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17 / 10 / 2022 | 180 vues
Theuret Johan / Membre
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Les propositions du think tank "Le sens du service Public" pour accompagner la dématérialisation des services publics

Au moment où le Gouvernement poursuit les chantiers sur la digitalisation des administrations, le think tank  "le Sens du service public" entend prendre toute sa part dans ce débat.

 

Considérant  qu’il  faut aujourd’hui réaliser un bilan objectif et sincère sur la dématérialisation...  prendre le temps de la réflexion et de la co-construction pour des services publics numériques réellement inclusifs, il  formule 35 propositions pour accompagner la dématérialisation afin qu'elle soit le plus inclusive possible qui viennent d'être  d'adressées  au Ministre  de la Fonction Publique .

 

La synthèse de ces réflexions  sur le sujet et le détail des propositions formulées sont disponibles sur  : Contribution pour une dématérialisation inclusive.

 

Rappelons qu'en  janvier 2022, l’axe 3 du Manifeste du Think tank Le Sens du service public dont il a été fait état dans ces colonnes)  identifiait la problématique suivante : « la digitalisation, dans les services publics, doit faire de l'égalité d'accès sa priorité et contribuer à la lutte contre le non-recours aux droits »


Si la dématérialisation a permis un accès facilité à certains services pour une partie de la population (ex : déclaration fiscale en ligne, réservation de créneaux de rendez-vous en mairie, dépôt d’une procuration pour les élections, informations en ligne, simulateurs de droits...), elle s’est aussi souvent accompagnée d’une rupture avec d’autres parties de la population, notamment les plus vulnérables.


La barrière technologique (17% de la population française maîtrise difficilement les usages du numérique) se double ainsi bien souvent de fractures sociales, géographiques, générationnelles, d’usage... et d’une relation bien spécifique des Françaises et des Français aux administrations publiques (l’incompréhension du langage administratif, la crainte de mal réaliser une démarche, le souvenir d’une mauvaise expérience précédente, la complexité des circuits administratifs, l’enchevêtrement des compétences entre administrations, la fermeture des permanences...). La dématérialisation peut de ce fait ajouter à la complexité des démarches administratives une couche de complexité technologique.


Le sujet dématérialisation ne se résume donc pas aux seuls exclus du numérique – il touche aussi les plus jeunes générations –même si les publics les plus fragiles socialement sont aussi ceux qui sont le plus en lien avec les administrations, car ils en ont le plus besoin. Il touche surtout et avant tout à la nature des relations humaines et administratives.



Le "solutionnisme" technologique ne fait pas une politique.
 

Le mouvement massif de dématérialisation des services publics sur les dernières années a ainsi alimenté le sentiment de retrait et d’abandon de l’État pour bon nombre de citoyens et de territoires. L’administration numérique n’a pas tenu toutes ses promesses. Et pour cause, elle ne saurait à elle seule répondre aux besoins croissants et multiples d’une société française fragmentée et déboussolée.


La dématérialisation des services publics s’est aussi organisée en ordre relativement dispersé entre les administrations, tandis qu’elle a conduit à complexifier et à fragmenter encore davantage l’action publique par de nouveaux acteurs et dispositifs (Hub territoriaux, Hubs France Connectée, Pass numériques, Maisons France Services, appels à projets...).

 

Rappelons aussi que l’usage croissant du numérique dans nos administrations les rend encore plus vulnérables et peut nuire au principe de continuité des services publics (cyber-attaques, dépendance aux pays fournisseurs de matériels, impact écologique du numérique...), d’autant que la manipulation de données personnelles suppose une relation de confiance qui s’est particulièrement délitée ces dernières années.


Il semble que nous assistions néanmoins à un changement de paradigme en matière de dématérialisation des services publics. Régulièrement conçue comme un moyen de réduire les coûts, fermer des « guichets » physiques, améliorer la performance des administrations, faciliter l'accès à l'information pour les usagers, cette dématérialisation peu sensible à ses impacts réels et « à marche forcée » est aujourd’hui remise en cause.


Plusieurs acteurs, sur lesquels nous prenons appui pour la présente contribution, se sont penchés sur la question et ont fait des propositions en la matière, qui pour certaines sont reprises ici à l’identique, à commencer par la Défenseure des Droits en 2019 et en 2022, ou encore la Sénatrice Patricia Dumas au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.


