Organisations
Le Sens du service public demande que les services publics ne soient pas les premières victimes des futurs arbitrages budgétaires.
Alors que le projet de loi de finances 2025 doit être présenté jeudi 10 octobre et intervient dans un contexte de dérive des finances publiques, le Sens du service public demande que les services publics ne soient pas les premières victimes des futurs arbitrages budgétaires.
Sans nier la nécessité de redresser les comptes publics, cette nouvelle séquence budgétaire doit éviter les solutions supposées miraculeuses et les propositions stigmatisantes.
Arrêtons de nier les nouveaux défis à relever par les services publics
L'émergence de nouveaux besoins et l'augmentation de la population française (+9 millions d'habitants en 30 ans) font que la part des emplois publics dans l'emploi total est restée stable entre 1997 et 2022 (de 19,7% en 1997 à 20,6% en 2020 puis 20,1% en 2022).
Centré sur une approche exclusivement comptable des moyens du service public, le débat actuel fait fi des impérieux besoins collectifs nouveaux, au premier rang desquels :
- celui de la transition écologique, qui implique des investissements massifs estimés à 66 Md€ par an d'ici 2030 selon le Rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz ;
- celui du grand âge et plus largement du vieillissement de la population, qui se traduira par plus de 4 millions de personnes âgées dépendantes en 2050 ;
- celui du déploiement de l'IA dont les dépenses d'investissement devraient être de 5 Md€ par an pendant 5 ans selon la Commission de l'intelligence artificielle ;
- celui de la protection des victimes de violences intrafamiliales, sexistes et sexuelles en France dont les besoins sont estimés à 2,6 Md€
Cessons de faire croire aux solutions miraculeuses
Le Sens du Service public met en garde contre les effets délétères de suppressions brutales et aveugles de postes d’agents publics, une vieille recette qui a déjà fait la preuve de son inefficacité et de ses contre-bénéfices, en particulier sous la présidence de Nicolas Sarkozy (Révision Générale des Politiques publiques, non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite).
A l’heure où de nombreux professionnels se plaignent déjà des reports de charge administratives qui amputent du temps auprès des usagers (professionnels de santé, directeurs d’établissement, policiers et gendarmes…), le Sens du service public alerte également sur les effets de bord de réduction des postes dits "administratifs" (secrétaires médicaux, logisticiens, secrétaires de mairie, gestionnaires de ressources humaines, instructeurs de permis de construire, gestionnaires de crédits, etc.).
Parler de gisements d'économies en supprimant des postes de fonctionnaires demeure étonnant tandis que le nombre de postes de fonctionnaires vacants est en hausse depuis 2021. Il est aujourd'hui estimé à 58.000 postes (dont 3200 postes d'enseignants dans l'Éducation nationale).
Travaillons à identifier des arbitrages budgétaires acceptables
Dans un contexte budgétaire tendu et pour initier des économies budgétaires, le Sens du service public prône une approche différente en orientant les efforts sur l'efficacité de la dépense publique, la légitimité des arbitrages et l'acceptabilité de la contribution fiscale.
*En garantissant l'efficacité de la dépense publique :
-Lutter contre l'enchevêtrement des compétences entre l'État et les collectivités locales, estimé dans le Rapport de Boris Ravignon à 7,5 Md€ ;
-Encourager la mutualisation des usages des bâtiments publics qui sont responsables de 50% des consommations énergétique en France et de 1/3 des émissions de gaz à effet de
serre ;
-Promouvoir la mutualisation des achats publics au travers d'une simplification de la commande publique pour notamment favoriser les groupements d'achats entre administrations. Sur les 200.900 marchés publics publiés par an, le coût moyen de mise en concurrence d'un marché public est estimé à 6.000€ (temps agent, publicité, procédure…).
*En donnant une légitimité citoyenne aux arbitrages politiques :
Depuis trop longtemps prime une logique du "coup de rabot" qui a largement montré ses
limites. En ne portant pas de façon transparente au débat public les abandons de missions à réaliser,
est entretenue l’idée trompeuse que les réductions de dépenses peuvent s’opérer presque
indifféremment du niveau de service, de sa qualité, voire de la délivrance du service lui-même.
Or le fait de porter ces choix dans le débat démocratique et de les assumer permettrait d'interroger sereinement la pertinence du déploiement de certaines politiques publiques, par exemple :
-La pertinence du maintien en l'état du crédit impôt recherche (6 Md€), qui bénéficie très majoritairement aux grandes entreprises, devrait être interrogée ;
-Le maintien du déploiement du service national universel (5 Md€ à termes) devrait être questionné au regard de son utilité sociale et de l'importance de ses coûts de fonctionnement ;
-La complexité et l'orientation des aides à la rénovation thermique des logements, notamment de MaPrimeRénov' (3,1 Md€), invitent à revoir leur pertinence.
