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25 / 10 / 2024 | 137 vues
Marie-Laure Billotte / Abonné
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Les Services Express Régionaux Métropolitains (SERM) : à quoi joue l’État ?

La loi du 27 décembre 2023 relative aux services express régionaux métropolitains (SERM) les définit comme une offre multimodale de services de transports collectifs publics en dehors de la région d’Ile-de-France, qui s’appuie prioritairement sur un renforcement de la desserte ferroviaire.

Des services qui s’appuient sur une offre multimodale

La loi précise que l’offre intègre la mise en place de services de transport routier à haut niveau de service, de réseaux cyclables et, le cas échéant, de services de transport fluvial, de covoiturage, d’autopartage et de transports guidés ainsi que la création ou l’adaptation de gares ou de pôle d’échanges multimodaux. L’objectif poursuivi est de réduire la pollution de l’air, lutter contre l’autosolisme et la densification urbaine. À ce titre, les SERM peuvent constituer un élément de réponse aux problématiques environnementales, comme en témoignent les graphiques ci-après ; la prépondérance des transports, et en particulier de la route, dans les émissions de gaz à effet de serre en France place le ferroviaire en outil incontournable pour atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas carbone de la France. Celle-ci doit en effet aboutir à une neutralité carbone nette à horizon 2020. La décomposition des émissions du secteur des transports, qui met en évidence la supériorité des émissions liées au transport de voyageurs, notamment sous l’effet des déplacements pendulaires, donne ainsi du crédit aux projets de SERM… à condition qu’ils n’entravent pas le maintien/développement des petites lignes ferroviaires et des projets afférents au fret ferroviaire.

 

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Le secteur des Transports est de loin le secteur d’activité le plus émetteur de gaz à effet de serre en France…

 

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… en raison des émissions du mode routier. Dans ce contexte, le report modal vers le fluvial et le ferroviaire constitue un levier majeur pour la décarbonation du pays.

 

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Si ce nécessaire report modal concerne aussi bien le transport de voyageurs que de marchandises, il est davantage à accentuer pour le transport de passagers, prépondérant dans les émissions de GES.

 

Un nombre de SERM étendu par rapport aux annonces initiales, un nouveau rôle pour l’ex-Société du Grand Paris

À date, les projets de SERM concernent 24 agglomérations qui peuvent prétendre obtenir le statut spécifique par arrêté d’ici à la fin de l’année. La carte ci-dessous détaille l’ensemble des projets retenus. En vert sont indiquées les agglomérations qui avaient bénéficié en premier d’un aval pour la "poursuite de leur projet en vue d’obtenir le statut de SERM", dès le 27 juin. Pour ces projets, le ministère des Transports avait considéré qu’ils étaient les plus mûrs, notamment en termes d’ambition générale, d’acteurs locaux mobilisés, de périmètre et de grandes orientations stratégiques.

 

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Par la suite, 9 agglomérations ont fait l’objet du même feu vert à la poursuite du projet le 5 juillet dernier : ces villes/bassins sont indiqués en bleu sur la carte.
 

Les prochaines étapes pour obtenir le statut par voie réglementaire, mais aussi et surtout percevoir les financements étatiques, un deuxième dépôt de dossier – approfondi celui-ci – devra être réalisé : il devra contenir les objectifs et la feuille de route pour les atteindre, la gouvernance et le plan de financement du SERM.
 

Par ailleurs, d’autres projets pourraient venir compléter ces 24 dossiers. Les villes dont le projet de SERM est à l’étude sont indiquées en orange sur la carte.
 

Le nombre de projets labellisés et à l’étude est très largement supérieur au nombre initialement évoqué par le Président de la République lors d’une vidéo postée sur YouTube en novembre 2023, qui tablait sur 10 métropoles : s’il fait évidemment part de la volonté des collectivités concernées de développer les transports en commun du quotidien et désengorger les trafics routiers, il témoigne du souhait des collectivités (Régions, départements, métropoles) d’intégrer un dispositif qui intègrerait des financements étatiques, c’est-à-dire profiter de cofinancements dans un contexte financier complexe.

