Quarante ans de simplifications au Ministère des Finances : si on passait de la simplification à la simplicité ?
Avec une certaine réticence, le Ministère des Finances participe aux divers programmes de simplification depuis quarante ans. On est passé d’une démarche principalement juridique à l’efficacité limitée à une approche plus gestionnaire qui pourrait servir de base à un management de la simplicité (1).
Le point de vue développé ici est celui d’un praticien participant à de nombreux programmes de simplification depuis une quarantaine d’années, notamment chez le Médiateur de la République et au Ministère des Finances (direction générale pour les relations avec le public, cabinet du ministre et direction de la communication) mais aussi celui d’un observateur ayant suivi et commenté divers projets dans ce domaine (2).
La politique de simplification administrative pourrait englober l’essentiel des dispositifs destinés à améliorer les relations entre l’administration et son public. On retiendra ici une définition plus étroite de la simplification : toute action volontaire des pouvoirs publics pour alléger les contraintes imposées aux administrés par les normes, les formulaires et les formalités administratives.
Les administrés sont les particuliers, les entreprises et les collectivités territoriales qui relèvent d’une problématique un peu différente (3).
Le Ministère des Finances est très concerné car ses règlementations et interventions ont une influence sur de très nombreux « événements » de la vie des administrés.
Il est cependant probable qu’il soit encore moins simplificateur que les autres administrations. Cela tient aux matières traitées. Les aspects d’intérêt public et régalien des missions sont prééminents ; dans le domaine économique et financier, la complication va beaucoup plus vite que la simplification ; les conflits entre intérêts divergents sont fréquents etc. Quant à la culture des cadres du ministère, le souci de simplicité n’est pas son trait dominant.
Ceci explique pourquoi le ministère ne s’est lancé dans des actions de simplification que sous des pressions extérieures (politiques interministérielles ou mouvements d’opinion) pressions qu’il accepte difficilement.
Mais cela est un peu vrai de toutes les administrations. L’action simplificatrice n’est pas spontanée, elle résulte d’actions récurrentes mais non continues, animées le plus souvent par des organismes ad hoc.
Au cours de ces quarante années, deux grandes tendances se sont dessinées :
- une première approche « classique » est plus strictement juridique et analytique. Elle aligne des séries de mesures ponctuelles qui corrigent les excès de la réglementation existante. Développée à la fin des années 1970, elle s’est prolongée jusqu'à présent (I) ;
- la seconde approche « moderne » est plus systémique et fait appel à une démarche plus gestionnaire que juridique. Apparue principalement à partir des années 1990, elle n’a pas supplanté la première et peut encore être largement développée (II).
Une approche analytique et principalement juridique de la simplification depuis les années 1970, qui s’est poursuivie
L’approche classique, analytique, juridique des simplifications a été mise en œuvre dans les années 1970 (A). Elle s’est notamment traduite par des « trains » de simplifications significatifs (B). Mais elle a échoué à réduire la complexité administrative (C).
A. La simplification administrative « classique » sans cesse recommencée
Ce type de politique a commencé à la fin des années 1970 et correspond au grand mouvement de réforme administrative qui s'est traduit par un renforcement des droits des usagers (ministère chargé des réformes administratives à partir de 1969, création du Médiateur de la République en 1973, comités d’usagers en 1974, lois de 1978, sur l’informatique et les libertés, sur l’accès aux documents administratifs et sur la motivation des actes administratifs etc.) et s’est ensuite prolongé.
La conception sous-jacente est la lutte contre la complexité administrative développée dans deux discours largement répétitifs. Le premier, à destination des particuliers, promet l’amélioration de la « vie quotidienne » des citoyens. Il paraît souvent en période préélectorale ou de sondages défavorables. Le second, visant plus particulièrement les entreprises, se propose de réduire la « charge administrative » qui freine la compétitivité. D’inspiration néo-libérale, il a été porté par des gouvernements autant de gauche que de droite.
