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Élections professionnelles : la liste d’émargement doit être signée par tous les membres du bureau de vote
Un arrêt récent de la Cour de cassation rappelle que le déroulement des élections professionnelles est soumis aux principes généraux du droit électoral. Cet arrêt (Cass. soc., 30 septembre, n° 14-25925), rendu à propos de la liste d’émargement, est une invitation à la prudence.
La liberté et la sincérité du scrutin
Selon les articles L. 2314-23 et L. 2324-21 du Code du travail, applicables respectivement à l’élection des délégués du personnel et des membres du comité d’entreprise :
- « Les modalités d'organisation et de déroulement des opérations électorales font l'objet d'un accord entre l'employeur et les organisations syndicales intéressées (…). Cet accord doit respecter les principes généraux du droit électoral ».
En visant les « principes généraux » du droit électoral, le législateur fait peser une insécurité (inévitable) sur les acteurs des ressources humaines, dans la mesure où il n’est pas aisé de déterminer avec précision ces principes.
Selon l’administration (circ. DRT n° 13 du 25 octobre 1983) :
- « En spécifiant que l'accord préélectoral doit respecter les principes généraux du droit électoral, le législateur a visé la liberté et la sincérité du scrutin, assurées, notamment, par la présence d'isoloirs. Mais il n'a pas voulu mettre en cause le vote par correspondance qui constitue une modalité du vote et non un principe général ».
Les notions de « liberté » et de « sincérité » du scrutin sont, en effet, les deux principes majeurs gouvernant l’ensemble du droit électoral.
Ainsi, pour la chambre sociale de la Cour de cassation, les irrégularités commises dans l'organisation et le déroulement des opérations électorales sont susceptibles d’annuler le scrutin si :
- elles méconnaissent les principes généraux du droit électoral (secret du vote, composition du bureau de vote…) ;
- elles exercent une influence sur le résultat du scrutin (par ex. problème de décompte des bulletins).
À titre d’illustration, justifie l’annulation des élections le fait que les électeurs n'aient pas eu accès librement au lieu du dépouillement (Cass. soc., 28 mars 2012, n° 11-16141).
De même, constitue une irrégularité justifiant l’annulation des élections l’absence de mention, au procès-verbal des élections, des heures d’ouverture et de clôture du scrutin (Cass. soc. 16 octobre 2013, n° 12-21680).
L’importance de la signature de la liste d’émargement
Le Code du travail n’évoque pas la liste d’émargement et la manière dont elle est tenue.
Selon l’article L. 62-1, al. 3 du Code électoral :
- « Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l'encre en face de son nom sur la liste d'émargement ».
La liste d’émargement doit être mise à disposition de chaque bureau de vote, par l’employeur, sous peine de nullité des élections (CA Paris, 10 juillet 1992, n° 92-8481).
En application du texte susvisé, il appartient à chaque salarié de contresigner personnellement cette liste en face de son nom.
À défaut, justifie sa décision d'annuler les élections professionnelles, le tribunal d'instance qui constate que la liste d'émargement avait été partiellement complétée, aux lieu et place des votants, par les membres du bureau de vote, ce qui ne permettait pas de garantir la sincérité du scrutin (Cass. soc., 6 juillet 2005, n° 04-60422).
NB : En cas de vote par correspondance, la signature de l'électeur sur l'enveloppe extérieure, renfermant celle contenant le bulletin de vote, est une formalité substantielle qui a pour objet d'assurer la sincérité des opérations électorales, principe auquel un protocole d'accord préélectoral, même unanime, ne peut déroger (Cass. soc., 9 février 2000, n° 98-60.581).
Si la signature de la liste d’émargement par les électeurs semble évidente, celle-ci doit également être signée par tous les membres du bureau de vote.
En effet, l’article R. 62 du Code électoral dispose :
- « Dès la clôture du scrutin, la liste d'émargement est signée par tous les membres du bureau. Il est aussitôt procédé au dénombrement des émargements ».
Dans l’arrêt du 30 septembre 2015, la Cour de cassation a jugé que l’absence de signature de la liste d'émargement par les membres du bureau de vote est de nature à affecter la sincérité des opérations électorales et, s'agissant d'un principe général du droit électoral, constitue une irrégularité justifiant à elle seule l'annulation des élections.
La Cour de cassation a censuré l’analyse de la Cour d’appel, selon laquelle le procès-verbal des opérations électorales avait bien été établi et signé par les membres du bureau, dénombrant de façon précise les bulletins et le résultat du scrutin, conformément à l’article 67 du Code électoral.
En effet, cette formalité ne saurait se substituer à la signature de la liste d’émargement par les membres du bureau de vote.