 

La Société du Grand Paris, pierre angulaire des projets de SERM, concurrente frontale de SNCF Réseau

La loi relative aux SERM apporte une évolution majeure au système ferroviaire français, puisqu’elle fait entrer de plain-pied la Société des Grands Projets (ex-Société du Grand Paris), dont la dénomination a été modifiée par la même loi) dans le système. C’est en effet cette structure – et non SNCF Réseau – qui devrait être privilégiée dans le cadre de la maîtrise d’œuvre des RER métropolitains. À ce sujet, la loi fixe 3 conditions d’intervention de la SGP :
 

  • si le RER métropolitain nécessite la construction d’une nouvelle infrastructure ferroviaire,
  • si le RER circule sur des lignes ou sections de lignes sur lesquelles aucun train de fret ou de voyageurs ne circule plus depuis au moins cinq ans,
  • s’il s’agit d’une extension du réseau de transport public urbain ou interurbain qui comprend au moins une correspondance avec le RER métropolitain.
     

Dès lors, l’analyse de ces conditions conduit à anticiper un recours privilégié à la SGP, intervenant en concurrence frontale de SNCF Réseau, même si les gouvernances des deux entités s’en défendent. La raison invoquée pour justifier l’appui de la SGP est la capitalisation sur l’expérience acquise dans le cadre de la conception des installations du Grand Paris Express, mais elle pourrait être davantage financière. En effet, SNCF Réseau voit son activité être largement conditionnée par le respect de règles d’ordre financier (respect d’une "règle d’or" qui repose sur un ratio endettement financier net/EBITDA qui doit être inférieur à 6 à partir de 2026, atteinte de l’équilibre économique à partir de 2024…). Dès lors, sa participation dans tout nouveau projet ferroviaire, même structurant, est remise en cause, notamment parce que les conditions de financement ne sont pas clairement définies. Toute intervention du gestionnaire d’infrastructure sur fonds propres mettrait ainsi à mal les critères et ratios financiers précités.

Ce n’est pas le cas de la SGP, qui bénéficie de davantage de souplesse financière – ce qui n’est d’ailleurs pas sans interroger. Pour rappel, la SGP est un EPIC (ancienne forme juridique de SNCF Réseau…) détenu par l’État. Un rapport de la Cour des Comptes de janvier 2024 dressait l’évolution de l’endettement financier de la SGP : celui-ci a évolué de 1.2 Md€ en 2017 à près de 29 Mds € fin juin 2023, traduisant l’impact du financement des investissements dans les nouvelles installations du Grand Paris Express. Fait notable, on peut constater que la loi sur les SERM a conféré davantage de souplesse financière à la SGP, puisque le plafond de dette autorisée est passé de 35 à 39 Mds € ; en somme, le législateur adopte des règles toujours plus contraignantes pour le gestionnaire d’infrastructure historique, SNCF Réseau, tout en augmentant les marges de manœuvre de la SGP. Ce, alors que la Cour des Comptes pointe "le modèle financier de la SGP", qui serait "vulnérable principalement aux aléas que peuvent subir ses recettes sous l’effet d’évolutions socioéconomiques ou de décisions des pouvoirs publics". Parmi ces décisions, le choix de recourir à la SGP comme maître d’œuvre de tout ou partie des SERM est un élément significatif.

 

Une facture totale floue, des financements étatiques en question et une conférence de financement qui tarde à être mise en place

Le sujet du financement de ces SERM est central, dans un contexte de finances publiques pressurisées. Pourtant, il est probablement le moins abouti des maillons qui forment la chaîne de réalisation des SERM.

D’une part, la facture globale est rendue floue par le nombre de projets à financer. Comme vu précédemment, les annonces initiales tablaient sur un nombre restreint de SERM, autour d’une dizaine de projets. Le rapport du Conseil d’Orientation des Infrastructures de décembre 2022 indiquait que le coût total des SERM était compris entre 15 et 20 Mds € sur la période 2023-2042 (cf. graphique ci-après), dont 11 Mds € pour les projets prioritaires.