*En soutenant l'acceptabilité de l'effort fiscal :
-Interroger la justice et l’équité de notre système fiscal : alors que les inégalités de revenus, et plus encore de patrimoine, se creusent, nous sommes dans une situation paradoxale où, faute de modernisation ou de lisibilité, certains impôts plus que jamais nécessaires courent un risque d’obsolescence qui fournit des alibis commodes aux contempteurs de la fiscalité, en particulier de la fiscalité patrimoniale, pour prôner leur suppression pure et simple (ex : impôt sur les successions).
-Rétablir le lien fiscal entre les habitants, les entreprises et les collectivités locales en abandonnant, par exemple, la suppression de la dernière tranche de la CVAE prévue d'ici 2027 (3,5 Md€).
-Lutter contre la fraude fiscale (estimée entre 80 et 100 milliards d’euros) et sociale (466 millions d’euros de fraude à l’Assurance maladie en 2023, dont 70% dus aux prescripteurs de soins), mais aussi remettre en question des exonérations de cotisations sociales, ainsi que certaines niches
fiscales et sociales qui profitent aux ménages aisés et à des grandes entreprises en bonne santé financière.
De quoi parle-t-on ?
Chaque année, un projet de loi de finances (PLF) est proposé par le Gouvernement qui prévoit et autorise l'ensemble des ressources et dépenses du budget de l'État.
En 2023, les dépenses publiques s'élevaient à 1.608 Md€, soit l'équivalent de 57% du PIB. Les écarts entre les pays des niveaux des dépenses publiques rapportés au PIB sont notamment dus :
*aux périmètres différents des administrations publiques en raison des choix de société ;
*aux différences des coûts de production des services publics, la France ayant fait le choix
d’un maillage de son vaste territoire ;
*aux différents financements de la protection sociale (par exemple, les pensions de retraite
versées par les fonds de pension privée doivent s'ajouter aux dépenses publiques de retraite dans
certains pays).
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Répartition de la dépense publique en 2023
Administrations de sécurité sociale et hôpitaux publics:43%
Administrations d'Etat: 39%
Administrations locales (collectivités locales, société du Grand Paris…): 18%
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Le Sens du service public considère que la principale problématique des finances publiques en France concerne avant tout le déficit public. En 2023, le déficit public était de 156 Md€, l'équivalent de 5,5% du PIB et devrait dépasser fin 2024 les 6%.
Pour le Sens du service public, le dérapage du déficit public est d'abord dû à la politique fiscale menée depuis 2017. Selon la Cour des comptes, en 2023, tous les allègements fiscaux (suppression de la taxe d'habitation, suppression de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, baisse de l'impôt sur les sociétés) ont coûté à l'État 62 milliards de pertes de recettes. Pour 2025, le Gouvernement de Michel Barnier annonce rechercher 60 Md€ d'efforts budgétaires…
Alors que la poussée des populistes d’extrême-droite est forte partout en Europe et particulièrement en France lors des derniers scrutins, le Sens du Service public rappelle que ces forces politiques se nourrissent des promesses républicaines non tenues, du sentiment d’abandon et de dépossession démocratique. Autant d’éléments sur lesquels le modèle de services publics à la française peut et doit apporter des réponses de long terme, sans céder à la panique de court terme qui ne fera qu’aggraver nos difficultés.
Afficher les commentaires
Les fonctionnaires passent à la caisse du « quoi qu'il en coûte
PLF 2025 : Les fonctionnaires passent à la caisse du « quoi qu'il en coûte » !
Le Premier ministre a présenté le 10 octobre le Projet de Loi de Finances (PLF) pour 2025 porté
par le Gouvernement. Ce PLF va être débattu au Parlement.
Après les différentes sorties médiatiques de ces derniers jours présentant la France comme au
bord du gouffre financier, les fonctionnaires sont de nouveau montrés du doigt et rendus responsables partiellement de la dette.
Nous voici revenus aux vieilles recettes des gouvernements précédents, à savoir :
- la suppression de milliers de postes dans la Fonction publique de l’Etat auquel s'ajouteront des milliers de non-renouvellements de CDD que le Gouvernement occulte volontairement, et ce sans compter les 100 000 suppressions de postes demandées aux collectivités territoriales ;
- des fusions d'opérateurs publics qui vont entraîner mécaniquement des suppressions de postes et compliquer le service rendu à l'usager ;
- aucune annonce sur le pouvoir d'achat, la revalorisation du point d'indice et la véritable amélioration de la grille indiciaire.
En résumé, des pertes de pouvoir d'achat qui se poursuivent et des conditions de travail qui vont
se dégrader.
L’ensemble témoigne de l'hypocrisie de celles et ceux qui nous gouvernent quand ils applaudissent les agents publics lors des attentats, crises COVID et climatique ou encore les JO et JOP de cet été et, dans la même période, leur appliquent une politique d'austérité.
Comment peut-on oser parler ensuite d’attractivité de l’emploi public ou encore de fidélisation des agents dans un tel contexte ?
Pour FO Fonction publique, l'urgence est à la mobilisation. Nous invitons tous nos syndicats à
réunir au plus vite les agents et mettre en débat tous les moyens à utiliser, y compris la grève,
pour contrer ce projet de loi de finances.