Electricité nucléaire : la remise en cause des règles de l'AReNH saluée par les organisations syndicales de l'énergie
Les fédérations syndicales de l’énergie saluent l’action du Parlement qui a émoussé la lame du poignard de l’AReNH.
Engagée de longue date dans la bataille contre le poison de l’accès régulé à l’électricité nucléaire appelé AReNH, l’Interfédérale composée des fédérations syndicales représentatives des industries électriques et gazières (FNME-CGT, CFE-CGC Énergies, FCE-CFDT et FO Énergie et Mines) salue l’action du Parlement qui a, avec la loi sur le pouvoir d’achat, modifié quelques paramètres de l’AReNH, émoussant ainsi la lame du poignard planté dans le dos d’EDF au nom d’un soutien aveugle à la concurrence.
En réduisant le plafond légal du volume d’AReNH de 150 à 120 TWh jusqu’à l’extinction du dispositif fin 2025 et en augmentant le prix de 42 à 49,5 €/MWh sur l’ensemble des volumes, les parlementaires ont en effet pris une décision salutaire en limitant les effets dévastateurs des décisions gouvernementales en matière d’AReNH sur EDF, ses finances et sa capacité à investir au service des Français.
N’hésitant pas à céder à la facilité, le Gouvernement avait en effet tout fait lors de la loi Énergie et Climat de 2019 pour obtenir le relèvement du plafond légal d’AReNH à 150 TWh. Il n’avait ensuite que très modestement augmenté le prix de l’AReNH sur les seuls volumes au-delà de 100 TWh avec le décret scélérat du 11 mars 2022 qui a fait perdre plus de 10 milliards d’euros à EDF. Pire, la Ministre de la Transition Énergétique n’a pas hésité à annoncer, lors du débat parlementaire, sa volonté de porter le volume d’AReNH à 135 TWh en 2024 et 2025, et le Gouvernement a été jusqu’à s’opposer à l’amendement des députés qui proposaient de relever le prix à 49,5 €.
Pour l’Interfédérale, on fait mieux comme preuve de soutien à EDF et à ses salariés au moment où l’État entend devenir le seul actionnaire d’EDF et où la future présidente de la CRE a elle-même déclaré lors de son audition par le Parlement que « EDF est un acteur incontournable… et que nous devons le soutenir comme un fleuron national ».
L’Interfédérale tient surtout à souligner la qualité des débats parlementaires qui témoigne de la prise de conscience par la représentation nationale que les principes mêmes de l’AReNH sont obsolètes car consubstantiels à des logiques de marché et de concurrence qui se sont construites au détriment des citoyens et des salariés et qui démontrent aujourd’hui leur inanité avec la crise des prix de l’énergie et la fragilisation de la sécurité des approvisionnements énergétiques.
Cette prise de conscience est tout aussi unanime sur le fait qu’en organisant un scandaleux transfert financier d’EDF vers ses concurrents, l’AReNH, dispositif aujourd’hui arrivé à bout de souffle, n’a eu de cesse de fragiliser l’électricien national, pourtant opérateur de la transition énergétique et acteur clef de la sécurité d’approvisionnement électrique du pays, en le privant de ses capacités à investir.
Au moment où les marges de sécurité des systèmes électriques européens sont réduites et où la crise gazière fait craindre le pire, y compris une sobriété forcée, continuer de défendre l’AReNH, en augmenter le volume et ne pas en augmenter le prix, et ainsi priver EDF durablement des moyens financiers d’investir dans la transition bas carbone et la sécurité d’alimentation électrique du pays, et donc dans la souveraineté nationale et la sécurité des Français, est pour l’Interfédérale une lourde faute politique.
Cet entêtement est d’autant plus une faute que le Code de l’énergie prévoit explicitement, en son article L.336-3, la suspension de tout ou partie de l’AReNH en cas de circonstances exceptionnelles sur le parc de production nucléaire, et que l’un des principaux bilans de 12 années d’existence de l’AReNH est l’absence de développement par les fournisseurs alternatifs de moyens de production propres qui leur auraient pourtant permis de participer en toute responsabilité à l’équilibre du système électrique qui est aujourd’hui fragilisé.
Cette faute politique est d’autant plus manifeste que le Gouvernement pratique un deux poids deux mesures particulièrement scandaleux au détriment d’EDF. Alors que l’électricien national vient d’annoncer une perte semestrielle historique de plus de 5 milliards d’euros, TotalEnergies annonce, lui, un bénéfice trimestriel de plus de 5 milliards d’euros du fait de la hausse des prix de l’énergie, et un nouveau programme de rachat d’actions de 2 milliards d’euros pour le plus grand bonheur de ses actionnaires.