 

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Additionnés, les montants par SERM tel qu’indiqués dans le rapport du COI atteignent 13.8 Mds €, hors SERM PACA. Leur intégration permettrait d’atteindre la fourchette communiquée de 15-20 Mds €.

 

Le collectif Objectifs RER métropolitains évalue, lui, la facture globale à près de 40 Mds €, un niveau qui paraît plus proche de la réalité au regard des estimations réévaluées de certains SERM, comme à Toulouse (4 Mds € au total). Cette estimation est également confortée par l’analyse des avenants Mobilité aux CPER 2023-2027, disponibles à date (toutes les Régions n’ont pas encore contractualisé avec l’État, comme Bourgogne Franche-Comté). La synthèse de ces avenants par région et par projet est fournie ci-après :

 

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Sur la période 2023-2027, les financements affectés aux SERM dans les CPER atteignent 2.7 Mds €, et couvrent de façon significative les frais d’études et de préparation aux travaux. On peut donc raisonnablement penser que le besoin de financement global tel qu’évalué par le COI devra être largement revu à la hausse.


D’autre part, les atermoiements politiques récents et l’indécision de l’État font planer le doute sur les contributions financières des acteurs. Prévue dans le cadre de la loi du 27 décembre 2023, la conférence de financement, qui devait avoir lieu avant le 30 juin 2024, avait été repoussée au mois de septembre 2024 en raison des élections législatives ayant succédé à la dissolution de l’Assemblée Nationale. Malheureusement, cette dernière n’a toujours pas été mise en place. Dès lors, on peut légitimement se questionner sur les arbitrages qui seront réalisés par le nouveau gouvernement en place, qui a d’ores et déjà envoyé des signaux en faveur d’économies et de renoncements. Ce, alors que seuls quelques projets auraient un état d’avancement mature d’ici 2027 (Strasbourg, Bordeaux, sillon lorrain, Rennes…), et que le reste à financer est particulièrement conséquent (environ 30 Mds € selon nos estimations).

 

Par ailleurs, la récente sortie du ministre délégué chargé des transports François Durovray ("on a parlé des trains, mais je pousse beaucoup pour des solutions routières par cars qui sont faciles à mettre en œuvre, qui sont beaucoup moins coûteuses. […] Il faut surtout que sur les infrastructures les plus lourdes, le fer, qui engage pour des dizaines et des dizaines d'années, on ait une feuille de route qui n'impacte pas le budget de l'État comme il l'a impacté auparavant") fait courir un risque majeur au financement des SERM. En faisant l’éloge des "cars express" (noter la reprise du terme "express" contenu dans SERM), largement critiqués pour leur qualité de service, leur absence d’équilibre économique, leur bilan carbone ou encore le dumping social qu’ils peuvent générer, le néoministre plonge la stratégie nationale en matière de mobilités et de transports, dans un marais d’incertitude : le plan de 100 Mds € annoncé par Élisabeth Borne, censé financer pour partie les SERM, et dont nous avions déjà eu l’occasion de mettre en avant les zones grises, est plus que jamais sur la sellette. Le 10 octobre dernier, le ministre délégué précisait ainsi qu’il faudrait sans doute "prioriser certains projets de SERM au détriment d’autres" compte tenu des contraintes financières pesant sur le budget de l’État. Dans l’hypothèse d’un tel désengagement, outre ces arbitrages explicites sur les SERM, un report de la charge de financement sur les Régions n’est pas à exclure. Ce dernier pourrait avoir un effet collatéral dévastateur sur les conventions TER, les Régions recherchant de nouvelles économies : dans ce cas de figure, une menace sur le périmètre des dessertes, ou encore des objectifs de gains de productivité rehaussés constitueraient des foyers d’économies pour les Autorités Organisatrices, mettant à mal le service public ferroviaire.

 

 

Rédigé par Antonin Mazel, Responsable de mission, 3E Consultants.

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