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Arrêt maladie et obligation de loyauté
Si le salarié peut se dispenser de poursuivre toute collaboration pendant son arrêt maladie, il reste tenu de fournir à l’employeur (lorsque celui-ci en fait la demande) les documents, fichiers ou codes informatiques nécessaires à la poursuite de l’activité de l’entreprise (Cass. soc., 6 février 2001, n° 98-46345 et Cass. soc., 18 mars 2003, n° 01-41343). Attention, la fourniture de ces documents ne doit pas avoir pour effet d’obliger le salarié à accomplir une véritable prestation de travail (Cass. soc., 25 juin 2003, n° 01-43155).
L’obligation de loyauté implique que le salarié ne commette pas d’actes de dénigrement ou de concurrence à l’égard de l’entreprise. Il y a acte déloyal lorsque le salarié exerce une activité concurrente pour son propre compte ou pour le compte d’un autre employeur pendant son arrêt maladie. Le fait, pour le salarié malade, de faire appel à d’autres salariés de l’entreprise pour l’aider dans son activité concurrente constitue une circonstance aggravante justifiant un licenciement pour faute grave.
L’exercice d’une activité pendant un arrêt de travail provoqué par la maladie ne constitue pas en lui-même un manquement à l’obligation de loyauté qui subsiste pendant la durée de cet arrêt. Pour fonder un licenciement, l’acte commis par un salarié durant la suspension du contrat de travail doit causer préjudice à l’employeur ou à l’entreprise. En l’espèce, l’employeur n’apportait pas la preuve que le salarié ait perçu une rémunération de son activité de gérant de la SARL (Cass. soc., 21 novembre 2018, n° 16-28513).
En dehors de toute activité concurrente, la Cour de cassation admet que le simple fait d’exercer une activité rémunérée pendant un congé maladie peut constituer un acte de déloyauté (Cass. soc., 12 janvier 2005, n° 02-46002). À l’opposé, il n’y a pas acte de déloyauté lorsque l’activité exercée n’est que temporaire, non concurrente et simplement bénévole. La violation de l’obligation de loyauté n’a pas été reconnue dans les cas suivants :
- remplacer pendant son arrêt de travail, temporairement et à titre bénévole, dans une activité n’impliquant aucun acte de concurrence, un gérant de station-service (Cass. soc., 4 juin 2002, n° 00-40894) ;
- aider occasionnellement son époux commerçant (Cass. soc., 8 avril 1992, n° 90-45669 et Cass. soc., 28 novembre 06, n° 05-41845) ;
- exercer une activité bénévole sans lien avec l’entreprise (Cass. soc., 21 mars 2000, n° 97-44370). En l’espèce, il s’agissait d’un salarié qui avait, pendant son arrêt de travail, tenu un stand dans une brocante, un dimanche matin ;
- le fait pour un maçon de profession de travailler, les derniers jours de son arrêt maladie, à la construction de sa propre maison (Cass. soc., 14 février 1980, n° 78-41441) ;
- Le fait pour un salarié de partir en voyage à l’étranger pendant un arrêt maladie (Cass. soc., 16 juin 1998, n° 96-41558) ou de ne pas respecter les heures de sorties autorisées par la Sécurité sociale (Cass. soc., 11 juin 2003, n° 02-42818).
Le non-respect des obligations vis-à-vis de la Sécurité sociale ne constitue pas un motif de licenciement mais est susceptible d’entraîner la suspension du versement des indemnités journalières et complémentaires.
Hypothèses spécifiques des salariés en arrêt de travail pour maladie professionnelle ou accident du travail
Au cours des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident de travail ou une maladie professionnelle, l’employeur ne peut résilier, sous peine de nullité, le contrat de travail à durée indéterminé du salarié, sauf faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie.
L’employeur qui souhaite licencier pour faute un salarié en arrêt maladie doit engager la procédure de licenciement dans un délai de deux mois à compter de la révélation des faits fautifs (à noter que l’absence du salarié pour maladie ne suspend pas le délai de deux mois imparti à l’employeur pour engager des poursuites disciplinaires : art. L1332-4 et L1332-5. L’engagement des poursuites se matérialise par la convocation à l’entretien préalable). Si le salarié ne s’est pas rendu à l’entretien préalable compte tenu de son arrêt maladie, l’employeur peut le convoquer à un nouvel entretien afin qu’il s’explique sur les faits qui lui sont reprochés. Dans ce cas, l’employeur doit notifier le licenciement dans le délai d’un mois suivant la date fixée pour le nouvel entretien (Cass. soc., 7JUIN 2006, n° 04-43819).
