Participatif
ACCÈS PUBLIC
10 / 12 / 2018 | 863 vues
Ariel Dahan / Membre
Articles : 12
Inscrit(e) le 13 / 09 / 2009

Transmission (pas si universelle) du patrimoine des CE aux CSE

L’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales (NOR : MTRT1724789R) a fusionné les différentes instances représentatives : les délégués du personnel, les CHSCT et les comités d’entreprise se fondent automatiquement, au plus tard le 31 décembre 2019, par effet de la loi, en une seule institution, le « comité social et économique ».

Or, le CE disposait de ressources et d’un patrimoine. Il a pu souscrire des contrats à exécution successive (notamment avec un salarié, un expert-comptable ou un expert technique ou même un assureur ou une banque). La question se pose alors de savoir si les contrats sont obligatoirement repris par le CSE ou si le CSE peut renégocier les conventions souscrites antérieurement.

Que dit la loi ? Les dispositions transitoires de l’ordonnance 2017-1386 prévoient cette situation à l'article 9 -VI  en ces termes :

VI. - L'ensemble des biens, droits et obligations, créances et dettes des comités d'entreprise, des comités d'établissement, des comités centraux entreprises, des délégations uniques du personnel, des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et des instances prévues à l'article L. 2391-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la publication de la présente ordonnance, existant à la date de publication de la présente ordonnance sont transférés de plein droit et en pleine propriété aux comités sociaux et économiques prévus au titre Ier du livre III de la deuxième partie du code du travail mis en place au terme du mandat en cours des instances précitées et au plus tard au 31 décembre 2019.

Ce transfert s'effectue à titre gratuit lors de la mise en place des comités sociaux et économique. Une convention conclue avant le 31 décembre 2019 entre les comités sociaux et économiques et les membres des anciennes instances citées au premier alinéa définit les conditions dans lesquelles ces instances mettent à disposition du comité social et économique les biens de toute nature, notamment les immeubles et les applications informatiques, ainsi que, le cas échéant, les conditions de transfert des droits et obligations, créances et dettes relatifs aux activités transférées.

Les transferts de biens meubles ou immeubles prévus au présent article ne donnent lieu ni à un versement de salaires ou honoraires au profit de l'État ni à perception de droits ou de taxes.

L’ordonnance prévoit donc un principe très simple à comprendre : l’ensemble des biens, droits et obligations, créances et dettes sont transférés de plein droit et en pleine propriété.

Le juriste ayant un minimum de culture appelle cela un « patrimoine » ou une « universalité ». Il eut été plus simple d’écrire : « Le patrimoine (…) est transféré de plein droit ». On appelle cela le transfert patrimonial à titre universel. Le successeur succède à son prédécesseur dans tous ses droits et actions, en actif et en passif.

Sont donc transférés :

  • l’ensemble des biens, droits et créances,
  • et l’ensemble des obligations et dettes.

Il faut donc y inclure les contrats en cours, souscrit aux profits des techniciens ou des experts-comptables, ainsi que les baux souscrits pour le fonctionnement des CE et toutes autres conventions.

De manière évidente, le solde bancaire est transféré, de même que doit l’être l’éventuelle caisse d’espèces.

Le transfert se fait « de plein droit », au plus tard le 31 décembre 2019, à l’issue de la mise en place des comités sociaux et économiques, et à titre gratuit.


De plein droit : il n’est donc pas nécessaire d’autre acte ni d’autre procédure pour envoyer en possession. Le transfert de patrimoine se fait par le seul effet de la loi.

Au plus tard le 31 décembre 2019 : quoi qu’il arrive, le transfert se fait, sans même la volonté des CE, lesquels sont obligatoirement terminés.

À l’issue de la mise en place des comités sociaux et économiques et à titre gratuit : le CSE doit se mettre en place et sa première réunion doit impérativement se tenir à partir du 1er janvier 2020. Donc le transfert se fait soit le 31 décembre 2019, soit le 2 janvier 2020.

