« Notre façon d’entreprendre collectivement, patiemment et sans recherche d'une lucrativité excessive est des plus modernes » - Jérôme Saddier, Crédit Coopératif
Jérôme Saddier, président du Crédit Coopératif, très actif à tous les niveaux des structures de l'ESS a bien voulu répondre à nos questions pour http://pressentinelle2.blogspot.fr/.
Si deviez retracer votre parcours en quelques lignes, quelles étapes retiendriez-vous ?
La ligne rouge de mon parcours est celle de l’engagement. J’ai toujours cherché à me rendre utile et à le faire avec une volonté d’améliorer les choses et d’agir concrètement. Cela s’est d'abord traduit, avec plus ou moins de satisfactions, dans le monde des collectivités territoriales en tant que collaborateur d’élu, dirigeant et élu local moi-même, puis comme collaborateur de plusieurs ministres, avec la découverte du sens de l’État, puis brièvement comme diplomate auprès des Nations-Unies, plus longuement comme directeur général d’organismes mutualistes et consultant et, à présent, comme président du groupe Crédit Coopératif.
Quel regard portez-vous sur la France d'aujourd'hui ?
Un regard ambivalent. D’une part, notre pays regorge de dynamisme, d’initiatives et de porteurs de projets dans bien des domaines mais l’on en parle peu. D’autre part, nos concitoyens sont nombreux à souffrir du creusement des inégalités, des souffrances au travail, du désintérêt pour certaines zones et de l’abandon de certaines ambitions économiques et sociales. Notre peuple est certes parfois difficile à gouverner mais il demande d’abord une vision politique collective ayant du mal à s’affirmer tant les enjeux paraissent contradictoires et les moyens de l’action publique souvent dérisoires. Notre démocratie a besoin de beaucoup d’espoir, d’imaginaire et de volonté pour redevenir ce qu’elle doit être.
Quelle place et quel rôle pour le Crédit Coopératif dans le monde d'aujourd'hui et de demain ?
Depuis des dizaines d'années, le Crédit Coopératif est un défricheur dans le monde de la finance. « Banquier des utopies concrètes », il essaie de tenir son rang dans un environnement concurrentiel, technologique et réglementaire toujours plus exigeant. Ses idées et ses réalisations pionnières dans les domaines de la finance solidaire et de partage, de l’investissement socialement responsable et de la transition écologique deviennent à la mode. Tant mieux. Nous ne pouvons rien changer seuls. Mais nous agissons au nom d’une certaine vision du monde, comptant sur la vitalité des principes coopératifs et ceci ne peut se résumer à une mode : c’est un changement de modèle nécessaire, dans l’intérêt de tous et de notre environnement.
En tant que président d'« Avise » et d'« ESS France », quelles sont vos réflexions sur l'économie sociale et solidaire ? Quelle est votre approche des choses dans le contexte actuel ?
Réalité profonde dans notre pays voire dans notre contrat social républicain, l'économie sociale et solidaire demeure méconnue des pouvoirs publics en dépit de progrès notables. Elle est même peu comprise du grand public car ses réalisations ont souvent intégré la vie quotidienne. Tant mieux à certains égards mais il est regrettable que nous ne parvenions pas à mieux expliquer en quoi notre façon « d’entreprendre autrement », c’est-à-dire collectivement, patiemment et sans recherche de lucre excessif, est des plus modernes. D’ailleurs, les jeunes ne s’y trompent pas, lesquels s’engagent désormais plus spontanément via l’entrepreneuriat social et environnemental plutôt que dans des formes plus classiques. Ils le font avec la volonté d’agir concrètement, en cohérence avec leurs valeurs.
Pour en savoir plus :
- https://www.avise.org/
- https://www.ess-france.org/