Au-delà de ces objectifs politiques et économiques immédiats, les théoriciens peuvent y voir des intentions cachées du pouvoir : renforcer la légitimité de l’action de l’administration, encadrer les nouveaux droits des usagers etc.(4)
Les propositions de simplification sont pilotées par des services du Premier Ministre et des organismes divers : Comité d’enquêtes sur le coût et rendement des services publics, CERFA (1966), CIRA, Médiateur de la République (1973), COSIFORME (1983), COSIFORM (1990) et COSA (1998). Ils ont été progressivement coordonnés puis regroupés. Une procédure interministérielle d’examen des propositions de réforme du Médiateur, des CIRA et d’autres organismes a été progressivement organisée dans les années 1980.
Aux finances, la Direction des relations avec le public (1977) et les directions et services qui lui ont succédé (direction puis service de la communication) ont été les correspondants des organismes interministériels et ont animés des actions « interdirectionnelles » propres au ministère. Les directions techniques relaieront progressivement ces actions pour leur propre compte.
Les administrations participent d’assez mauvaise grâce à ces initiatives et ont une fâcheuse tendance à s’opposer aux propositions. Chez le Médiateur, j’avais pu codifier les motifs habituels de refus (coûts, risque de fraude, rigidité informatique, nécessité d’études complémentaires etc.). En 1992, lors de la préparation de la « charte des services publics », les services de la direction générale des impôts se sont opposées à l’inscription d’une mesure (l’allègement des formalités imposées chaque année aux handicapés pour obtenir la vignette automobile gratuite) qui était déjà en vigueur !
Comme les administrations ne simplifient pas spontanément, on les oblige à participer à des opérations collectives. Cette politique s’est principalement traduite par des annonces quantitatives et des « trains de mesures ».
B. Les trains de mesures de simplifications
Depuis le début des années 1980, le Ministère des Finances participe aux « trains de simplifications » interministériels, à la « charte des services publics » en 1992, à la loi du 2 avril 2000 sur l’amélioration des relations entre l’administration et le public, à la loi sur la simplification administrative du 2 juillet 2003, au programme « mesures et réduction des charges administratives 2006- 2011, au programme des 100 simplifications (2009-2012) et à la loi du 17 mai 2011. Le sujet a été remis à l’agenda des réformes après la révision générale des politiques publiques (RGPP) : lois relatives à la simplification du droit (5 lois entre 2007 et 2013), « choc de simplification » (discours de François Hollande du 29 mars 2013) traduit dans les programmes du comité interministériel de la modernisation de l’action publique portant sur 450 mesures (juillet 2013).
Actuellement, un chantier transversal du programme « action publique 2022 » est consacré à la simplification et qualité du service et diverses initiatives confirment la permanence du sujet : circulaires du Premier Ministre du 26 juillet 2017 relative à la maîtrise des textes réglementaires et à leur effet et du 26 septembre 2017 « action publique 2022 », loi n° 2018-727 du 10 août 2018 relative à un État au sein d’une société de confiance qui comprend un important volet relatif à la simplification normative.
De très nombreuses mesures ponctuelles ont ainsi été adoptées (de préférence significatives, peu coûteuses et facile à mettre en œuvre) : envoi de documents à domicile, élargissement de seuils, suppression et révision de formulaires, suppression d’autorisations préalables ou d’autres formalités, fusion de procédures, amélioration du langage administratif etc.
C. La bataille perdue contre la complexité
On voit bien les limites de telles actions (5) qui reposent sur le principe : « on complique d’abord, on simplifie ensuite ». On considère que la complication, le cas échéant qualifiée de « complexité », est naturelle et inévitable, voire nécessaire…
La simplification est une concession octroyée sous la pression de l’extérieur qui ne modifie pas le rapport administration/usagers. Celui-ci reste fondamentalement inégalitaire.
L’accumulation de micro-mesures nuit à leur visibilité. L’accumulation de demi-mesures ne les rend pas crédibles. Ainsi, pendant des dizaines d'années, j’ai vu revenir des sujets de simplification quasi-permanents. Par exemple : la simplification de la délivrance du permis de chasser, la suppression des timbres fiscaux, l’harmonisation des taxes assises sur les salaires, la création des très petites entreprises, l’accès des PME aux marchés publics etc. En 1997, j’ai même vu le remplacement du droit de bail par une contribution représentative du droit de bail qui présentait les mêmes complications pour les contribuables !
