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04 / 10 / 2023 | 354 vues
Claire Guelmani / Membre
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Groupes de protection sociale: l’ultralibéralisme à l’assaut du paritarisme

La gestion paritaire de la protection sociale, expression concrète de son financement par les cotisations sociales salariales et patronales, n’est pas du tout alignée avec l’orientation ultralibérale de notre « ultra » président Macron, de son gouvernement, ni du Medef. C’est même le contraire.
 

Pour eux, la protection sociale doit être a minima, à l’instar de ce qu’était l’Eglise sous l’Ancien régime, c’est-à-dire la charité chrétienne, mais gérée par l’Etat. Elle ne doit surtout pas être l’expression d’une solidarité organisée par les travailleurs eux-mêmes par l’intermédiaire de leurs organisations syndicales, qui donne des droits immédiats en cas de chômage ou maladie, ou différés pour la retraite, de manière à ce que chacun se soigne et vive dans la dignité

 

Gestion paritaire contre ultralibéralisme

 

Cette conception a minima de la protection sociale se heurte au système bien rôdé qu’est la gestion paritaire(1) inscrite dans les statuts du régime de l’AGIRC/ ARRCO et dans ceux des Groupes de Protection Sociale (GPS) tels que Klésia, Malakoff Humanis, Audiens, Ag2r La Mondiale, qui sont en charge de la gestion et du paiement des pensions de retraite complémentaire du régime des salariés du privé.

 

Ces Groupes de Protection Sociale ont une deuxième activité dite « assurantielle » pour laquelle la prévoyance collective est la partie la plus importante avec les mutuelles Santé. Le modèle économique que constitue la gestion paritaire sous-tend une conception « sociale » de leur rôle dans le monde de la protection sociale puisqu’il n’est pas soumis à l’actionnariat et est « gouverné » par un Conseil d’administration paritaire constitué à 50 % des organisations syndicales et 50 % du Medef.

 

Ballon d’essai ?

 

Et pourtant, les COMEX de ces GPS, pour la plupart issus de compagnies d’assurances, semblent s’exonérer de plus en plus de cette gouvernance qui paraît leur peser, pour au moins 50 %... D’où le «  glissement sémantique  » de la direction d’Ag2r La Mondiale qui, lors d’un séminaire avec les administrateurs le 22 mai 2023, a présenté un projet de nouvelle gouvernance, sous couvert d’une « nécessité d’un rééquilibrage de la gouvernance » en faveur d’une pseudo « gouvernance économique  », qui serait en contradiction avec l’actuelle «  gouvernance politique  ». Transparait ici l’idée que la gestion paritaire devrait disparaître au profit d’une compétition, certains diront de la concurrence « libre et non faussée »

 

L’esprit des ordonnances Macron souffle sur les directions des groupes de protection sociale qui semblent considérer les Conseils d’Administration comme des chambres d’enregistrement.  Sur la forme, elle traduit la désinvolture, pour ne pas dire plus, des directions des groupes de protection sociale vis-à-vis des organisations syndicales. La gouvernance politique est claire, nette et surtout statutaire : les GPS sont gérés paritairement, ce que rappellent les dispositions de l’ANI du 14 avril 2022.

 

Dérives et agression

 

Il est bien évident que les attaques incessantes contre la Convention collective des Institutions de Retraite Complémentaire, notamment sur les parties salaires et classifications, sont conditionnées par cette volonté de transformation des GPS en compagnies d’assurance.

 

Les employeurs attendent avec impatience que la partie retraite complémentaire AGIRC/ARRCO soit transférée à l’Etat dans le sillage de la collecte des cotisations vers l’URSSAF Retraite. La convention collective nationale (CCN) issue du paritarisme est bien trop généreuse à leurs yeux, ne leur laissant que peu de champ libre dans leurs négociations internes.
 

Cette dérive de la direction de l’Ag2r La Mondiale est à l’image de celle de l’Association des Employeurs qui les représente lors des négociations au niveau de la branche et auxquelles ils ne participent pratiquement plus.

 

L’esprit des ordonnances Macron souffle sur les directions des groupes de protection sociale qui semblent considérer les Conseils d’Administration comme des chambres d’enregistrement, au même titre que les CSE. A nous, partout où nous sommes, Conseil, CSE, instances de négociation, de rappeler notre rôle et d’imposer nos revendications par la négociation ou la grève, s’il le faut.

 

A ce titre, la défense de la convention collective nationale des institutions de retraites complémentaires est le pilier contre lequel les employeurs se cognent. Notre Fédération continuera à la défendre coûte que coûte en défense des droits des salariés des GPS, mais aussi en défense du modèle social qu’est le paritarisme de gestion.

 

(1) Le paritarisme, ou système de gestion paritaire, est le principe consistant en la cogestion d’un organisme par un nombre égal de représentants des employés et des employeurs.

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