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10 / 09 / 2020 | 5009 vues
Etienne Dhuit / Membre
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Crédit Mutuel Arkéa : vague de départs à la tête de la banque bretonne

Actant l'échec d'un projet d'indépendance jalonné d'épreuves, la direction du Crédit Mutuel Arkéa a, ces derniers mois, enregistré une série de défections s'apparentant à une purge au sommet.

 

Après la défaite, c'est l'heure des comptes. Depuis la reconnaissance (à demi-mots) de cet échec, la direction du Crédit Mutuel Arkéa, dont le projet d'indépendance semble définitivement abandonné, est  le théâtre d'un jeu de chaises musicales s'apparentant à une purge au sommet. La conséquence, sans doute inévitable, de longues années d'un conflit opposant l'établissement présidé par Jean-Pierre Denis (président de la banque bretonne) à sa maison mère, la Confédération nationale du Crédit Mutuel, conflit qui demeurera dans les annales du secteur bancaire par son caractère inédit et les innombrables péripéties ayant jalonné ce qui s'apparente désormais à un combat perdu d'avance.

Déboires et péripéties

Tout a commencé en 2015. La filiale bretonne du Crédit Mutuel, dont le siège se situe à Brest et qui a fait des « FinTech » sa spécialité, a publiquement fait part de sa volonté de voler de ses propres ailes, arguant de l'excès de « centralisation » dont le groupe mutualiste ferait preuve. Mais le secteur bancaire n'est pas tout à fait un secteur comme un autre : il est soumis à un certain nombre de règles et d'autorités de tutelle qui vont rapidement se sont rapidement rappelées au bon souvenir de Jean-Pierre Denis. Le premier avertissement est tombé en 2016, quand la Banque de France et le Trésor ont émis un avis défavorable quant au projet d'indépendance du Crédit Mutuel Arkéa.

 

Ce revers a été le premier d'une interminable série de déboires. En 2017, la Banque centrale européenne (BCE) a imposé de nouvelles mesures prudentielles (+2 points de fonds propres) à l'établissement breton, au regard des risques encourus par son projet d'indépendance ; cette décision a été contestée par le Crédit Mutuel Arkéa devant la Cour de justice européenne, qui lui a infligé un cinglant revers quelques temps plus tard. En janvier 2018, c'est l'agence de notation financière Standard & Poors qui a fait part de son intention de dégrader la note de la banque si celle-ci menait son projet de désaffiliation du Crédit Mutuel à bien. En avril de la même année, la Banque de France (de nouveau) et l'Autorité de contrôle prudentiel (ACPR) se sont encore prononcées contre le projet d'indépendance d'Arkéa.

 

Du côté de Brest, ces péripéties réglementaires se sont accompagnées d'un certain nombre d'initiatives au mieux, malheureuses, au pire, douteuses d'un point de vue légal. Ainsi, lorsque la direction du Crédit Mutuel Arkéa a, de toute pièce, monté une inédite « manifestation de banquiers » dans les rues de Paris, en octobre 2018, les collaborateurs de la banque ont subi des pressions et des menaces pour aller battre le pavé en faveur de l'indépendance. En avril de la même année, dans des conditions jugées non démocratiques, la direction du Crédit Mutuel Arkéa a organisé un vote de ses caisses locales en faveur de son projet de désaffiliation. Au cours de l'été 2019, le groupe a été contraint de procéder à la recapitalisation de sa filiale d'assurance-vie, Suravenir, en urgence, opération dispendieuse, fragilisant encore ses résultats et compromettant la perspective de voler un jour de ses propres ailes.

Purge au sommet

Cette série de déboires s'est achevée en juin 2020 avec la mise en pause du projet par la BCE, qui n'a pas communiqué de date de réouverture... Jean-Pierre Denis semble avoir pris acte de cette décision : à en croire certains des participants du conseil d'administration du Crédit Mutuel de Bretagne, qui s'est tenu le 18 juin dernier, le président du Crédit Mutuel Arkéa aurait en effet annoncé sa progressive mise en retrait, sa volonté de « prendre du recul, (de) sensiblement faire bouger (sa) place dans la gouvernance » de la banque et de « très sensiblement y réduire (sa) présence ». Une manière pour l'ancien secrétaire général adjoint de l'Élysée de concéder sa défaite, même si Jean-Pierre Denis continue, contre toute évidence, d'affirmer que son projet d'indépendance poursuit son chemin. Problème : le président historique du Crédit Mutuel Arkéa n'est pas le seul dont la place à la tête de la banque est appelée à évoluer ; autour de lui, c'est une véritable purge qui s'opère depuis que l'indépendance de la banque semble avoir été remise au placard.

 

En début d'année, on apprenait ainsi le départ de son numéro 2, le fidèle Ronan Le Moal, emblématique directeur général du Crédit Mutuel Arkéa, prétextant une soudaine fibre entrepreneuriale pour claquer la porte. Ce départ a sonné le début d'un jeu de chamboule-tout à la tête du Crédit Mutuel Arkéa, dont très peu de dirigeants semblent s'être sortis indemnes. Le DRH accusé par sa hiérarchie de ne pas avoir su mettre les syndicats maison au pas ; le responsable de la banque de détail, jugé trop proche de Ronan Le Moal ; le responsable des métiers spécialisés, qui vient d'annoncer son départ (empochant, au passage, de considérables indemnités) ; et surtout Bernard Le Bras, poussé à la retraite en raison de la recapitalisation catastrophique de Suravenir et de son opposition au rachat par le Crédit Mutuel Arkéa d'un vignoble du Bordelais etc. En moins d'un an, pas moins de cinq des huit membres du comex du Crédit Mutuel Arkéa ont été priés de faire leurs valises. Privée de ses têtes pensantes, qui peut encore croire que la banque bretonne, plus fragilisée que jamais et sans capitaine à la barre, parviendra un jour à devenir indépendante ?

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