Des effets « pervers » ne sont pas impossibles, la simplification pouvant entraîner complexité et « surréglementation » (exemples du texte sur la suppression « automatique » des commissions ou des 2 400 exceptions à la nouvelle règle « silence vaut accord » énoncées dans 40 décrets dérogatoires publiés au Journal Officiel du 1er novembre 2014).
Parfois, on préfère développer de beaux mythes simplificateurs : le formulaire sur papier libre, le guichet unique, le fonctionnaire de proximité polyvalent, le 100 % dématérialisé, la démarche en un clic etc.
Surtout, pendant le travail de simplification, l’édification de la cathédrale de la complexité continue, à la fois pour des raisons politiques (attacher son nom à une loi, répondre à des événements, satisfaire les parlementaires etc.) et administratives (propension à règlementer, volonté de cerner a priori le plus grand nombre de situations etc.).
Ce volet « correctif » de la politique de simplification est donc très insuffisant. Il a cependant subsisté parce qu’il est facile à organiser, populaire et peu coûteux. Il a progressivement été complété par une démarche plus globalisante et moins strictement juridique.
Une approche systémique et principalement managériale de la simplification qui reste à approfondir
À partir des années 1990, une conception moderne, systémique, managériale de la simplification a été développée (A). Bien qu’en mode mineur dans les programmes de réforme de l’État, elle est parvenue à certains résultats (B). On peut espérer la conception d’un nouveau management des simplifications s’appuyant sur la participation et sur le numérique (C)
A. Les espoirs d’une simplification « managériale »
On a essayé de passer d’une action de simplification principalement analytique et juridique à une approche plus systémique et plus gestionnaire.
Des objectifs nouveaux et des méthodes nouvelles, qui se veulent plus proches des préoccupations des usagers comme des responsables et agents de l’administration, sont mis en avant. s’inscrivent dans le courant de l’émergence du management public et de la diffusion du new public management. Cela rejoint d’autres nouveaux thèmes de réforme administrative : la promotion de la qualité des services rendus aux « clients » (1996), les économies budgétaires et en effectif, la recherche de l’efficacité, voire des performances de la règlementation et la « réingénierie de processus ».
La simplification s’inscrit dans une volonté d’améliorer l’efficacité de l’administration.
L’OCDE joue un rôle essentiel dans la diffusion de ces méthodes (6). La simplification est un peu éclipsée par d’autres thèmes au sein des grands moments de réforme de l’État (renouveau du service public, circulaire Rocard 1989 ; réforme de l’État, circulaire Juppé 1995 ; RGPP 2002 ; modernisation de l’action publique (MAP, 2012) ; action publique 2022 ou transformation de l’action publique (2017-2018) etc.) mais va se renouveler avec l’administration électronique puis avec l’essor du numérique.
Dans les années 1990, le dispositif est mieux coordonné et mieux piloté. Successivement, le commissariat à la réforme de l’État (CRE, 1995), la direction interministérielle de la réforme de l’État (DIRE,1998), la direction générale de la modernisation de l’État (DGME), le secrétariat général pour la modernisation de l’action publiques (SGMAP, 2012), aujourd’hui la direction interministérielle de la transformation de l’action publique (DITAP) pilotent effectivement les actions de simplifications bien que celles-ci ne soient pas au cœur de leur action.
Les programmes sont arrêtés dans des comités interministériels spécifiques (CIMAP de la période 2012-2017, puis CITP). Un réseau de correspondants a été constitué, successeurs des « hauts fonctionnaires chargés des simplifications et des relations avec le Médiateur » créés par le décret du 18 décembre 1990.
B. La simplification « préventive »
La simplification est moins vécue comme une action autonome et elle est davantage intégrée aux actions propres de chaque direction du ministère.
