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Covid-19 : comment gérer les budgets du CSE en période de crise ?
La pandémie liée au covid-19 a totalement paralysé l’économie mondiale. Le gouvernement français prévoit un recul de 8 % du produit intérieur brut en France en 2020. Au même moment, le Ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, indiquait que le déficit public se creuserait donc plus que prévu, à environ 9 % du PIB, tandis que la dette augmenterait à 115 %. Le taux de chômage devrait fortement augmenter, avec la fin de l’activité partielle.
Les faillites d’entreprises et les annonces de suppressions de postes s’enchaînent. Les tribunaux de commerce s’attendent à une envolée des procédures collectives en septembre 2020. De nombreux groupes annoncent déjà des plans de licenciements importants : RBNB, La Halle, Conforama, Airbus aujourd’hui, Renault et PSA demain…
C’est un véritable tsunami de suppressions de poste. Plusieurs dizaines de milliers d’emplois sont menacés. Les petites et moyennes entreprises ne seront pas épargnées.
Dans ce contexte de crise, la question de la gestion du budget du comité social et économique (CSE) se pose, qui, pour beaucoup d’entreprises, va fortement baisser en raison des suppressions de postes et du recours à l’activité partielle.
Pour ses attributions tant économiques que sociales, le CSE bénéficie de deux budgets distincts :
- un budget de fonctionnement (C. trav., art. L. 2315-61) ;
- un budget des œuvres sociales et culturelles (ASC) (C. trav., art. L. 2312-81).
Le principe de séparation des budgets du CSE implique que ces deux budgets doivent faire l'objet de calculs distincts, de comptabilités distinctes et d'utilisations distinctes.
Quel est l’effet des licenciements sur le budget du CSE ?
Le budget de fonctionnement du CSE (comme celui des ASC) est calculé sur la base de la masse salariale de l'entreprise. La masse salariale brute devant servir de référence pour calculer les budgets du CSE est constituée de « l'ensemble des gains et rémunérations soumis à cotisations de Sécurité sociale en application de l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale, à l'exception des indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée » (C. trav., art. L. 2315-61 pour la masse salariale du budget de fonctionnement ; C. trav., art. L. 2312-83 pour la masse salariale du budget ASC).
On comprend immédiatement qu’une diminution des effectifs aura une répercussion sur le montant des subventions allouées au CSE. Pour le comité, cela peut entraîner des effets fâcheux lorsqu'il aura engagé des dépenses importantes, notamment si ces engagements ont été pris à moyen terme (emprunt, achat à crédit etc.).
Quel est l’effet de l’activité partielle sur le budget du CSE ?
Le recours massif à l’activité partielle va directement affecter le calcul du budget du CSE. En l'état actuel des textes, on peut considérer que l'allocation d'activité partielle, à proportion de la prise en charge par les services de l'État, n'entre pas dans l'assiette de calcul de la subvention de fonctionnement du CSE. De nombreux CSE vont connaître une baisse de leur budget.
Il n’y a que la négociation qui permettra d’éviter l’effet du chômage partiel sur les budgets du CSE… Le groupe Atos, par exemple, vient de négocier un accord qui neutralise la période de crise sanitaire pour le calcul de la subvention aux activités sociales et culturelles. À méditer.
Argumentaires pour négocier un maintien des budgets
La négociation d’un maintien des budgets du CSE est souhaitable. Elle sera bénéfique tant pour l’employeur que pour les salariés. En effet, dans la situation de crise actuelle, un maintien des avantages sociaux, attribués par le CSE, contribuera grandement à la motivation des salariés et à l’apaisement des tensions sociales.
Comment gérer une baisse des budgets du CSE ?
L’anticipation sera le maître mot.
- À court terme
Les élus doivent retravailler le budget 2019 du CSE, en intégrant les baissent éventuelles de subventions. Première action : demander une estimation de la nouvelle masse salariale 2019, intégrant l’effet de l’activité partielle, au président du CSE pour évaluer la baisse des subventions allouées au CSE.
Cette estimation devra être actualisée, si des départs significatifs de salariés sont constatés ou prévus (plan de sauvegarde de l’emploi, rupture conventionnelle collective, accord de performance collective etc.).
Suivant l’ampleur de la baisse du budget des œuvres sociales, il faudra procéder à certains arbitrages (suppression de certaines activités, réduction de la prise en charge des dépenses des salariés et augmentation de la participation des salariés).
Concernant le budget de fonctionnement, la problématique est différente. La plupart des CSE disposent de réserves financières importantes sur ce budget. D’ici fin 2020, ce budget devra sans doute être partiellement utilisé pour se faire aider par un expert-comptable, un avocat ou un expert technique, pour se défendre face à la direction et peser dans le dialogue social. Car, on le sait, la situation des salariés va être difficile dans les mois à venir… Ce sera aussi le moment de se former sur son rôle économique et social.
Les déplacements des élus sur les différents sites de l’entreprise seront également plus nombreux, pour « évaluer » l’ambiance sociale et être au contact direct des salariés.
- À moyen terme
Les réductions des effectifs et de la masse salariale pourraient être telles que les actions mêmes des CSE seraient remises en cause (effet de la baisse de la masse salariale). C’est toute l’analyse que les élus devront mener d’ici la fin de l’année, afin de présenter un budget 2021 en adéquation avec cette nouvelle situation. Des coupes dans les dépenses devront intervenir pour de nombreux CSE…
- À long terme
Quand les entreprises atteindront à nouveau un plein fonctionnement et un niveau d’activité d’avant la crise du covid-19, les élus du CSE réactiveront les œuvres sociales et culturelles qui avaient été gelées ou supprimées pendant cette crise.
Cette dernière modifie de nombreuses habitudes dans les entreprises, le confinement a été propice à l’introspection et la société change. Il est très difficile de percevoir ces changements aujourd’hui, faute de recul… Les souhaits des salariés en matière d’œuvres sociales et culturelles seront-ils les mêmes dans quelques années ? Les élus du CSE devront s’adapter à ces évolutions dans des délais sans doute plus rapides que par le passé.