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Rapport Bailly : « coup de balai » sur la législation du travail dominical
Le dimanche 1er décembre, le rapport Bailly a été communiqué au gouvernement. D’après son auteur, il s’agirait là de mesures équilibrées, équitables et robustes, fondées sur le dialogue territorial et social.
Quid : Que va-t-il advenir des distinctions existantes entre les différents secteurs ou entre des zones administrativement délimitées ?
Une chose est sûre, la spécificité du repos dominical sera maintenue tout en permettant une ouverture des commerces lorsqu’un consensus entre l’ensemble des acteurs émergera.
Quelques incohérences du système seront « retouchées » :
- la dérogation permanente accordée au secteur de l’ameublement (et ce sans obligation de contreparties pour les salariés) ;
- la régularisation de pratiques d’ouverture illégale via la création des PUCE ;
- la définition non suffisamment encadrée et concertée tant des PUCE que des zones touristiques ;
- la distorsion dans le traitement social des salariés entre les différentes zones.
La sortie à terme du secteur de l’ameublement de la liste des dérogations de droit devrait mettre fin aux revendications sectorielles illimitées et assurer un traitement équitable des secteurs du commerce.
En l’occurrence, il est proposé que cette modification ne soit effective que 6 à 12 mois après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, afin de laisser le temps à ce secteur de bénéficier des nouveaux dispositifs.
Dès lors, le principe général serait que, hormis le commerce alimentaire (qui bénéficie d’une réglementation particulière), de nouvelles activités de vente au détail n’auraient pas pour vocation de bénéficier d’une dérogation permanente de droit.
En outre, deux secteurs méritent un traitement particulier au sein de la catégorie des dérogations de droit : la jardinerie et l’animalerie. Étant des secteurs « vivants », l’ouverture de ces commerces le dimanche est rendue nécessaire par les contraintes même de l’activité.
Pour l’instant, seule la jardinerie est un secteur dérogatoire de droit pour l’ensemble de ses activités (y compris la vente d’animaux). Le secteur de l’animalerie viendrait s’ajouter à cette liste pour l’ensemble de ses activités.
Ces activités sont les seules pour lesquelles le travail dominical ne donne pas lieu à des contreparties prévues par la loi pour les salariés.
Concernant les « 5 dimanches du maire », ceux-ci apparaissent insuffisants et ne sont pas accordés par toutes les collectivités. Rappelons qu’ils permettent au maire d’autoriser l’ouverture des commerces de détail de manière exceptionnelle.
Avec la réforme, les commerçants français disposeraient d’un droit effectif à un minimum de 5 dimanches par an et pourraient bénéficier au maximum de 12 dimanches dans les zones où les maires accorderaient l’intégralité des autorisations dont ils disposent. Dans la mesure où il n’est pas proposé d’introduire une obligation de respect du volontariat lors de ces 12 dimanches, le haut niveau de compensation actuellement défini pour les « 5 dimanches du maire » resterait maintenu.Par ailleurs, il est proposé d’instaurer un dispositif permettant aux commerces situés dans un périmètre préalablement défini dans le cadre d’un dialogue territorial approfondi d’ouvrir le dimanche moyennant l’attribution obligatoire de contreparties aux salariés et la garantie du respect du volontariat.
Ce mécanisme reposerait sur un double niveau de dialogue :- en priorité un dialogue territorial pour définir les zones dans lesquelles des besoins (au-delà de 12 dimanches) sont identifiés,
- puis un dialogue social au niveau de la branche, de l’entreprise, ou du site auxquels serait subordonnée l’ouverture effective des commerces.
À défaut de conclusion d’un accord collectif, l’ouverture serait possible sur la base d’une décision unilatérale de l’employeur, soumise à l’approbation des salariés, qui fixerait les contreparties sociales et garantirait le volontariat conformément aux conditions posées par la loi.
Ce dispositif a pour vocation de se substituer aux zones touristiques et PUCE existants.En ce qui concerne les zones touristiques, celles-ci ne visent pas à être remises en cause mais il est juste question de revoir le mode de dialogue et les critères appliqués pour les définir.
Pour une définition cohérente et objective des zones, le rapport Bailly prend en compte les critères suivants :- le nombre et l’importance des points d’attractivité touristique,
- les flux de touristes ainsi que leurs modalités de déplacement (transports, existence d’une zone piétonne),
- la présence de services tels que les hôtels-cafés-restaurants, de lieux de divertissements et d’espaces verts,
- des critères liés au tourisme international (fondés par exemple sur la notoriété mondiale de certaines zones),
- le chiffre d’affaires généré par les achats des touristes étrangers.
Ces critères devraient permettre de qualifier de zone touristique un quartier ou un centre-ville touristiquement attractif.
De plus, la définition de toute zone touristique donnera lieu à une large concertation territoriale (élus locaux administrations, riverains, professionnels) conduisant à la réalisation d’un dossier d’opportunité et d’une étude d’impact (notamment pour la prise en compte des distorsions de concurrence et des effets de bord, de la vie des riverains, de l’impact sur les services publics), pilotée par une autorité politique locale, de préférence le président de la communauté de communes ou de la communauté d’agglomération.
De ces échanges serait délimitée une zone baptisée « périmètre d’animation concertée touristique » (PACT) ainsi que des modalités d’ouverture (saisonnalité, amplitudes horaires etc.).S’agissant des grandes aires urbaines (ne devant pas nécessairement être limitée à l’Île-de-France), un véritable dialogue territorial devra être engagé pour trouver une solution adaptée à chaque zone.
