Branche Casinos : fusion ? Pas fusion !
Fin 2023, du fait du constat par le ministre du travail DUSSOPT de l'inactivité de notre branche, celle-ci était menacée de fusion. Deux oppositions successives de FO et de la CGT sur les avenants concernant les minima et la compensation du travail de nuit n’ont toutefois pas joué le rôle d’électrochoc escompté.
Depuis trop longtemps les négociations dans notre branche sont plombées par le manque criant de loyauté de la partie patronale et l’immobilisme qui en découle bien aidée, il faut le dire, par les syndicats d’accompagnement. Sans les citer, vous saurez de qui je parle...Les propositions indécentes de revalorisation des minima 2023, alors que l’inflation atteignait des sommets, a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
Depuis plusieurs années, notre syndicat n’a eu de cesse de se battre contre le tassement des indices de la grille de minima provoqué par des augmentations faibles et dissociées. Nous avons eu une lueur d’espoir en 2017 avec CMDF (Casinos modernes de France) ; le syndicat patronal du groupe Partouche a signé un accord instituant un écart minimum de 10 € entre les 4 premiers indices.
Cet espoir s’est éteint en 2018 et CMDF a fusionné peu après avec CDF (Casinos de France), devenant ainsi le syndicat patronal ultra majoritaire que l’on connaît aujourd’hui.
Se battre avec ses armes
Les branches qui ne négocient pas d’accord sur les salaires depuis plus de deux ans ou qui ne produisent pas d’accord depuis plus de trois ans sur d’autres sujets, sont mises sous surveillance par la DGT (Direction Générale du Travail).
Le dernier accord sur les salaires date de 2020. Tous les syndicats ont assisté en visio à une première réunion fin 2021 et une seconde fin 2022 avec la DGT, à sa demande.
Lors de cette dernière, notre organisation syndicale a dénoncé le marasme ambiant de la branche et l’incapacité à négocier de CDF en séance plénière, soit parce qu’il n’avait pas mandat pour négocier ou parce que son fonctionnement nécessitait que les décisions soient prises à l’unanimité par son conseil d’administration.
Anesthésier la branche permet aux différents groupes de développer une politique sociale interne à bas coût qui avait justement pour socle les minima de branche, c’est-à-dire le SMIC plus quelques euros pour la majorité des salariés.
Lorsque le bon sens n’est pas entendu, il n’y a plus qu’à se battre avec une des seules armes qu’il nous reste, l’opposition majoritaire aux accords proposés ; ce qui fut possible en s’associant avec la CGT, puisque la représentativité des deux syndicats réunis dépasse les 50 %, le but étant de faire réagir l’ensemble des acteurs.
Le constat était simple : mettre un coup de pied dans la fourmilière ou continuer à siéger « peinards » dans cette instance, où l’on échange beaucoup mais qui ne produit aucun accord ou presque depuis plus de dix ans.
La décision assumée de faire opposition à deux reprises sur les accords de minima et la compensation du travail de nuit a été entérinée par la Commission exécutive de la Section Fédérale.
La réaction des autres délégations de salariés ne s’est pas fait attendre, pensant plus pour certains à leur statut et leurs petits privilèges qui allaient disparaître, qu’au devenir des salariés de la branche.
Pour de vraies augmentations de salaires, contre la fusion de la branche
Malgré l’article paru dans Libération le 28 juin 2023 et le fait que nous allions devenir la première branche à subir une fusion administrée, CDF ne s’est pas remis en question pour autant.
Son seul objectif : la mise en conformité des 6 indices de la grille des minima qui se trouvaient en dessous du SMIC, en laissant entendre qu’il restait tout de même attaché à la branche...
Pas autant que ça, car la DGT avait demandé à l’ensemble des syndicats de se positionner entre deux branches possibles réunissant les mêmes critères économiques et sociaux que les casinos, à savoir les parcs et espaces de loisirs, les HCR (Hôtels, Cafés, Restaurants).