Nous considérons qu’il nous faut aujourd’hui réaliser un bilan objectif et sincère sur la dématérialisation des services publics et prendre le temps de la réflexion et de la co-construction pour envisager des services publics numériques réellement inclusifs dans une vision d’ensemble de la relation de service public à refonder.


Nous appelons donc le Gouvernement à co-construire cette nouvelle politique publique partenariale, outiller et donner de la visibilité pluri-annuelle aux différents acteurs, revoir certains dispositifs d’incitation ou d’accompagnement, clarifier les rôles des multiples intervenants, poursuivre le chantier de l’interopérabilité des politiques publiques et des systèmes d’information.

 

LES PRINCIPES DE FONCTIONNEMENT D'UNE DEMATERIALISATION REUSSIE DES SERVICES PUBLICS


La dématérialisation doit reposer sur des principes de fonctionnement et de continuité des services publics accessibles à tous et toutes :
 

 

  • Le numérique ne doit pas être conçu comme un outil substitutif des autres modalités de délivrance du service public, mais au contraire comme un moyen complémentaire pour accéder de manière universelle aux services publics.
  • Le numérique représente pour nous une formidable opportunité à condition qu’il soit conçu en étroite articulation avec la présence physique d’agents sur le terrain, au téléphone, sur des horaires et selon des modalités adaptées aux besoins des citoyens et citoyennes.
  • Tout service public, dématérialisé ou non, doit s’inscrire obligatoirement dans une démarche d’association des citoyens/usagers (ou leurs aidants), des associations d’accompagnement (ex : Emmaus Connect), porteurs d'une expertise d'usage.

 

 

 

LES OBJECTIFS DE QUALITE DE LA DEMATERIALISATION DES SERVICES PUBLICS


Convaincus qu'une dématérialisation réussie peut être un vecteur d'attractivité du secteur public, elle
doit satisfaire les objectifs suivants :
 

 

  • Se mettre au service d’une amélioration tangible du ressenti des usagers et de l’impact des politiques publiques,
  • Réellement simplifier la vie des Français et des Françaises en fluidifiant leur parcours,
  • Redonner de la visibilité à l’acteur public responsable de la délivrance du service,
  • Éviter les redites et faciliter les interfaces entre les administrations.

 

12 CHIFFRES CLES SUR LA DEMATERIALISATION DES SERVICES PUBLICS  (1)

 

*1/4 des Français ont le sentiment de vivre dans un territoire délaissé par les pouvoirs publics.
*90% des 250 démarches les plus réalisées par les Français seraient dématérialisées.
*22% Français ne disposent à leur domicile ni d’un ordinateur, ni d’une tablette.
*84% des Français possèdent un smartphone.
*8% des Français n’ont pas d’adresse mail personnelle ou professionnelle.
*15% des Français n’ont pas de connexion internet à domicile.
*28% Français s’estiment peu compétents ou pas compétents pour effectuer une démarche
administrative en ligne.
*1/4 des jeunes entre 18 et 24 ans indiquent avoir rencontré des difficultés pour réaliser seuls leurs
démarches en ligne.
*32% d’usagers mis en difficulté ont renoncé à au moins une démarche en ligne en 2021.
*1/4 des usagers y a renoncé définitivement (soit 8% de la population) pour diverses raisons : pannes
d’Internet, démarches trop complexes, sentiment d’incapacité, manque de réponse de
l’administration.
*36% des usagers pensent ne pas avoir obtenu le bon interlocuteur lors de leur demande (difficulté
surtout citée lors d’une demande de prestation sociale).
*25% des usagers relèvent un trop grand nombre de pièces justificatives à fournir (notamment lors
d’une demande de reconnaissance de handicap).

(1)  Les chiffres sont issus du rapport 2022 de la Défenseure des Droits « Dématérialisation des services publics : trois ans après, où en est-on ? » de l'étude de l’INSEE de mai 2022 de Gleizes F., Nougaret A., Pla A., Viard-Guillot L. « Un tiers des adultes ont renoncé à effectuer une démarche administrative en ligne en 2021 »

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