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18 / 12 / 2014 | 450 vues
Corinne Joiris / Membre
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Prise de fonction d’un dirigeant : les 10 premiers jours décisifs

Elodie Loing, directrice générale de transition, est membre d’Amadeus-Dirigeants, un groupement de 40 dirigeants expérimentés. Après avoir elle-même vécu plusieurs débuts de mission et de prises de fonctions, elle nous livre ses recommandations destinées à vivre  au mieux les « 10 premiers jours décisifs » au sein d’une nouvelle entreprise.

Dans le tempo actuel, quel employeur accepterait de « payer pour voir » pendant plus de 3 mois. En réalité, en moins de 2 semaines, vous êtes estampillé « go » ou « no go ». L’enjeu des « 100 premiers jours » qui a longtemps fait référence, est aujourd’hui une notion dépassée.

Soyez vous-même

Au cours des échanges préalables à votre nomination, vous avez sans doute récolté des indices concernant le formalisme, l’attitude et le style de vos interlocuteurs appartenant à l’entreprise. Vous avez, ne l’oubliez pas, été recruté pour votre savoir-faire autant que sur le pari d’une immersion rapide de votre part dans un nouvel environnement professionnel. Premièrement, préservez votre naturel, soyez fidèle à vous-même et aux valeurs que vous avez jusque-là défendues. Jouer un rôle révèlerait inévitablement des incohérences dans votre communication, qu’elle soit  verbale et/ou non verbale. Ajustez simplement les curseurs de votre savoir-être en restant intègre et authentique. Lors des premiers échanges, choisissez la prudence en préférant un langage sobre et une posture neutre. Ne cherchez pas à impressionner ! Il sera toujours temps, par la suite, d’ajuster votre ton au contexte. Avant d’atteindre votre zone de confort, montrez-vous accessible, humble et confiant tout en restant sûr de vous.

Mettez en scène votre première présentation

Votre arrivée suscite souvent une certaine curiosité, lorsque ce n’est pas de la défiance. Votre premier discours sera un moment privilégié pour installer votre charisme et votre autorité. Anticipez les messages clefs à délivrer et choisissez avec soin un vocabulaire qui vous ressemble pour exprimer vos idées dans le registre le plus proche de vos valeurs profondes.

Adaptez la forme de votre communication à la taille de l’entreprise et à l’étendue de vos responsabilités. Il est d’usage que le DRH ou votre supérieur direct vous présente en quelques mots. Veillez à lui simplifier la tâche en lui suggérant une ou deux phrases qui préserveront votre totale maîtrise de ce moment clef.

Lorsque vous prenez la direction d’une PME ou d’un service au sein d’une entreprise à taille humaine, privilégiez un premier contact plutôt informel sous la forme par exemple d’un petit-déjeuner dans le foyer du siège ou dans une des salles de réunion. Instaurez la confiance. Vos messages pourront laisser entrevoir des transformations. Aussi, soyez rassurant en exprimant sans ambiguïté votre engagement ferme et votre volonté d’accompagner vos collaborateurs à chaque étape du chemin à parcourir. Soyez vous-même convaincu et vous serez convaincant. Enfin et surtout, prenez du plaisir à ce premier échange !

Revêtez la « couleur locale »

Tel le caméléon, fondez-vous dans votre nouvel environnement. Alignez-vous sur les codes culturels et notamment vestimentaires locaux.

Au sein d’Apple, par exemple, jean et pull noir à col roulé, vestiges de feu son « grand homme », marquent depuis des années l’appartenance des cadres dirigeants à ce groupe mythique.

Constituez-vous un lexique des termes distinctifs et spécifiques à l’entreprise.

J’ai moi-même intégré une multinationale dont la culture du spectacle était si forte que son vocabulaire en reprenait fidèlement le jargon. Dans tous les magasins de la marque, les réserves étaient le « backstage », les surfaces de vente le « floor » et les clients des « guests ». En choisissant mes mots dans ce répertoire décalé, j'ai été spontanément reconnue par les équipes comme « l’une des leurs ».

Observez et notez

Mettez vos capteurs en éveil et laissez votre intuition vous guider. Tout n’est pas inscrit au règlement intérieur. Il est important que vous écoutiez le ronronnement de l’entreprise et que vous sachiez apprivoiser sa routine. Certaines pratiques entreront en résonance des vôtres. D’autres heurteront vos croyances et valeurs ou, même, contrediront vos objectifs. Ainsi, dans les jours suivant votre arrivée, vous consignerez soigneusement chacune de vos observations dans un rapport aussi détaillé que possible, à usage exclusivement personnel. L’heure n’est pas encore à rectifier le tir. Certaines habitudes, à première vue  banales, sont profondément inscrites dans le tissu culturel de l’entreprise. Y mettre fin trop brutalement pourrait engendrer des tensions internes dont vous n’avez pas besoin à ce stade. Prenez votre temps et attendez qu’une occasion se présente pour les déprogrammer. Il faut choisir ses batailles et le moment opportun pour les livrer.

Ne courez pas mais partez à point

Vous avez été engagé pour résoudre une problématique que vous avez sans doute déjà expérimentée ailleurs et résolue avec succès. Le poids de votre nouveau projet assorti d’objectifs ambitieux doit vous dissuader de vous jeter dans l’action à pieds joints. Il serait sans doute rassurant de suivre cet instinct mais ce n’est pas du tout ce que l’on attend de vous. Vitesse et précipitation ne font jamais bon ménage et vous pourriez commettre une ou plusieurs erreurs fatales. Ne cédez donc pas à une telle tentation. Vous devez, certes, produire rapidement des résultats mais, de grâce, ne cédez pas aux préjugés hâtifs et ne vous dérobez pas sous de fausses « bonnes décisions ». Un effet d’annonce prématuré vous discréditerait à jamais...