Dès 1996, chaque ministère a été tenu de lancer des démarches de qualité qui ont connu un succès limité aux finances et ailleurs mais ont fait progresser la sensibilité à ces questions. Au Ministère des Finances, la Douane a largement allégé les procédures du commerce extérieur et a fait un vigoureux effort de modernisation des contributions indirectes lorsqu’elle a reçu cette mission en 1999. À partir de la fin des années 1990 (après les travaux relatifs à l’amélioration des relations avec les contribuables des commissions Aicardi 1987 et Fouquet 2008), la direction générale des impôts a adopté une posture de simplification des formalités imposées au contribuable de bonne foi (la « compliance »). Elle s'est définie comme une « administration de service » et a développé un programme « pour vous faciliter l’impôt » en même temps que le système Copernic en 2003.
Dans un programme de modernisation « Bercy ensemble » en 2004, la réingénierie de processus qui servait de référence à quelques mesures de simplification (harmonisation des taxes annexes sur les salaires, recouvrement des amendes, timbres fiscaux etc.) est apparue. À la même époque, la direction des affaires juridiques n’en finissait pas de lancer la réforme des marchés publics.
Lorsque la direction générale des finances publiques (DGFiP) a été créée en 2008, elle organisait sa propre « réingénierie de processus », a créé une délégation aux simplifications confiée à un inspecteur des finances, a mis en valeur les simplifications découlant de sa nouvelle organisation (guichets uniques) et, en 2012, a lancé des programmes novateurs d’administration numérique.
Quelques tentatives d’actions systématiques pilotées par les services du Premier Ministre ont mobilisés de gros efforts pour des résultats moyennement convaincants : suppression de commissions et comités inutiles, suppression des régimes d’autorisation préalable, déconcentration des décisions individuelles (1997), renversement de la règle « silence vaut rejet » (loi du 12 novembre 2013), droit à l’erreur (loi du 10 août 2018 relative à un État au service d’une société de confiance qui a généré des améliorations notables dans les relations avec les administrés, par exemple en matière de respect des obligations déclaratives : possibilité de rectification à la première erreur commise de bonne foi, droit au contrôle sur demande, atténuation des pénalités en cas de rectification spontanée ou à la première demande, extension du rescrit etc.).
Il y a aussi eu des mesures isolées et importantes : suppression des feuilles de remboursement d’assurance-maladie (1995), déclaration préremplie d’impôt sur le revenu (1999), suppression de la taxe sur les véhicules à moteur (2000), aujourd’hui, prélèvement de l’impôt sur le revenu à la source etc. dont on peut remarquer qu’il n’a pas été utilisé comme un levier de simplification de l’impôt sur le revenu mais qu’il pourrait en revanche annoncer des simplifications radicales en matière d’obligations déclaratives.
C. Vers un management de la simplicité ?
La notion de « charge administrative » ou de coûts des formalités a fini par s’imposer peu à peu après les efforts précurseurs du Centre d’études des systèmes d’information des administrations (CESIA) en 1986 et du Comité central d’enquêtes sur le coût et le rendement des services publics en 1991. L’échec de l’indicateur synthétique de complexité des prélèvements obligatoires testé en 2007 par le Conseil des prélèvements obligatoires (7) est cependant à signaler.
Peu à peu, de bons principes de production de la norme se sont dégagés : guides de rédaction de règlementation de qualité (OCDE, Conseil d’État, secrétariat général du gouvernement), études préalables (études, expérimentations…), règle du « une ou deux suppressions pour une création », option « zéro », droit souple, incitations, prise en compte des « événements de vie » etc.
Un point réellement novateur a eu du mal à s’affirmer : celui de l’association des usagers et des fonctionnaires à l’effort de simplification. Les premières tentatives ont été peu convaincantes : comités d’usagers nationaux en 1974, comités d’usagers locaux du Ministère des Finances, comité « administration à votre service » en 1982, opération « faites aboutir une idée » en 1984, commissions régionales de simplification et conseil de la simplification administrative en 1990 . En 2012, Thierry Mandon a rendu un rapport très intéressant sur « la simplification collaborative » qui a mené à la création du conseil de la simplification des entreprises en 2014. Toutes ces initiatives se sont assez rapidement essoufflées mais le sujet va être complètement renouvelé par le numérique.
