Organisations
Social : les quatre dossiers chauds de la rentrée
Il y a tout juste un an, la grogne des Français au sujet de la hausse de la fiscalité sur les carburants, de l’augmentation de la précarité et des inégalités débutait. Cette colère devait déboucher sur le mouvement des gilets jaunes quelques semaines plus tard. Le Président de la République et l’ensemble des politiques ont eu beaucoup de mal à comprendre ce mouvement inédit et protéiforme. Ceux qui nous gouvernent seront plus attentifs aux signes de mécontentements de la population en cette rentrée 2019 et les dossiers chauds sont nombreux...
La colère des urgentistes et l’état lamentable de l’hôpital
Les services d’urgences sont en grève depuis plusieurs mois. Ce mouvement a permis de prendre conscience de l’état catastrophique des hôpitaux français. Certains syndicats appellent à une grève générale dans tout le secteur. Les moyens financiers alloués semblent ridicules par rapport aux besoins…
Les agriculteurs et le CETA
L’accord « comprehensive economic and trade agreement » (CETA) est un traité de libre-échange établi entre le Canada et l'Union européenne. Les agriculteurs considèrent ce traité comme une catastrophe économique, sociale et écologique. Des mobilisations dans la profession sont à prévoir ces prochaines semaines.
Grogne dans la fonction publique
Avec l’annonce de la suppression de 85 000 postes de fonctionnaires et les services des impôts proches de l’implosion (conséquence de la mise en place du prélèvement à la source), la rentrée s’annonce mouvementée dans ce secteur-ci également.
Remise en cause du régime de retraite actuel
C’est le sujet le plus délicat de la rentrée. Jean-Paul Delevoye (haut-commissaire en charge de la « réforme » des retraites) avance sur des œufs depuis plusieurs mois…
Premier point de la réforme, une fusion de tous les régimes actuels (42 au total) dans un régime universel. Second point, l’apparition d’un âge pivot.
Pour comprendre les changements attendus, rappelons d’abord le fonctionnement du régime actuel. Il existe deux âges pour partir à la retraite :
- l’âge légal de départ en retraite (62 ans dans le cas général) à partir duquel il est possible de liquider sa pension,
- l’âge de la retraite à taux plein en dessous duquel il est possible de partir mais avec une pension réduite. C’est le système des « trimestres ». Pour ceux qui ont cotisé moins de trimestres que prévu par la loi, une décote s’applique jusqu’à l’âge de 67 ans.
Le nouveau système de retraite envisagé remplacerait le régime « par trimestres » par un régime « par points ». La notion d’âge de pension à taux plein disparaîtrait, au profit d’un raisonnement individuel par points.
Un âge « pivot » (fixé à 64 ans) interviendrait dans les calculs et suivrait l’évolution de l’espérance de vie. Ce système a pour objectif d’inciter à partir en retraite le plus tard possible.
Quelqu'un voulant partir à 62 ans serait doublement pénalisé : retraite plus faible (moins de points accumulés) et décote par rapport à l’âge pivot (5 % par année).
À l’exception des salariés « aisés » qui pourront partir à la retraite plus tôt, la grande majorité des salariés devra travailler plus longtemps, pour conserver une retraite décente.
Rebondissement sur le sujet cet été… En s’exprimant sur le sujet, Emmanuel Macron a fait part de sa préférence pour un régime de retraite basé sur la durée de cotisations plutôt que sur l’âge.
Trois remarques essentielles sur les retraites
Prise en compte de la pénibilité
Dans le système de retraite, le terme de pénibilité ne correspond pas simplement à un métier difficile. Il s'agit de conditions de travail réduisant l'espérance de vie du travailleur. Or, comment apprécier cette pénibilité au cours de la carrière en étant objectif et sans monter une usine à gaz ? La question reste posée…
Espérance de vie en bonne santé
Le principal argument avancé par les tenants d’un allongement de la durée de cotisations est l’augmentation de l’espérance de vie. En 2017, l'espérance de vie à la naissance atteignait 85,3 ans pour les femmes et 79,5 ans pour les hommes (soit des gains respectifs de 18,6 ans et 18,3 ans par rapport à 1947).
Mais attention, il est plus pertinent de parler « d’espérance de vie en bonne santé ». Stress au travail, mal bouffe, selon les dernières statistiques Eurostat, portant sur l’année 2016, l’espérance de vie en bonne santé, en France, est de 64,1 ans chez les femmes et 62,7 chez les hommes. La donne n’est plus du tout la même !
Equilibre financier des régimes de retraite
« Il faut réformer le régime de retraite car celui-ci est en déficit et le restera ». Le solde financier du système de retraite à l'horizon 2022 sera en déficit d’environ 10 milliards d'euros, selon le rapport annuel du Conseil d'orientation des retraites (COR). La somme peut sembler importante mais elle ne représente que 0,4 % du PIB. À mettre en parallèle avec le coût de l’évasion fiscale.
À l'échelle des 28 membres de l'Union européenne, « environ 1 000 milliards d'euros sont perdus chaque année à cause de l'évasion et de la fraude fiscales », estime le Parlement européen. Un rapport sénatorial datant de 2012 chiffrait entre 30 et 36 milliards le coût minimal de l'évasion fiscale pour l'État français. En réalité, ce manque à gagner pourrait même atteindre 50 milliards, soulignait le rapport parlementaire.
Problème, il n’y a aucune volonté internationale pour lutter contre cette fraude.
Vers une convergence des revendications ?
On le voit, les sujets épineux de cette rentrée sont nombreux. Certains imaginent déjà une convergence des luttes, avec une fusion des revendications. Ce scénario est peu probable tant les intérêts des parties prenantes sont divergents et les arrière-pensées nombreuses.
Tous devraient méditer cette phrase que l’on retrouve dans une fable d’Ésope, Les enfants désunis du laboureur : « Autant l'union fait la force, autant la discorde expose à une prompte défaite ».