Humez le climat social

Dès les premiers jours, consultez les comptes rendus des délégués du personnel et les procès-verbaux de diverses assemblées sur les six mois écoulés. Cette lecture est parfois fastidieuse mais elle est hautement instructive. Relevez la dynamique du dialogue social et les non-dits exprimés entre les lignes. Ce sont de bons baromètres de la maturité et de l’émotivité des parties prenantes.

Lorsque se présente à vous l’occasion de rencontrer les membres du CE, ceux du CHSCT ou les partenaires sociaux, saisissez-les. L’accueil qui vous sera réservé lors de ce premier échange est souvent un bon indicateur de la tonalité de vos dialogues futurs. Que vous ayez ou non la charge d’un mandat social, votre capacité à agir dépendra en grande partie de l’adhésion des instances représentatives du personnel à vos propositions.

Attardez-vous dans la salle de repos, saluez les équipes dans les couloirs et utilisez les vestiaires qui peuvent vous accueillir. Le ton et les sujets d’échanges entre les salariés sont rarement anodins. Sans tirer de conclusions hâtives, déployez vos antennes et soyez intuitif.

Rassurez votre patron

S’il a validé votre recrutement, c’est qu’il croit en vous. Cependant, il cherchera, dès votre entrée en scène, à conforter son choix. Vous devez le rassurer et faciliter l’atteinte de ses objectifs. Faites un point avec lui dès votre arrivée et clarifiez bien ses attentes vous concernant. Reformulez-les par écrit, en utilisant, pourquoi pas, un outil de « mind mapping » qui en une page synthétise sous forme d’arborescence les objectifs fixés. Convenez de points d’étapes. Notez ses préférences concernant votre mode de communication : accepte-t-il que vous laissiez vos courriels de côté quelques heures afin de vous concentrer sur vos tâches ? Préfère-t-il que vous échangiez dans son bureau, par visio-conférence, téléphone ou courriel ? À quelle fréquence ? En posant ces questions, vous démontrez votre capacité d’adaptation ainsi qu’une volonté de le suivre dans ses habitudes. Détectez le niveau d’autonomie qu’il vous accorde et alignez-vous. Veillez aussi à respecter son tempo, à l’informer de l’avance de vos actions lorsqu’elles sont percutantes. Enfin, prenez soin de lui rétribuer sa part de gloire dans le succès de vos réalisations.

Cartographiez les acteurs influents de l’entreprise

Rencontrez individuellement les membres du comité de direction. Essayez de le faire dans un cadre moins formel que celui du travail (petit déjeuner ou « lunch », par exemple). Cela vous permettra de glaner une multitude d’informations sur la santé économique et sociale et sur l’actualité de l’entreprise. 

Restez également à l’écoute de vos collaborateurs. Certains n’occupent pas un poste clef sur l’organigramme. Pourtant, leur statut, leur personnalité et/ou leurs connaissances dans divers domaines peuvent leur conférer un pouvoir d’influence qui pourrait à l’occasion soit faciliter, soit desservir votre intégration.

Dès mon arrivée sur ma dernière mission, j'ai été accueillie par une assistante de direction qui était en poste depuis plus de 15 ans. C’était une femme timide et effacée qui avait accompagné 7 présidents successifs. Connaissant sur le bout des doigts tous les écueils à éviter, elle m'a fait gagner un temps précieux.

Soyez à l’affût des signaux faibles

Posez une même question ouverte à plusieurs interlocuteurs dans l’entreprise ainsi qu’à des parties prenantes externes : « selon vous, pourquoi l’entreprise en est-elle arrivée là ? » ou « quelle pourrait être mon action, selon vous, pour atteindre les objectifs fixés ? ». Notez la cohérence ou les dissonances des réponses obtenues. Détectez l’émergence de « signaux faibles » et notez leur récurrence. Les salariés mettent-t-ils en avant des défaillances techniques ou se plaignent-ils d’une carence d’écoute ou d’un défaut d’information ? Subissent-ils les effets directs ou indirects d’une nouvelle règlementation, l’arrivée d’un concurrent sur le marché ? Comment ces événements sont-ils vécus et/ou interprétés par les différentes strates et organes de l’entreprise ? Par les clients ? Par les sous-traitants?

Quand vous déciderez d’agir, marquez votre empreinte

De velours ou conquérants, vos premiers pas dans l’entreprise doivent dévoiler clairement vos intentions. Ils vous démarqueront, qu’ils soient rassurants ou qu’ils laissent dans votre sillage une tension palpable. Parfois même, vous génèrerez une rupture (pouvant aller à terme, qui sait, jusqu’à déclencher un véritable tsunami social). Que vos intentions soient délibérées ou pas, peu importe. Soyez clairvoyant afin d’anticiper les réactions conscientes et/ou inconscientes de votre entourage. Qui sait ? Cela peut parfois vous réserver de bonnes surprises.

En conclusion, 10 jours suffisent à vous cataloguer.

C’est une vérité qui ne doit pas vous retenir de profiter de chaque minute de la nouvelle expérience qui s’offre à vous : restez-vous même, observez, tendez l’oreille et fondez-vous dans votre nouvel environnement avant de passer à l’action. Et quand vous êtes fin prêt, foncez !

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