Une consultation en ligne « simplifions ensemble » entre le 18 février et le 15 avril 2019 a fait émerger 19 000 propositions et a identifié quatre thèmes à approfondir : l’autonomie des gestionnaires, l’informatique et l’environnement de travail, la simplification des procédures internes et la communication interne. Ce sont des sujets de management.
Le numérique a donné les moyens puissants qui ont toujours manqué aux projets de simplification administrative. Ces technologies nouvelles leur ont apporté un nouveau souffle, que ce soit au niveau interministériel par l’action du SGMAP puis de la direction interministérielle du numérique et du système d’information de l’État (DINSIC) (8) ou des ministères. Elles mettent des identifiants communs en œuvre (France Connect permet à 6,2 millions d’utilisateurs d’accéder à un large panel de 345 services), le partage de données (« dites-le en une seule fois »), des aides et des simulations en ligne (demarchessimplifiées.fr qui a réalisé la dématérialisation de 460 procédures en moins de deux ans ; mes-aides.gouv. fr) , la numérisation des formulaires et des procédures « de bout en bout », des applications spécifiques (API entreprises, marchés publics simplifiés et aides publiques simplifiées).
Onze consultations citoyennes numériques ont été organisées en 2017-2018, avec l’appui de la DINSIC. Les usagers vont pouvoir faire part de leurs expériences et avis en ligne : vox usagers.gouv.fr9,observatoire de la dématérialisation (10).
Au Ministère des Finances, les directions du ministère multiplient les réalisations (dématérialisation des déclarations et du paiement des impôts des entreprises et des ménages ; réforme de la commande publique ; dématérialisation des relations des comptables publics avec les collectivités territoriales ; déclaration sociale nominative et prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu etc.).
Aujourd’hui, les projets de textes fiscaux ou de révision du code des marchés publics sont en ligne afin de recueillir l’avis des intéressés etc.
Plus récemment, l’apport des sciences sociales et cognitives est venu remettre l’usager au « centre » des réflexions (11) pour mettre au point des formalités simplifiées à l’aide de méthodes créatives et participatives et avec l’appui du numérique (guichets uniques, dématérialisation, labs, nudges, design etc.). Les concepts d’État plate-forme ou État-start-up, l’ouverture des données, l’intelligence artificielle ouvrent de nouvelles perspectives : versements automatiques des allocations sociales, contrôles automatisés, identifications et justifications automatiques, partage de données entre services et aides en ligne.
Les finances y participent activement avec leur « fablab » de Bercy et, par exemple, la déclaration de revenus en ligne a fait l’objet d’une des premières expérimentations du nudge (dispositifs incitatifs en appui ou en substitut de l’obligation normative).
L’objectif de l’administration n’est pas, à titre principal, de « satisfaire le client » mais de protéger, taxer, distribuer etc. Il peut y avoir contradiction entre les impératifs de justice fiscale et de simplification (12). Certains pensent que ces actions de réformes comportent une part d’illusion (13).
L’action de simplification est cependant nécessaire. Ses limites sont inéluctables mais la complication n’est pas une fatalité. Elle peut être combattue avec méthode.
Une réflexion plus approfondie en amont et en aval permettaient d’aller plus loin. D’une part, les simplifications pourraient être mieux intégrées à la conception des politiques publiques et celle-ci devrait être organisée de manière plus participative.
D’autre part, elles pourraient être accompagnée d’actions qui la soutiennent : communication, formation, évaluations, déconcentration des décisions et élargissement des possibilités d’interprétation et d’assouplissement (14).
C’est en partie l’une des orientations du comité interministériel de la transformation publique du 20 juin 2019 qui prévoit une large déconcentration des décisions individuelles, des plans ministériels de simplification, une action pour la simplification du langage administratif appuyée sur les sciences cognitives et la dématérialisation effective des 250 formalités les plus courantes (15).
