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01 / 07 / 2020 | 197 vues
Xavier Burot / Abonné
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Vers des emplois jetables dans le numérique ?

CDIenSURSIS

Le 28 mai dernier, le SYNTEC et CINOV (organisations patronales) ont proposé l’ouverture de négociation sur la mise en place d’un contrat d’opération aux syndicats de salariés, comme le permettent les ordonnances Macron du 22 septembre 2017.
 

Mais qu’est-ce qu’un « contrat d’opération » ? C’est un contrat à durée indéterminée dont l’objet est la réalisation d’une mission particulière. Celui-ci prend fin dès que la mission s’arrête. Il y a donc un lien intrinsèque entre le contrat de travail qui lie l’entreprise et le salarié et le contrat commercial qui relie l’entreprise à son client.
 

Ce type de contrat n’est qu’une résurgence du « contrat de louage » appliqué à l’époque de la révolution industrielle au XIXe siècle. À l’époque, le contremaître choisissait les travailleurs le matin à l’entrée de l’usine, en fonction de l’activité prévue pour la journée. Le contrat d’opération est une extension à l’ensemble de la branche du contrat de chantier qui était limité au seul secteur de l’ingénierie. Il est surtout un bon moyen d’abaisser le fameux « coût du travail » en :

  • recourant à un salarié que s’il est facturé à un client. Donc l’entreprise n’a plus à prendre les périodes d’inter-contrat en charge (qui, de fait, seront indemnisées par l’assurance chômage), si toutefois le salarié a acquis les droits nécessaires ;
  • transférant le maintien de l’employabilité sur les salariés eux-mêmes qui devront se former à leurs frais pour rester compétitifs sur le « marché de l’emploi ».
     

Ce n’est pas la première fois que le patronat de la branche des bureaux d’études tente d’introduire ce type de contrat dans la convention collective. Déjà en octobre 2003, reprenant dans un « document de position » une idée exprimée par le MEDEF en mars 2000, SYNTEC a mis un nouveau dispositif concernant le contrat de travail en exergue : le « contrat de mission ». Dans ce cadre, SYNTEC informatique a promu le recours à ce type de contrat dans les SSII dans un document de 22 pages. « Déjà appliqué à SYNTEC ingénierie, le contrat dit « de chantier » se cale sur la durée de vie d’un projet. Il peut notamment mener au « licenciement de personnes dont le réemploi ne peut plus être assuré lors de l’achèvement des tâches qui leur étaient confiées ». Face à la mobilisation des salariés de la branche, organisée par la fédération CGT des sociétés d’études, le patronat a dû abandonner son projet.
 

Mais le patronat ne s’est pas avoué vaincu et il revient à la charge par des voix détournées. En effet, le « contrat de mission » (autre nom du contrat d’opération) faisait partie des propositions retenues dans le rapport de Michel de Virville remis au Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin, le 15 janvier 2004, mais révélé au public qu’en mars de la même année. Mais cette proposition n’a pas été reprise.
 

Il a resurgi dans le cadre de la loi du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail, sous la forme d’un CDD « à objet défini ». Celui-ci n’a pas eu le succès escompté par le patronat car seules deux branches professionnelles (la banque et les industries de produits alimentaires) ont signé un accord ouvrant droit à la mise en œuvre de ce type de contrat.
 

Mais le patronat de la branche des bureaux d’études a tenté de réintroduire le « contrat de projet » dans la convention collective sous couvert d’une démarche de « responsabilité sociale économique et environnementale/l’entreprise comme acteur de la société » en septembre 2016. Cette belle façade cachait une volonté d’améliorer la profitabilité des entreprises du secteur et d’ainsi augmenter les dividendes versés aux actionnaires. Là encore, la mobilisation des salariés a fait reculer le patronat. Là encore, la fédération des sociétés d’études a joué un rôle important.
 

Mais comme nous pouvons le constater, le patronat du secteur ne désarme pas. Sous couvert de lutter contre le chômage des jeunes, notamment après la crise sanitaire que le pays vient de subir, il propose la mise en place du « contrat d’opération ». Or en regardant la pyramide des âges des salariés de la branche, nous constatons qu’il n’y a pas vraiment de soucis de chômage des jeunes. Bien au contraire, ce sont plutôt les seniors qui se voient remerciés, passé un certain âge. La mise ne place du « contrat d’opération » n’a donc pas pour but de réduire le chômage mais d’augmenter la précarisation dans la branche, en détruisant des emplois actuellement en CDI pour peu à peu les remplacer par des salariés « sous contrat d’opération ».
 

La fédération CGT des sociétés d’études à lancé une grande campagne de mobilisation contre ce type de contrats pour lutter contre cette précarisation de la branche (qui, soit dit en passant, réalise de confortables profits). Elle a été rejointe dans cette mobilisation par le syndicat SUD informatique. Espérons que d’autres organisations syndicales se joindront à eux.
 

Afin d’intensifier la mobilisation, la fédération CGT de sociétés d’études a lancé une pétition en ligne, que vous pouvez signer en cliquant ici. Nous vous invitons à la signer et à la faire signer par le plus grand nombre de gens afin que le monde d’après ne ressemble pas au monde d’avant en pire.

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