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13 / 10 / 2022 | 226 vues
dorothée charveriat / Membre
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Comment évoluent les métiers du journalisme et les conditions de travail des journalistes dans un univers en crise ?

Après 2011, 2015 et 2018, le cabinet Technologia et le SNJ ont de nouveau interrogé la profession en 2022, afin de dresser un état des lieux dynamique et de long terme des métiers du journalisme et situer au plus concret les évolutions en cours. 


Cette nouvelle étude s’appuie sur une connaissance solide des experts, sur une analyse documentaire fouillée sur des entretiens, et repose en particulier sur l’analyse du vécu et du ressenti des journalistes notamment au regard de la crise sanitaire qui a marqué les situations de travail depuis la dernière étude. 



Cette 4ème étude donne donc à nouveau la parole aux personnes sur le terrain pour rendre visible ce qui ne l’est pas. L’étude permet en cela d’engager des processus de prévention indispensables. Les crises actuelles rappellent en effet l’importance de cette profession qu’il convient de préserver. Elle constitue de fait le poumon et l’auxiliaire majeur de la démocratie dans un monde toujours plus complexe et fragmenté ou la qualité de l’information est essentielle.


L’étude est basée sur plus de 1100 répondants -en hausse vs les itérations de 2018. 


Un élément nouveau apparait en termes de secteur d’activité avec les réponses des journalistes dans les réseaux sociaux qui s’identifient. Ce qui n’était pas le cas auparavant : ce qui signifie que ces métiers s’installent dans l’organisation du travail.


7 axes de réflexion sont ici proposés
 

1 +> Accentuation de la charge de travail : +4 points (surtout TV et agences de presse)

  • Causes majeures en tête et stables dans le temps
  • Manque d’effectifs et de moyens (concentration / mutualisation des services supports dans les groupes).
  • Développement du numérique et de l’ultra polyvalence 
  • Des facteurs qui qui ont un impact sur la cohésion d’équipe et le sens au travail : augmentation de la pression de la hiérarchie de la rédaction (+ 7 pts) dans un contexte de concurrence accrue 
  • Concurrence interne lié au manque de place (+ 9 pts) (diminution de feuillets) 
  • 2/3 des répondants se disent souvent « constamment stressés » (encore +Radio et Tv privé)

 
2 +> Un accroissement de la pression temporelle
 

  • Devoir toujours travailler plus vite : tendance de fond (+ 8 pts depuis 2011) du fait du contexte concurrentiel (avec le développement de l’info en continue, 
  • Course à l’info sans toujours avoir le temps de checker les sources (+ 10 pts) ; 50% des répondants (même en agences de presse 30%), presque 60% dans la tv privée, radio privée.

3 +> Le télétravail / une réalité généralisée

  • 50 % des répondants télétravaillent entre 4 et 5 jours par semaine 
  • 80 % des journalistes sont encore en télétravail ou au moins partiellement. Sans accompagnement particulier de l’entreprise pour plus d’un salarié sur deux !
  • Un plus grand isolement (près 50% des répondants), de perte en lien social et convivialité 
     

4 +> Une précarisation encore accrue

  • 56% des répondants disent n’avoir reçu ni augmentations ni promotions depuis 3 ans.
  • La précarisation est encore plus fortement ressentie chez les pigistes : Pres de 80 % d’entre eux ne sont pas satisfaits de leur rémunération, et près de 50% ont vu celle ci diminuer.
  • Des statuts subits : parmi les pigistes répondants au statut auto-entrepreneur 75% se sont vu imposer ce statut.

5 +> Une perte de sens du métier due à l'évolution de son éthique

  • Une impossibilité de checker ses sources liées à une exigence accrue de rapidité dans le travail depuis 3 ans.
  • Des conflits éthiques particulièrement sensibles dans la télé privé (situation de censure liée à des pressions économique ou politique, ou à la hiérarchie.
  • 25% des répondants qui ne sentent pas reconnus comme contributeur d’une info de qualité. Cette tendance est à mettre en lien avec la hausse des situations de défiance du public vis-à-vis des journalistes (manifestions, congrès…).

6 +> Une profession fortement exposée à la violence

  • Plus d’un tiers des répondants ont été victimes de violence dans l’exercice de leur travail (notamment à la télévision privée et dans les agences de presse où ils sont 60%).
  • 60 % des répondants s’en disent victimes (insultes).
  • Une réalité de cyber harcèlement : près de 20 % des répondants (sous forme de dénigrement, lynchages médiatiques, messages insultants).
  • Une présence significativement plus fréquente des violences sexuelles, à caractère verbal (18% répondants) ou physique (4%), dans cette profession par rapport à ce que l’on observe au niveau national, ceci avec une surexposition au risque pour les femmes
  • Une peur accrue sur les terrains de reportage plus présente dans certains secteurs d’activité (concerne surtout les agences de presse, la TV privée).
  • Un point de vigilance important : un constat de violences accrues qui induit un changement de comportement chez 40 % des répondants pour réduire le risque ce qui peut bien sûr impacter liberté d’expression (autocensure) et éthique journalistique.

7 +> Une profession très fragilisée

  • Un risque de fuite du métier déjà identifié et qui se confirme : moins de répondants déclarent aimer leur fonction (moins 10 points en 12 ans !)
  • Même si les menaces sur les conditions de travail (surtout en termes d’emploi) semblent moins prégnantes qu’en 2018, les journalistes sont de plus en plus nombreux à vouloir quitter la profession.
     

En conclusion comment défendre et préserver les métiers du journalisme - quels leviers de prévention ?
 

  • Conforter les facteurs ressources qui contribuent à nourrir le sens au travail et le sentiment du travail bien fait
  • Liberté affirmée dans le choix des sujets, temps donnés aux enquêtes 
  • Développement des dispositifs anti fake news sous diverses formes, notamment la mise en place de plateformes (à l’exemple de liberation.fr) qui permettent de répondre à un double besoin : garantir la fiabilité de l’information, renforcer la confiance des lecteurs et qui a montré ses vertus (accroissement du lectorat) 
  • Maintenir les conditions du débat et de la liberté d’expression : à l’échelle de la structure par la sanctuarisation des temps en présentiel pour les conférences de rédaction, réunions de service, mais aussi à l’échelle de la nation.


Face aux incertitudes sur l’avenir développer des éléments de prospective :
 

  • Métier pour accompagner les changements - elle doit s’accompagner d’une politique de développement RH permettant d’identifier les besoins futurs en compétences, les formations adéquates. 
  • Technologique : Réflexions sur les rapprochements avec des start-up qui travaillent sur les questions d’IA, pour répondre à la demande d’information qualifiée et ciblée. Ainsi certains groupes comme Le Monde et Le Parisien ont commencé à mettre en place le recours à l’IA pour traiter les données quantitatives en nombre (résultats des élections par exemple).


Donner les temps de récupération nécessaires après les périodes de pic d’activité pour faire face à l’augmentation de l’amplitude du travail


Développer les temps d’échanges sur le travail (réunions de service, entretien annuel) et les possibilités de soutien du management en allégeant l’activité rédactionnelle des managers, les formant à l’accompagnement du changement et en renforçant le collectif de pairs afin de permettre les échanges de pratiques. 


Développer aussi la sécurisation des journalistes par la mise en place d’actions contre le cyber harcèlement : mise en place de protocoles ou de formations au niveau des rédactions…


Avoir une vigilance très soutenue dans l’avenir sur les questions de mutualisation des back office qui se développent : questions d’harmonisation statutaire, changement culturel, d’analyse et de répartition de la charge dans ces contextes.

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