La protection contre le licenciement s’applique dès lors que l’employeur a connaissance du caractère professionnel de l’accident ou de la maladie. Cette connaissance du caractère professionnel s’apprécie par rapport à la date d’envoi de la lettre de licenciement.
Au cours de la procédure de licenciement, le salarié victime d'un accident du travail bénéficie de la protection à partir du moment où le licenciement n’a pas encore été notifié, peu important que cet accident soit intervenu après l’entretien préalable (Cass. soc., 10 mai 1995, n° 91-45.527). Lorsque la lettre de licenciement a été envoyée au salarié avant qu’il ne soit victime d’un accident du travail, la circonstance que cette lettre ne lui soit parvenue qu’au cours de la période de suspension de son contrat de travail consécutive à l’accident n’a pas pour conséquence de rendre nul le licenciement précédemment prononcé. L’effet du licenciement est toutefois reporté à l’expiration de la période de suspension (Cass. ass. plén., 28 janvier 2005, n° 01-45294).
La protection contre le licenciement vaut même lorsque la qualification est incertaine (la protection vaut lorsque la Caisse primaire d’assurance maladie ne s’est pas encore prononcée sur le caractère professionnel de l’accident ou de la maladie : Cass. soc., 21 novembre 1995, n° 92-45187. La protection vaut également lorsque l’employeur a connaissance, au moment du licenciement, qu’un recours est exercé contre la décision rejetant la prise en charge de l’arrêt de travail au titre de la législation sur les accidents du travail : Cass. soc., 8 novembre 1995, n° 92-41786. À l’opposé, si l’employeur n’a pas connaissance à la date du licenciement du recours exercé contre la décision de la CPAM, le salarié ne peut se prévaloir de la nullité de son licenciement : Cass. soc., 7 juillet 2004, n° 02-43700) ; ce qui importe, c’est qu'au moment du licenciement, le salarié ait averti son employeur qu’une démarche a été engagée pour faire reconnaître le caractère professionnel de l’accident (Cass. soc., 10 juillet 2002, n° 00-44796).
Arrêt maladie et exercice d’un mandat électif ou syndical
Durant la suspension de son contrat de travail, un salarié élu ou mandaté peut continuer à exercer son mandat. L’employeur doit continuer de le convoquer aux réunions des instances dont il est membre.
Le fait que le représentant du personnel perçoive une rémunération ou une indemnisation pendant son absence de l’entreprise n’a pas d’incidence sur le droit d’exercer son mandat. Il peut, en revanche, en avoir une sur le droit à rémunération des heures de délégation.
Au sujet des indemnités journalières de Sécurité sociale, la Cour de cassation a décidé que l’exercice répété et prolongé d’une activité de représentant du personnel est incompatible avec un arrêt de travail pour maladie et le versement, par la CPAM, d’indemnités journalières de sécurité sociale. Ce, même si les heures de délégation prises par l’intéressé coïncidaient aux heures de sortie autorisées (Cass. 2e civ., 9 décembre 2010, n° 09-17.449).
Au sujet du paiement des heures de délégation par l’employeur, la Cour de cassation a expliqué que, d’une part, l’attribution d’indemnités journalières à l’assuré se trouvant dans l’incapacité physique de continuer ou de reprendre son travail est subordonnée à l’obligation pour le bénéficiaire de s’abstenir de toute activité non autorisée et, d’autre part, que les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail, il s’ensuit que l’exercice de son activité de représentation par le représentant du personnel ou d’un syndicat, dont le mandat n’est pas suspendu, ne peut ouvrir droit à indemnisation que s’il a été préalablement autorisé par le médecin traitant (Cass. ch. mixte, 21 mars 2014, n° 12-20.002).
Attention, cela ne signifie pas que l’employeur peut refuser l’accès de l’entreprise à un représentant du personnel en arrêt du travail venu exercer son mandat. Il commettrait un délit d’entrave. Cependant, le représentant du personnel risque de se voir réclamer le remboursement de ses indemnités journalières par la Sécurité sociale.
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