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Protection sociale : « ce n’est pas à un renforcement de notre système que nous assistons mais à un renoncement » - Thierry Beaudet, FNMF
Entretien avec Thierry Beaudet, président de la Mutualité Française.
Votre assemblée générale qui s’est tenue il y a quelques semaines a été l’occasion de commenter le plan de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS) 2020. Que reprochez-vous à ce texte ?
L’an passé, le PLFSS était présenté comme « le projet de la responsabilité » avec une prévision de retour à l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale dès cette année. La conjoncture était porteuse et la dette sociale devait être apurée sous peu. Déjà, les projets s’accumulaient pour profiter de cette embellie. En réalité, nous l’avions dénoncé à cette époque, ce PLFSS portait un déséquilibre structurel en germe, avec la fin du principe de compensation systématique des réductions ou des exonérations de cotisations sociales.
Le résultat ne s’est pas fait attendre. Privé de recettes essentielles, avec une conjoncture à la baisse et des mesures d’urgence « post-gilets jaunes » non compensées, le déficit du régime général atteint plus de 5 milliards d’euros dès 2019, sans espoir de retour à l’équilibre avant la fin du mandat présidentiel.
Nous ne contestons pas les mesures prises par l’État pour répondre à la crise. Ce que nous condamnons, c’est de les faire supporter par la Sécurité sociale. En faisant main-basse sur ses recettes, comment l’État peut-il imaginer la refonder ?
On le sait, les acteurs de la santé sont au bord de l’épuisement. Les besoins d’investissements à long terme sont urgents. Bien sûr, il ne s’agit pas d'ajouter plus de moyens dans un système dont nous connaissons les limites ; il faut le transformer. Mais qui peut penser que nous y parviendrions sans investissements conséquents ?
Notre analyse du PLFSS est d’ailleurs partagée par de nombreux acteurs sociaux. Finalement, après huit mois de mouvement social dans les établissements de santé, l’État a fini par très partiellement entendre ces oppositions et s’est décidé à relâcher un peu la chape budgétaire imposée au secteur hospitalier depuis trop d'années. Le 20 novembre, le Premier Ministre a présenté diverses dispositions, dont cette mesure budgétaire. Ce « plan hôpital » sera-t-il suffisant pour transformer le système de santé ? Nous en doutons.
Comment analysez-vous les dernières dispositions prises par les pouvoirs publics dans le domaine de la complémentaire de santé ?
La politique publique en matière de complémentaire de santé tire notre modèle social vers deux extrêmes, au risque de le faire rompre : le tout-libéral et le tout-État. La possibilité de la résiliation infra-annuelle des contrats de santé et l’extension de la CMUC aux bénéficiaires potentiels de l’ACS sont les derniers avatars de cette dualisation. En tiraillant notre protection sociale entre la promotion de la concurrence, au bénéfice d’une frange réduite de la population, et la voiture-balai publique pour les plus fragiles de nos concitoyens, ce n’est pas à un renforcement de notre système que nous assistons mais à un renoncement.
Dans ce contexte, quel rôle pour la fédération ? En avez-vous débattu lors de cette assemblée générale ?
Oui, en effet. Lors de notre assemblée générale, plusieurs mutuelles ont souligné le rôle essentiel joué par la FNMF pour efficacement défendre le mouvement mutualiste. Les petites et moyennes mutuelles en particulier ont salué nos interventions, dans ce contexte de tension pour nos organismes, sur les plans législatif, prudentiel et concurrentiel.
En effet, dès la transposition de la directive Solvabilité 2 en janvier 2016, la Mutualité Française a obtenu une adaptation des textes prudentiels pour tenir compte de la spécificité du métier et de la taille des mutuelles, selon le principe dit de proportionnalité. Elle a par ailleurs vivement fait entendre sa voix sur les contrats seniors, la lisibilité des garanties ou encore la répartition des efforts pour la mise en œuvre du reste à charge zéro, témoignant de sa détermination à défendre une vision singulière de la protection sociale, à l’écart du tout-État.
Le mouvement mutualiste est reconnu comme un interlocuteur incontournable par les pouvoirs publics. C’est par exemple au congrès de la Mutualité Française que le président de la République a choisi de dévoiler les contours de sa réforme du reste à charge zéro.
Au-delà de ces actions, la fédération s’est profondément transformée pour permettre à toutes les mutuelles d’y trouver leur place. Elle a ainsi évolué dans ses statuts pour permettre aux mutuelles dont le nombre de membres participants ne donnait jusqu’alors pas accès aux instances d’y être représentées. Elle a aussi développé de nouveaux services pour répondre aux besoins des petites et moyennes mutuelles plus directement encore. Toutes ces mesures poursuivent un même objectif : faire de la FNMF la fédération de toutes les mutuelles.
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