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15 / 03 / 2023 | 90 vues
Frédéric Homez / Abonné
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Fabriqué en France : le parcours du combattant

Depuis plusieurs années, la fabrication tricolore est devenue un argument de vente incontournable dans de nombreux secteurs, dont l’électroménager. Le consommateur est prêt à y mettre le prix, mais comment s’assurer qu’un produit est bien « fabriqué en France » ? ....Eléments de réponse.

 

La prise de conscience des ravages écologiques de la mondialisation, de ses conséquences sur l’emploi national et une volonté croissante de consommer local ramènent depuis le milieu des années 2010 les Français vers les produits fabriqués en France, comme en témoigne par exemple le succès de la Toyota Yaris produite sur les chaînes d’Onnaing, près de Valenciennes.

 

La tendance existe également sur le secteur électroménager, notamment du fait de la crise sanitaire qui l’a malheureusement mis en exergue : de nombreux produits ne sont plus fabriqués en France, ni même en Europe.

 

Depuis des années, les fermetures de sites se sont succédé en France, comme l’unité de fabrication de sèche-linge Whirlpool à Amiens ou la ligne de production des cuisinières Rosières dans le Cher, pour les exemples les plus récents d’un mouvement de fond entamé dans les années 1990 . Mais est-il encore possible d’acheter de l’électroménager « made in France » ?

 

Le ministère de l’Economie confirmait en tout cas une tendance à la sortie du premier confinement : 92 % des Français souhaitent être informés de la provenance de leur équipement par un marquage spécifique (une revendication que notre organisation syndicale  a portée depuis la fin des années 1990).

 

Un Français sur quatre est même prêt à payer plus cher pour un produit fabriqué à 100 % en France.

 

Mais dans la jungle des labels et autres certifications, il est difficile de se repérer entre les véritables produits Made in France et les faux. Il ne suffit pas d’un petit drapeau bleublanc-rouge sur la boîte pour être estampillé « Fabriqué en France », et le recours à des indications aussi fumeuses que trompeuses, telles que « Conçu en France », « Désigné en France », « Contrôlé en France » ou encore « Marque française» doivent inciter à la vigilance.

 

Il faut avant tout répondre à un cahier des charges précis, défini par la réglementation européenne.

 

Pour apposer la mention sur un appareil, le fabricant doit prouver qu’il « tire une part significative de sa valeur d’étapes de fabrication localisées en France » ou qu’il «a subi sa dernière transformation substantielle en France », précise Bercy, avant de spécifier que cette valeur ajoutée doit être au minimum de 45%.

 

Un produit électroménager « Fabriqué en France » peut donc contenir de nombreux composants étrangers… Il est alors possible d’opter pour un label encore plus exigeant : le « Origine France Garantie » (OFG) créé en 2011, géré par l’association Pro France et décerné par des organismes certificateurs indépendants, comme l’Afnor ou Bureau Veritas.

 

Il est le seul reconnu par le Ministère de l’Economie et atteste de la fabrication, du montage et de l’assemblage de chaque élément de l’appareil en France.

 

Deux conditions à l’obtention du label pour un produit : la matière première doit également provenir de l’Hexagone et 50 % au moins de la valeur du produit doit être issue d’un travail réalisé en France. Cette traçabilité répond par ailleurs à une demande de longue date de notre organisation pour favoriser les productions hexagonales.

 

Un secteur sinistré ?

 

Les consommateurs sont prêts à acheter petit et gros électroménager sorti d’usines françaises, mais en trouve-t-on dans les rayonnages ?

 

Chez le groupe Fnac Darty, l’un des principaux vendeurs d’électroménager de l’Hexagone, on ne compte que 230 produits “fabriqué en France’’ sur 8 300 références. Les marques françaises n’ont pas disparu, un mastodonte comme le groupe Seb, qui regroupe des marques comme Moulinex, Rowenta, Krups, Tefal ou Calor, le montre bien, avec onze usines en France sur un total de quarante dans le monde pour près de 30 % de sa production réalisés dans l’Hexagone (comme l’épilateur Calor, le pèse-personne Tefal ou les aspirateurs Rowenta).

 

Problème : elles sont peu à fabriquer dans notre pays, notre Fédération s’en était d’ailleurs inquiétée à la fin des années 1990  et avait tiré la sonnette d’alarme devant la recomposition du secteur et sa marche vers la délocalisation.

 

L’autre géant du secteur, Brandt, fabrique encore en France –il est le seul– quelques tables de cuisson et plusieurs sortes de four via ses marques De Dietrich et Sauter dans ses usines d’Orléans et Vendôme. Des planchas et des barbecues made in France peuvent également s’inviter dans les jardins avec les productions d’Eno, Le Marquier et de Plancha Tonio, sans oublier les pianos de cuisson Lacanche.

 

Et dans la série parfois confidentielle car ultra spécialisée du fabriqué en France, il faut également citer les caves à vin Eurocave, du petit électroménager avec Lagrange (qui parvient à exporter vers le continent nord-américain), Béaba et son célèbre Babycook dont 7 millions d’unités fabriquées en Vendée ont été vendues, le bourguignon Magimix, l’allemand Vorwerk et ses deux usines tricolores de fabrication du fameux Thermomix, Malongo, initialement torréfacteur niçois, qui fabrique à présent des machines à café à dosettes en Vendée, le fabricant de sèche-cheveux professionnels Velecta Paris, qui fabrique en Touraine.

 

Néanmoins, en ce qui concerne le gros électroménager, on est encore loin d’avoir le choix ; toujours pas de signe de réfrigérateur, ni de congélateur ou machine à laver Made in France. DAAN Tech a cependant prouvé qu’il était toujours possible de fabriquer des lave-vaisselle en misant sur l’innovation avec son modèle Bob .

 

Surmonter les obstacles

 

Mais innover n’est pas toujours une garantie de réussite, comme l’illustre la marque toulousaine Kippit, qui a tenté de révolutionner l'électroménager français en luttant contre l'obsolescence programmée avec des produits durables, mais a raté la marche et a été placée en liquidation judiciaire en septembre dernier, illustrant au passage les difficultés qu’il y a à vouloir produire en France.

 

L’entreprise avait conçu une bouilloire avec maintien au chaud durable et réparable, produite dans son usine toulousaine avec la volonté de s’approvisionner au maximum auprès de fournisseurs français. Seul le système de chauffe était produit en Chine, faute de produits suffisamment puissants en France. C’est en fin de compte son fournisseur d’inox français qui lui a fait faux bond. « Alors que nous avions investi 400 000 euros dans la mise au point des moules, le fournisseur français qui s'était engagé sur la production des cuves inox de nos bouilloires nous a laissé tomber.

 

Si nous avions fait le choix d'un fournisseur chinois, déjà identifié, nous n'en serions pas là ! Cela serait à refaire, je ne chercherais plus à tout prix à franchir tous les obstacles en même temps. A vouloir être trop vertueux, le made in France nous a fait rater la marche de l'industrialisation », avait alors confié avec amertume la directrice de l'entreprise.

 

Reste ensuite que l’achat d’électroménager Made in France peut s’avérer douloureux pour le porte-monnaie. Afin de couvrir le coût élevé de la main d’œuvre et de l’innovation, la plupart des marques ont un positionnement haut de gamme. Les prix des marques françaises sont donc deux fois plus élevés que celui des entrées de gammes fabriquées en Chine ou en Europe de l’est. Le contrôle qualité des produits Made in France est cependant bien plus exigeant, et avec lui l’assurance d’une durée de vie plus longue.

 

A suivre...

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