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25 / 06 / 2019 | 1250 vues
Mireille Herriberry / Membre
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Comment les banques manipulent les conditions de travail et les salariés pour pouvoir mieux licencier

En 2005, France Télécom a lancé un plan de réorganisation accompagné d’un plan d’« anticipation et compétences pour la transformation », qui se traduira par l’annonce de 22 000 suppressions de postes, 14 000 mutations et 6 000 embauches, le tout sur trois ans. Écueil pour l’employeur, comment économiquement licencier des fonctionnaires ?

 

Le PDG de l’époque avait dit en parlant des départs : « Je les ferai d’une façon ou d’une autre, par la fenêtre ou par la porte ». Ainsi, France Télécom a créé sa propre école de management et formé ses cadres à de nouvelles méthodes dont on connaît désormais les funestes effets, ayant poussé certains salariés désespérés jusqu’au suicide.

 

On pouvait naïvement penser que cette tragédie allait provoquer une prise de conscience générale et amener nos grandes entreprises à revoir leurs stratégies managériales mais force est de constater qu’il n’en est rien. Le seul mot d’ordre dans nos grandes entreprises est la sacro-sainte rentabilité (et immédiate s’il vous plaît !). Pour cela, la variable d’ajustement est la masse salariale, donc les salariés de l’entreprise, les gens qui, par leur travail, créent de la valeur pour l’entreprise. D’ailleurs, on ne réduit pas la masse salariale, on l’adapte... c’est peut-être ça le « nouveau monde » mais rien ne change pour autant...

On ne réduit pas la masse salariale, on l’adapte
 

Aujourd’hui, c’est au tour de BNP Paribas de se faire épingler sur ses pratiques visant à « encourager » les départs naturels et d'être plusieurs fois condamnée par les tribunaux ces dernières années. Toutes les strates de l’entreprise sont concernées, y compris les cadres intermédiaires et supérieurs. Alors, on réduit les effectifs et on transforme les services, on les déplace, on met le « flex office » en place (7 bureaux pour 10 et premier arrivé, premier servi), on met au placard, on mute et, surtout, on fait bien comprendre à tous ces salariés que leur avenir est ailleurs. Ainsi, le taux de démission a augmenté de 18 % en 2018. Voilà le discours ambiant (et pas qu’à la BNP Paribas)… Le taux de démissions, de ruptures conventionnelles et de licenciements a substantiellement augmenté dans de nombreux établissements bancaires.
 

La Société Générale a annoncé une nouvelle vague de suppressions d’emplois, « pour assurer sa croissance rentable et durable ». Résultat : 700 emplois supprimés en France, à rajouter aux 3 500 déjà annoncés et aux 500 fermetures d’agences prévues, par la pratique de la rupture conventionnelle collective si pratique pour les employeurs dans ces cas d’espèce, et finalement acceptée, voire attendue par des salariés dont la dégradation des conditions de travail est telle que certains ne demandent qu’à quitter l’entreprise. Il est réaliste de considérer que ces pratiques mènent les salariés à se sentir « programmés » pour quitter l’entreprise.
 

Les directions des établissements bancaires, les branches et même notre gouvernement voudraient nous convaincre que les nouvelles générations de salariés ont de nouvelles aspirations. Ils veulent que leur travail ait du sens, ils veulent de l’autonomie, ils veulent participer au développement de l’entreprise. Quelle nouveauté ! C’est bien parce qu’on leur refuse cela que certains salariés sont en situation d'épuisement professionnel ou de « bore-out » et quittent l’entreprise, soit en longue maladie, soit en démissionnant. Ne doutons pas que nouvelles générations (toutes X, Y ou Z) rechercheront aussi, à un moment ou un autre, la stabilité, l’égalité et la conscience écologique dans l’entreprise.
 

Les représentants FO dans les entreprises s’emparent de ces problématiques et seront aux côtés des salariés pour opposer le collectif à l’individualisme ambiant.

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