Le dispositif baptisé « périmètres d’animation concertée commerciale » (PACC) remplacerait les PUCE (périmètres urbains de consommation exceptionnelle). Pour ce faire, on laisserait s’éteindre les PUCE existants en ne renouvelant pas les autorisations individuelles déjà accordées au moment de leur échéance.
Leur définition se baserait sur des critères objectifs et cumulatifs tels que :
- la densité commerciale (par exemple 20 000 m2 hors alimentaire) dans le périmètre demandé ;
- l’attractivité (par exemple 3 millions de visiteurs dans la zone) afin d’objectiver le caractère exceptionnel de l’attractivité commerciale du périmètre ;
- l’adhésion des commerçants (par exemple 50 % des commerçants du périmètre) ;
- des éléments consultatifs permettant de mesurer l’adhésion des salariés.
Étant précisé que cette liste n’est pas exhaustive.
L’initiative de la création de ces PACC relèverait de la décision du préfet de région, celui-ci pouvant proposer de modifier la délimitation lui ayant été soumise. L’absence de réponse du maire à une demande de création d’un PACC ou PACT vaudrait rejet dans un délai de 2 mois.
Les modalités d’ouverture des commerces au sein des périmètres définis seraient identiques dans les PACC et les PACT. Au sein de chaque PACC ou PACT défini, les commerces seraient autorisés à ouvrir le dimanche sans avoir à solliciter une dérogation spécifique. En revanche, cette ouverture ne serait légale que sur le fondement d’un accord collectif de branche, d’entreprise ou de site, négocié avec les organisations syndicales, ou, à défaut de l’application des contreparties légales sur le modèle décrit ci-après.
Il devrait dès lors s’agir d’un régime déclaratif, où chaque établissement aurait l’obligation de déposer son accord collectif ou, à défaut, sa décision unilatérale de respecter les conditions légales d’ouverture approuvée par référendum auprès des salariés, auprès de l’autorité administrative compétente.
Si un tel dispositif était instauré, la voie des dérogations préfectorales prévues à l’article L. 3132-20 du Code du travail n’aurait plus raison d’être pour les commerces.
Le rapport Bailly propose d’étendre l’obligation de contreparties sociales et la garantie du respect du volontariat aux zones touristiques. Qu’il travaille dans un commerce autorisé à déroger au repos dominical du fait de son appartenance à un PUCE ou à une zone touristique, et, à terme à un PACC ou un PACT, chaque salarié devrait avoir droit à un traitement social plus avantageux du fait de l’activité dominicale.
Le modèle retenu pourrait être celui du PUCE actuel, à savoir, la définition de ces contreparties via l’accord collectif, et, à défaut d’accord, l’application d’un mécanisme supplétif dont le niveau de compensations serait fixé par la loi.
La loi devrait encadrer le contenu des accords collectifs en fixant des clauses obligatoires :
- compensations salariales et repos compensateur,
- mesures visant à garantir le respect du volontariat,
- mesures visant à faciliter la conciliation entre vie privée et vie professionnelle.
Le volontariat s’appliquerait en tenant compte :
- d’une déclaration positive de chaque salarié à échéance régulière (tous les 6 mois ou tous les ans par exemple) ;
- de l’effectivité du droit à la réversibilité de ce choix : chaque salarié pourrait revenir sur son choix de travailler le dimanche moyennant un délai de prévenance permettant à l’employeur de réorganiser le travail (un mois par exemple) ;
- du fait que le travail du dimanche ne peut être une clause du contrat de travail ;
- du fait que le choix de ne pas travailler le dimanche est un droit : il ne doit pas être source de discrimination et doit donc être traité en tant que tel le cas échéant ;
- de l’organisation du travail le dimanche, soit ne pas nécessiter la présence de la totalité des salariés travaillant la semaine : fonctionnement du commerce en équipe restreinte ou avec des salariés supplémentaires recrutés afin de compléter l’effectif.
Ces cinq axes ne sont pas exhaustifs et constituent un minimum pouvant être complété dans le cadre du dialogue social en fonction des spécificités de chaque secteur.
Par ailleurs, les accords collectifs devraient prévoir des mesures permettant aux salariés ayant fait acte de volonté de travailler le dimanche de mieux concilier vie privée et vie professionnelle.
Ces mesures pourront revêtir des formes diverses comme par exemples :
- une aide aux modes de garde ou aux transports,
- un engagement d’accorder 2 jours de repos consécutifs dans la semaine, ou le choix du jour du repos hebdomadaire,
- la fixation d’un nombre maximal de dimanches travaillés.
À défaut d’accord collectif, les commerces devraient pouvoir ouvrir s’ils proposent, après consultation des salariés :
- un doublement de la rémunération et un repos compensateur,
- des mesures visant à garantir le volontariat,
- des mesures visant à la conciliation entre vie privée et vie professionnelle.
Enfin, il convient de préciser que la loi devrait prévoir une dérogation spécifique pour les commerces de moins de 11 salariés. L’objectif étant de prendre en compte leurs difficultés car, les petits commerçants n’ont pas toujours la possibilité d’offrir de telles contreparties. En l’occurrence, il serait question de ne pas leur appliquer l’obligation de compensation salariale et de volontariat.