de plus alors que les récents accords nationaux négociés par les partenaires sociaux ces 2 dernières années tendent à modifier radicalement en France la position des salariés dans les instances sociales de l’entreprise. Cela passe d’abord par une meilleure documentation des élus qui devraient accéder à une somme conséquente d’informations sur l’environnement économique de l’entreprise afin de mieux en comprendre les enjeux, d’anticiper et de préparer les mutations, de mesurer et d'agir sur les effets sociaux collatéraux http://bit.ly/1yolLdt
Paradoxe à Canal, l’information se raréfie et diminue… « Ailleurs, c’est ailleurs ; chez nous c’est ainsi ». Fermez le ban.
Canal+ a donc hérité de cette forme de thatchérisme à la française, un « doux » mélange de libéralisme exacerbé et de négation du débat social, s’inscrivant parfaitement dans l’air du temps, « le Code du travail, faites-le passer de 3 à 1 kg, réduisez nos obligations sociales et tout ira mieux. De toute façon, nous le lisons pas ».
C’est dans ce contexte particulier que nous abordons les négociations de fin d’année. Notre syndicat participe activement comme chaque année aux débats et échanges pour tenter de sauver l’essentiel dans l’intérêt des salariés et de l'activité. Car il ne sortira rien de bon de la stigmatisation individuelle ou collective de telle ou telle représentation sociale ou de la volonté absurde d’attiser les divergences syndicales. Question de méthode encore, comme si aucun moyen n’existait pour favoriser le dialogue social par la concertation, l’échange ou la négociation.
Imaginons l’avenir. Qu’est-ce aujourd’hui qu’une bonne politique sociale dans une entreprise du XXIème siècle ?
Question génération et formation certainement ; il est difficile ou impossible pour certains dirigeants de s’inscrire dans cette révolution en cours, mais rien ne sera plus comme avant.
Les entreprises qui réussissent sont celles qui savent conjuguer modernité du dialogue social et adaptation aux révolutions technologiques! À l’heure de son redéploiement, Canal+ doit intégrer cette nouvelle donne définivitement. Nous devons combler le fossé qui se creuse entre révolution technologique et archaïsme social. Dans le cas contraire, la tension sociale ne cessera de croître.
C’est sur le chemin du dialogue et du respect que nous devons nous engager pour 2015, sans contraintes ou pressions inappropriées. La NAO de cette fin d'année nous donnera déjà quelques indications sur une volonté réciproque d'ouvrir ce nouveau chemin. Nous saurons très rapidement si 2015 sera comme 2014 ou l'année du renouveau.