En effet, la conception des simplification est étroitement dépendante d’une conception des modes d’intervention de l’État ou des rapports entre l’État et les citoyens (16). Dans le cadre d’une démocratie plus participative, on peut imaginer une conception des interventions de l’administration, donc des simplifications, moins descendante, voire moins condescendante.
On pourrait ainsi envisager de passer de la simplification à la simplicité.
1 Ce texte est celui, mis à jour, d’une communication au colloque : « La simplification normative et administrative, état des lieux, enjeux et perspectives », organisé à Sciences Po Lyon, le 12 octobre 2018, sous la direction scientifique du Professeur Jean-Luc Pissaloux et du Professeur Marc Frangi.
2 Le Clainche Michel (dir.), Les formulaires administratifs, éditions du SCOM, 1982 ; Le Clainche Michel (coord.), La Maladministration, n°45 de la RFAP, janvier-mars 1988 ; Le Clainche Michel, « Rapport prospectif de synthèse du colloque de l’UNESCO sur « Illettrisme et complexité des administrations contemporaines » »,13 mars 1991 ; Le Clainche Michel, « Du discours sur la simplification au management de la complexité dans le dossier « La simplification administrative » », Les cahiers de la fonction publique, février 2003, pp.6-9 ; Wiener Céline et Le Clainche Michel (dir.), Le citoyen et son administration, Imprimerie nationale, 2000 ; Le Clainche Michel, « Simplification administrative et gestion publique », pp 13-18 dans le dossier « Simplifications », Revue du Trésor, n° 1, 2004, pp. 2-25 (coord.avec JL Pissaloux).
3 V. Lambert Alain et Boulard Jean-Claude, Rapport de la mission de lutte contre l’inflation normative (2013) ; Rapport du Conseil national d’évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales, septembre 2018.
4 Cf le numéro thématique de la Revue française d’administration publique, dirigé par Annie Bartoli, Gilles Jeannot et Fabrice Larat, « La simplification des formes et des modalités de l’action publique : origines, enjeux et actualité », RFAP, n° 157 (2016), p. 7 (2016).
5 Chevallier Jacques, « La simplification de l’action publique et la question du droit », RFAP, n° 157, p. 205 (2016).
6 OCDE : Mieux légiférer en Europe : France (2010) ; Éliminer la paperasserie : pourquoi la simplification administrative est-elle si compliquée ? Perspectives au-delà de 2010 (2011).
7 Rapport du Conseil des prélèvements obligatoires pour 2007 sur la fraude aux prélèvements obligatoires et son contrôle, p. 214 et s. L’indicateur synthétique de complexité des prélèvements obligatoires regrouperait des sous-indicateurs de la charge administrative pesant sur les contribuables, des sous-indicateurs de la complexité de la législation et des sous-indicateurs relatifs aux contestations et réclamations.
8 Rapport d’activité 2017-2018 de la DINSIC, octobre 2018.
11 Waintrop Françoise,« Écouter les usagers : de la simplification à l’innovation », RFAP n° 137-138, pp. 209-215 (2011) ; Waintrop Françoise et Pelletier Céline, « Simplification : de la nécessité de se confronter aux usagers », RFAP n° 157, p. 157 (2016).
12 Kouraleva-Casals Polina, « La simplification de l’action publique en matière fiscale », RFAP, n° 157, p. 83 (2016).
13 Geledan Fabien, « Spectres du Léviathan : l’État à l’épreuve de la simplification administrative » (2006-2015), RFAP n° 157, p.33 (2016).
14 À cet égard, les expérimentations lancées à Cahors le 15 décembre 2017 comportant celles d’un « agent polyvalent » et le partage de données entre opérateurs sociaux méritent d’être suivies avec attention.
15 https://www.modernisation.gouv.fr/sites/default/files/fichiers-attaches/dpcitp3.pdf
16 Du Marais Bertrand, « Simplifier le droit : du mythe de Sisyphe à l’horticulture juridique ? », RFAP n°157, p. 183 (2016).