À titre gratuit : aucune contrepartie n’est faite aux CE qui seront liquidés sans patrimoine ni contrepartie. Le patrimoine ne s’éteint pas. Il est transféré de plein droit aux CSE.

Si le principe est simple, le législateur a la désagréable manie du « en même temps » ce qui fait qu’il prévoit un amendement à la simplicité initiale immédiatement après ce principe simple.

En effet, il autorise les membres des anciennes instances représentatives de négocier la mise à disposition des biens transférés et les conditions de transfert des droits et obligations, créances et dettes relatifs aux activités transférés.

Une convention conclue avant le 31 décembre 2019 entre les comités sociaux et économiques et les membres des anciennes instances citées au premier alinéa définit les conditions dans lesquelles ces instances mettent à disposition du comité social et économique les biens de toute nature, notamment les immeubles et les applications informatiques, ainsi que les conditions de transfert des droits etobligations, créances et dettes relatifs aux activités transférées, le cas échéant.

Cette rédaction est fâcheusement ambiguë. Elle permet aux membres des institutions représentatives de négocier la rétention de certains actifs ou au CSE de ne pas reprendre certains passifs et l’on comprend mal pourquoi cette solution a été autorisée. Soit la loi impose le transfert du patrimoine complet, soit elle n’impose aucun transfert patrimonial universel et soumet le transfert d’actifs à la volonté des instances représentatives.

Ainsi, selon la rédaction de l’ordonnance, les CSE peuvent refuser de reprendre des comptes bancaires débiteurs (bien qu’ils ne devraient pas l’être) ou des obligations souscrites par les précédents CE (avec les experts notamment mais aussi avec des salariés, les assurances etc. ou pour d’autres raisons dont location de locaux…). Une situation complexe pourra intervenir :

  • soit le CSE succède au CE sortant et reprend l’ensemble du patrimoine, actif et passif, (cas le plus simple) ;
  • soit le CSE succède au CE sortant pour les seuls éléments d’actifs et ne supporte aucune des charges du patrimoine transmis (transfert d’actif pur et simple) ;
  • soit le CSE succède au CE et choisit le passif qu’il reprend et le CE choisit l’actif qu’il conserve. Il pourra alors reprendre les biens sans reprendre les dettes qui y sont attachées (assurances et crédits ?) et refuser les crédits-baux et locations de longue-durée.

Se posera alors la question de la liquidation des CE débiteurs. Dès lors qu’ils bénéficient d’une personne morale, faut-il qu’ils procèdent à une déclaration de cessation des paiements et qu’ils ouvrent une procédure de liquidation judiciaire ? Mais alors le liquidateur aura l’obligation d’étendre le passif aux cessions d’actif faites au profit du CSE, lequel sera alors contraint de couvrir le passif du CE défaillant.

À défaut, faudra-t-il que les créanciers recherchent la responsabilité personnelle du représentant légal du dernier CE ? Ce qui leur sera autorisé au regard du droit commun.

Par ailleurs, certaines de ces conventions doivent être enregistrés et formalisées par un écrit. Ainsi des transferts de salariés, des transmissions de véhicules et d’immeubles.

Dernier point, pour lequel il faut être reconnaissant, ces transferts de biens meubles ou immeubles ne donnent lieu ni à un versement de salaires ou honoraires au profit de l'État ni à perception de droits ou de taxe. Les transferts se font donc sans aucune taxation. Il fallait le préciser.

On voit bien que, jusqu’au 31 décembre 2019, les comités d’entreprise vont devoir négocier les conditions de la reprise de leurs dettes et de leurs actifs. Ces conventions ne sont pas des actes anodins et les CE n’ont pas l’habitude de telles transactions. Il est donc indispensable qu’ils s’attachent les services d’un professionnel du droit des transmissions d’entreprise, pour les assister dans ces démarches. C’est la responsabilité du représentant légal du CE sortant qui pourrait être mise en cause. Il reste une année pour négocier.

Pas encore de commentaires