Dès lors, l’augmentation de 20 TWh du volume d’AReNH voulue par le Gouvernement qui revient à dire qu’EDF est obligé de soutenir l’activité de fournisseur d’électricité de TotalEnergies est un lourd contresens politique. En ce sens, un refus d’attribution d’AReNH aux entreprises réalisant des superprofits avec la crise serait plus que du bon sens et dans l’intérêt même des usagers ! Pire, s’il se satisfait de gestes commerciaux temporaires de TotalEnergies en faveur des seuls clients de ses stations-service qui, au final, lui donneront un avantage concurrentiel, le Gouvernement a refusé les mêmes gestes commerciaux qu’EDF lui avait proposés en début d’année pour protéger les consommateurs de la flambée des prix de l’électricité, et préféré imposer à EDF le soutien à l’ensemble de ses concurrents.
Enfin, malgré les recommandations du FMI et de l’OCDE, l’appel du secrétaire général de l’ONU dénonçant une « avidité grotesque » et celui du Président de la République fustigeant les « surprofits en pétrole et en gaz », le Gouvernement se réfugie derrière la dénonciation de la démagogie pour refuser la taxation des superprofits réalisés avec la crise, du moins quand ils sont réalisés par TotalEnergies.
Par contre il n’hésite pas, avec l’AReNH, à taxer les profits d’EDF avant même qu’ils ne soient réalisés. L’Interfédérale dénonce ce double discours dont personne n’est dupe. Par conséquent, l’Interfédérale regrette que les parlementaires n’aient pas été jusqu’au bout de leur logique de remise en cause de l’AReNH et donc supprimé l’article 19 du projet de loi sur le pouvoir d’achat, qui vise à valider le décret du 11 mars 2022 pour couvrir des irrégularités en matière de consultation de différents organismes.
Pourtant, la question de la compatibilité de ce décret augmentant le volume d’AReNH à 120 TWh en 2022 avec le droit communautaire des aides d’État et avec la liberté d’entreprendre garantie par la Constitution reste entière, alors qu’elle est au cœur du recours que l’Interfédérale a lancé au printemps auprès du Conseil d’État.
L’Interfédérale regrette tout autant que les sénateurs aient décidé de réduire la portée de la mesure votée par les députés, à savoir le relèvement du prix de l’AReNH à 49,5 €, en le soumettant à l’approbation préalable de la Commission européenne, ce qui pourrait revenir à ne rien faire.
L’Interfédérale est au contraire convaincue que si approbation préalable de la Commission européenne il doit y avoir, elle ne doit pas concerner que le relèvement du prix mais elle doit aussi être requise pour tout relèvement du volume au-delà de 100 TWh, conformément à la décision de la Commission de 2012. Les prochaines semaines seront donc décisives pour savoir si le Gouvernement sera fidèle à l’esprit du vote de la loi par le Parlement qui, par les mesures d’amélioration qu’il a votées, a demandé de mettre fin au saccage d’EDF par l’AReNH.
S’il devait augmenter les volumes d’AReNH au-delà de 100 TWh sans en relever le prix à 49,5 € sous couvert d’absence d’aval européen, le Gouvernement approfondirait les difficultés financières d’EDF et violerait la volonté exprimée par la représentation nationale lors des débats à l’Assemblée Nationale et au Sénat.
L’Interfédérale ne saurait oublier les décisions désastreuses qui, depuis plus de 15 ans, ont eu pour effet de fragiliser EDF et la sûreté du système électrique au nom de la sacro-sainte concurrence, de l’idéologie ou du calcul électoral.
Elle sera donc très vigilante sur les prochaines décisions du Gouvernement, ce d’autant plus que c’est la croyance aveugle dans les vertus de la concurrence et de l’ouverture des marchés à l’aval qui ont conduit les gouvernements successifs à créer l’AReNH, à le rendre progressivement mortifère puis à accepter le principe de contestabilité des tarifs qui expose aujourd’hui les consommateurs aux dérives du marché et à la flambée des prix.
La CRE(*) le reconnaît d’ailleurs implicitement en annonçant sa volonté de modifier le calcul de l’écrêtement de l’AReNH. C’est pourquoi l’Interfédérale considère plus que jamais que ce sont les missions de service public de fourniture aux tarifs réglementés qui offrent la meilleure protection aux consommateurs en leur garantissant un juste prix de l’électricité assis sur les coûts du mix de production national, et demande donc au Gouvernement de renoncer à la concurrence en portant le fer à Bruxelles.
(*) La Commission de régulation de l'énergie est une autorité administrative indépendante française créée le 24 mars 2000, chargée de veiller au bon fonctionnement du marché de l'énergie et d'arbitrer les différends entre les utilisateurs et les divers exploitants, en suivant les objectifs de la politique énergétique.