CDF comme la CFDT ont choisi les parcs et espaces de loisirs, idem pour l’ACIF, le deuxième syndicat patronal. Les autres syndicats de salariés ont déploré cette situation et sont restés timides quant au choix qui leur était proposé, suivant, pour les uns, la meilleure stratégie syndicale et, pour les autres, le sens du vent.
Force Ouvrière n’a délibérément jamais choisi l’une ou l’autre des branches proposées, clamant haut et fort qu’elle était contre la fusion de la branche, de surcroît lorsqu’elle est administrée. Ce qui l’anime et l’animera toujours, c’est l’augmentation des salaires et la défense du pouvoir d’achat des salariés.
La dernière chance
L’avenir de la branche était maintenant dans les mains de la Sous-commission de restructuration des branches professionnelles (SCRBP). Notre représentante confédérale a joué un rôle majeur en rappelant la situation et en indiquant que FO ne ferait plus opposition si de nouveaux accords sur les minima venaient à voir le jour avant la fin de l’année 2023, laissant ainsi le champ libre à de nouvelles négociations.
Notre stratégie a fonctionné, et les syndicats qui avaient fait savoir que leurs valises étaient prêtes afin de rejoindre la branche de rattachement de leur choix, se sont ralliés à notre bouée de sauvetage, clamant désormais qu’ils étaient absolument contre la fusion, se remettant ainsi à la table des négociations.
La dernière CPPNI (Commission Paritaire Permanente de négociation et d’interprétation) de 2023 s’est tenue le 12 décembre avec, pour ordre du jour, les minima de branche, la compensation au travail de nuit et l’emploi des seniors. notre syndicat a rappelé ses revendications et a laissé se dérouler le simulacre de négociations sur les salaires et le travail de nuit qui ont abouti à des accords que FO n’a pas signés.
En effet, la compensation du travail du nuit est toujours insuffisante, même si meilleure que dans les premiers accords auxquels nous nous sommes opposés, et les minima proposés, bien qu’eux aussi supérieurs aux premiers accords auxquels nous nous sommes opposés, amplifient dangereusement le tassement de la grille.
S’agissant de l’accord relatif à l’emploi des seniors, notre organisation syndicale est allée au bout de la négociation, afin que tous les seniors des entreprises bénéficient des mesures. Elle n’y est que partiellement arrivée et non sans mal. Contrairement au premier avenant signé en 2008, celui-ci engage et fixe un allègement du travail des séniors concret et applicable : nous l’avons donc signé.
Seul l’ACIF et la CGT se sont abstenus.
Fort des trois accords signés en décembre 2023, le ministre du Travail Dussopt, comme il s’y est engagé lors d’une conférence de presse, a abandonné la fusion administrée de la branche. Pour autant, le danger est toujours là car le gouvernement n’a pas abandonné la restructuration des branches engagée depuis 2014.
Une nouvelle ère pour la branche ?
Une première CPPNI s’est déroulée en janvier sans la présence d’un représentant de la DGT. Notre président avait annoncé son départ pour fin 2023 et son successeur n’avait pas encore été désigné. Ce fut chose faite lors de la deuxième CPPNI début mars, avec l’arrivée d’une nouvelle présidente.
Pour sortir de l’immobilisme de la branche, nous avons donné un grand coup de pied dans la fourmilière et notre syndicat a envie de penser que cela a servi à éveiller les consciences. Nous avons rappelé, au cours de ces deux réunions, l’importance de partir en négociation sur une base commune et partagée en faisant vivre un dialogue social efficace et de qualité .
Tant que CDF (les Casinos de France) ne sera pas en mesure de mener des négociations loyales avec la possibilité de faire de vraies contre-propositions en séance et que les syndicats de salariés n’arriveront pas à mettre de côté leur étiquette syndicale ce qui ne veut pas dire perdre son identité, rien n’avancera.