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17 / 03 / 2023 | 344 vues
Eric Chenut / Abonné
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« Le virage préventif passe par une intégration résolue de la santé au travail au cœur de la santé publique » - Eric Chenut, FNMF

Santé au travail, Prévention, réforme des retraites....Eric Chenut, Président de la Mutualité Française(FNMF) a bien voulu répondre à mes questions.

 

La Mutualité Française a récemment diffusé une nouvelle parution de son observatoire, cette année sur le thème de la santé au travail. Un axe neuf pour la Mutualité ?
 

La Mutualité Française se mobilise pour l’effectivité de l’accès de tous à la pleine santé, dans tous les lieux et notamment au travail. Le milieu de travail, véritable « territoire de santé », est investi de longue date par les mutuelles. De nombreux exemples en attestent. En prévention, l’Union régionale de la Mutualité Française Nouvelle Aquitaine mène des actions sur les troubles musculo-squelettiques en milieu scolaire à destination des apprentis. Harmonie Mutuelle contribue à la prévention de l’épuisement professionnel avec « Harmonie Potentiel Humain ». La Mutuelle nationale des hospitaliers (MNH) développe des partenariats avec l’association Soins aux professionnels de santé (SPS). Aésio – Territoria Mutuelle développe un outil pour améliorer la pertinence des solutions apportées aux collectivités et à leurs agents. L’offre de soins mutualiste est également sollicitée, avec notamment un partenariat expérimental entre la MGEN, le ministère de l’Éducation nationale, l’académie de Poitiers et le centre de médecine et de santé au travail (CIAMT) d’Île-de-France.

 

Par ailleurs, les services ne sont pas en reste : Unéo met en place des dispositifs d’assistance psychologique, Macif/Matmut propose des solutions aux salariés aidants, la Mutuelle Générale offre des services via une plateforme 100 % digitale dédiée au bien-être des salariés, la Mutuelle nationale territoriale (MNT) un accompagnement au retour à l’emploi après un arrêt de longue durée…

 

Cet investissement reflète la conviction qu’il n’y pas de fatalité à l’accroissement des maladies professionnelles observé au cours des deux dernières décennies et aux inégalités sociales d’espérance de vie. C’est pour cela que dans un contexte de parcours professionnels plus séquentiels, la Mutualité Française considère qu’il faut s’appuyer encore davantage sur le levier de la santé au travail, prendre un véritable le virage préventif et développer des protections sociales durables en santé, prévoyance-dépendance, retraite.

 

Ces questions raisonnent fortement avec celles des concitoyens, comme l’illustrent les résultats de l’enquête Harris exposés dans la dernière livraison de notre observatoire paru en février dernier. Alors que baisse ces dernières années le sentiment que le système de santé fonctionne bien, la mise en place de couvertures prévoyance et santé mentale des salariés leurs apparait comme un sujet prioritaire de santé. Ces questions font également échos avec les réflexions sur l’avenir du travail lancées par les pouvoirs publics au travers des« Assises du travail » dans le cadre du conseil national de la refondation. L’enjeu c’est de parvenir à créer collectivement les conditions d’une bonne qualité de vie au travail.

 

 Qu’entendez-vous promouvoir plus précisément en matière de prévention dans le domaine de la santé au travail ?

 

Pour la Mutualité, le virage préventif que de nombreux acteurs appellent de leurs vœux doit aussi passer par une intégration résolue de la santé au travail au cœur de la santé publique.

 

Il faut soutenir les employeurs publics et privés, ainsi que les branches professionnelles dans le développement de la prévention, par le développement et la diffusion d’outils de prévention individuels et collectifs favorisant la prise de conscience du monde du travail sur les déterminants d’un environnement de travail favorable à la santé. Avec le podcast en cinq épisodes « Santé au travail, Kit Pratique », la Mutualité Française contribue à cette prise de conscience et à l’émergence de solutions opérationnelles. Le soutien au développement de la prévention devrait également passer par des actions sur les déterminants de santé et les facteurs de risques, c’est-à-dire la prévention primaire, notamment en renforçant les incitations financières. Le mécanisme de majoration de la cotisation accident du travail – maladie professionnelle pour les entreprises présentant un taux de sinistralité élevé pourrait être activé.

 

La mobilisation des données de santé et du numérique est par ailleurs une piste d’action pour analyser les risques professionnels et construire une politique de prévention efficace et mesurable.

 

Le développement d’une approche globale de la santé qui considèrerait l’exposition à tous les facteurs de risque en santé environnementale (pesticides, qualité de l’air, changement climatique, développement des outils numériques…) est également souhaitable.

 

Quelle est la position de la Mutualité Française par rapport au projet de  réforme des retraites engagé par le Gouvernement ?

 

Quelques données tout d’abord, issus de notre observatoire :
 

  • Le taux d’emploi des 55-64 ans est en France parmi les plus faibles des Etats européens : 54,5 % versus 58,6 % pour l’Union Européenne à 27 et 59,9 % pour la zone euro.
  • Quarante-cinq pour cent des salariés ne sont plus en emploi avant leur départ à la retraite.
  • De plus, la durée moyenne des arrêts pour accidents du travail augmente avec l’âge. C’est aussi le cas des arrêts maladie, avec une accentuation très nette pour les plus de 60 ans.


C’est pour cela que la Mutualité Française considère comme prioritaire de répondre aux enjeux de l’usure professionnelle et de la pénibilité.
 

Trois axes peuvent être poursuivis à cet effet :

  • élargir l’accès au départ anticipé en retraite pour incapacité permanente liée à l’usure professionnelle et étendre aux travailleurs indépendants le droit au dispositif de retraite anticipée pour incapacité permanente qui est ouvert aux salariés ;
  • - réintroduire dans le compte personnel de prévention les quatre facteurs de pénibilités supprimés (port de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques et risques chimiques) ;
  • - favoriser les reconversions professionnelles.

 

L’information et l’accompagnement des aidants est également un enjeu important. Il faut, enfin, augmenter les moyens affectés à la prévention en santé au travail et s’assurer de leur bonne utilisation.

 

D’une façon plus globale, il nous apparaît que la réforme des retraites aurait dû être l’occasion de repenser la place du travail et le rôle des seniors dans la société. En étant focalisé sur le seul paramètre de l’âge légal et en négligeant les répercussions sur les autres branches de la protection sociale (santé, accidents du travail - maladies professionnelles et chômage), le projet de réforme n’apporte pas de solutions à terme à la soutenabilité de notre système de protection sociale.
 

L’objectif devrait être celui de la réduction des inégalités et de la pérennisation des fondements solidaires de notre protection sociale par répartition. Pour y parvenir, un partage juste des efforts est la condition nécessaire de l’acceptabilité pour un pacte solidaire durable et renouvelé entre générations. C’est ce rendez-vous, notamment, qui est manqué avec l’actuel projet de réforme des régimes des retraites.

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