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20 / 03 / 2025 | 19 vues
Régis Petit / Membre
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La robustesse de l'intercommunalité

L'intercommunalité, portée par ses valeurs d'entraide précisément, de coopération et d'expérimentation, saura apporter sa pierre à la construction d'un monde plus robuste, sous-tendant l'avènement d'un nouveau contrat social et environnemental.

 

« Ça va tanguer fort au 21ème siècle ». C'est par cette assertion que le biologiste Olivier Hamant a ouvert le dernier Conseil Scientifique de l'ADGCF. A l'aune de l'actualité, difficile de lui donner tort. En l'espace de quelques jours, si ce n'est de quelques heures, le Président des États-Unis a dynamité le système international érigé depuis la fin de la Guerre Froide.

 

Comment cela a-t-il pu se produire aussi vite ? Osons une hypothèse simple.

 

Si Donald Trump a renversé les grands équilibres mondiaux avec une si grande facilité, c'est peut-être que l'ensemble était déjà fragilisé. Du moins, c'est ce que l'on peut penser à l'écoute d'Olivier Hamant. Pour le chercheur, si l'on veut aller au cœur du problème, ce n'est pas une crise géopolitique que nous traversons, pas une crise écologique, ni même une crise sociale, mais bien une crise culturelle.

 

Pourquoi ?

 

Parce que nous serions drogués à la « performance », définie comme la somme de l'efficacité et de l'efficience : via l'efficacité, on atteint son objectif, via l'efficience, avec le moins de moyens possibles. Et rechercher la performance, c'est s'inscrire dans une dynamique de compétition qui violente notre environnement, qui fait la « guerre à la vie » selon le biologiste. La quête effrénée de performance pousse en effet notre monde à la rupture. Trump ne provoque-t-il pas en grande partie la disruption de l'ordre international pour résoudre les contradictions internes de l'économie américaine, pour la rendre plus compétitive, pour retrouver un hypothétique « âge d'or » ? « Ça casse de tous les côtés » renchérit Olivier Hamant : démultiplication des mégas feux, des mégas inondations, des mégas tempêtes, des remous sociaux, en sus des tensions politiques et militaires entre pays... 

 

Comment fait-on pour habiter ce monde-là, très dégradé ?

 

C'est la première question à se poser lorsque, comme nous, dirigeants d'intercommunalité, on œuvre dans et pour les territoires. Or, pour le scientifique, la réponse, nous l'avons sous les yeux. Les êtres vivants qui peuplent notre planète ont au cours du temps développé des recettes qui leur permettent de survivre dans un monde fluctuant. Le mot-clef qui résume leur adaptation, c'est la robustesse, entendue comme le maintien de la viabilité du système malgré les fluctuations —le roseau dans le vent—. Les êtres vivants sont robustes et ce qui est sélectionné au cours de l'évolution, c'est la robustesse.

 

Mais comment fait-on pour être robuste ?

 

Les êtres vivants sont robustes précisément parce qu'ils ne sont pas performants avance Olivier Hamant. Ils n'ont pas d'objectifs, ils ne sont pas efficaces, ils ne sont pas efficients, ils gâchent énormément de ressources ; « la chaîne alimentaire, ça commence avec de la photosynthèse, qui a un rendement énergétique de 1 % », plaide-t-il ! Or, les êtres humains sont obsédés par la performance ; c'est seulement lorsqu'ils traversent une crise, qu'ils se posent la question de la robustesse. Les autres êtres vivants font le contraire, « ils font de la robustesse tout le temps, et quand il y a une crise, ils font de la performance, mais sur dérogation ». Ils n'excluent donc pas la performance, ils l'autorisent, mais sur un temps limité. 

 

Qu'est-ce que ça peut nous dire à nous habitants de la terre au 21ème siècle ? Sans doute qu'il faut redéfinir notre idée du progrès. Cela fait 10 000 ans que l'on a inventé l'agriculture, que l'on réduit le progrès à des gains de performance. On a augmenté l'efficacité des individus, des collectifs, des entreprises, des organisations territoriales... Et, reconnaissons-le, cela a marché un temps. Mais nous sommes désormais entrés dans la performance contre-productive : plus on augmente la performance et plus nous détruisons la viabilité de notre habitat sur terre, plus nous sommes violents avec nos écosystèmes mais aussi, avec nos congénères ; et plus la nature menacée devient menaçante...

 

Bien sûr, on ne peut plus, décemment, poursuivre dans cette voie. Dans un monde fluctuant, le progrès, ce ne sont plus les gains de performance, c'est-à-dire le canal efficacité / efficience ; ce sont les gains de robustesse, c'est-à-dire la diversification, l'expérimentation, l'exploration en permanence, c'est l'entraide... Pour le biologiste, le monde qui vient est bien celui de la richesse des interactions : on quitte le monde de l'autoroute où l'on va très vite à destination, mais où on ne rencontre personne en chemin. A l'issue de son exposé, Olivier Hamant nous a ainsi invités à regarder, non pas le cœur du système, mais sa périphérie, les collectifs de citoyens, les territoires qui sont exposés à de fortes fluctuations et qui s'inscrivent déjà dans la robustesse. La bascule est en cours, elle est à ses yeux irréversible même si, entretemps, il y aura « beaucoup de conflits parce que les « ultraperformants » vont résister de toutes leurs forces ».

 

« Notre monde est malade » a conclu le scientifique. Mais « La robustesse, c'est une pulsion humaine profonde, qui permet de durer et de transmettre ». Gageons que l'intercommunalité, portée par ses valeurs d'entraide précisément, de coopération et d'expérimentation, saura apporter sa pierre à la construction d'un monde plus robuste, sous-tendant l'avènement d'un nouveau contrat social et environnemental.

 

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