Organisations
Vulnérabilité des métiers sur fond de crise du coronavirus : nécessité d'un traitement différencié
La crise sanitaire inédite que nous traversons depuis mars a profondément modifié l'organisation et les conditions du travail, avec des conséquences plus ou moins « durables » et dont il est encore difficile de bien mesurer toutes les évolutions futures.
France Stratégie s'est penchée sur ces sujets et, à l'évidence, la note récemment publiée sur « les métiers au temps du coronavirus » devra retenir l'attention.
La note souligne qu'« au-delà de sa dimension économique, cette crise affecte aussi les conditions de vie et les conditions de travail, renforçant des vulnérabilités existantes et en générant de nouvelles » et détaille longuement les observations et les enseignements à en tirer.
France Stratégie part du constat que :
- les vulnérabilités économiques en conditions de vie et en conditions de travail se combinent différemment selon les métiers ;
- la carte des risques professionnels dessine un portrait contrasté des métiers, avec des vulnérabilités anciennes et d’autres nouvelles, soulignées ou insufflées par la crise du covid-19.
De plus, elle propose une typologie inédite des métiers dans la crise en cinq groupes.
- Les métiers que l’on peut qualifier de « vulnérables de toujours » qui conjuguent une difficulté à travailler à distance et des statuts souvent précaires (un sur cinq exerce en CDD ou en intérim). Ces 4,2 millions de travailleurs (majoritairement des hommes), artisans et ouvriers de l’industrie et du bâtiment sont traditionnellement confrontés à des conditions de vie et de travail difficiles.
- Les « nouveaux vulnérables » (4,3 millions d’emplois) affrontent une crise inédite liée à l’exercice même de leur métier qui les met en contact avec le public. Leurs activités sont ralenties (voire interdites) et leur statut les fragilise (31 % de contrats intermittents ou d’indépendants en solo). Dans ces métiers du transport, de l'hôtellerie-restauration, des services aux particuliers, de l’art, de la culture et du sport, la vulnérabilité financière se double d’une incertitude sur l’avenir.
- Les 10,4 millions de professionnels directement ou indirectement sur le « front » sont ceux dont les activités apparaissent essentielles dans cette crise. Ce sont tous les métiers de la santé, de l’éducation, de la propreté, de l’alimentaire et de sa distribution et les professions régaliennes.
Peu fragilisés économiquement, ils n’en sont pas moins exposés à une vulnérabilité d’ordre sanitaire par leur contact direct avec le public pour les trois quarts d’entre eux.
Parmi les plus mal rémunérées et davantage occupées par des femmes, ces professions sont exposées à une intensification du travail.
- Les télétravailleurs, qui sont exposés à un nouveau risque d’hyperconnectivité (3,9 millions d’emplois).
Essentiellement occupées par des cadres, ces professions doivent, à distance, assurer la continuité du travail et préparer la reprise d’activité. Soumis d’ordinaire à une plus forte intensité du travail, ils voient leur charge mentale et les difficultés de conciliation avec la vie familiale renforcées par la crise.
Bien des professions intermédiaires ou d’employés qualifiés (4 millions d’emplois), le plus souvent en inactivité partielle, sont protégées du licenciement à court terme par leur statut. Mais leur difficulté à télétravailler les expose à des risques d’éloignement de la sphère professionnelle et de désocialisation.
En conclusion, pour France Stratégie, la sortie du confinement et la transition, parfois longue, vers une reprise d’activité totale ou partielle, n’auront pas la même signification pour tous les métiers.
« Sans préjuger des décisions que prendront les branches professionnelles et les partenaires sociaux ni des mesures en place ou qui seront prolongées pour préserver l’emploi des plus vulnérables », la note attire l’attention sur la nécessité d'un traitement « différencié » des risques auxquels les métiers sont confrontés.
Enfin, les mesures de confinement vont certainement avoir accéléré des transformations organisationnelles et la diffusion de technologies numériques qui nécessiteront des adaptations :
- pour tenir compte des innovations,
- et pour repositionner les tâches et les hiérarchies bouleversées par la distanciation sociale.
Pour les auteurs de cette note, « la récurrence vraisemblable de crises majeures (sanitaires ou autres) imposera également des mesures durables d’hygiène et de sécurité qui transformeront les collectifs de travail et pourraient imposer de nouveaux modes de collaboration et d’organisation du travail ».