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Le nouveau cadre réglementaire qui va s’imposer à la gestion des CE
Le nouveau cadre réglementaire qui va s’imposer à la gestion des CE dont le budget dépasse le seuil de 153 000 euros est certes contraignant mais il représente aussi une opportunité. Celle de gagner en professionnalisme pour mieux valoriser tout le sens de ses actions militantes.
C’était la problématique posée lors du café social du 30 septembre, parrainé par le cabinet d’expertise comptable Ellipce et le cabinet d’avocats Bretlim.
« C’est l’occasion de faire évoluer la nature de la confiance que les salariés accordent à la gestion des CE. Aujourd’hui, c’est une confiance a priori qui repose sur des personnes. Le nouveau cadre va amener une confiance plus factuelle car les salariés auront enfin les éléments pour se faire un avis plus raisonné », considère Philippe Benech, expert-comptable et commissaire aux comptes chez Ellipce.
C’est au travers du rapport d’activité que les élus vont notamment pouvoir faire œuvre de pédagogie pour expliquer le sens des actions engagées et des résultats constatés.
« Il faut dépasser le strict volet gestionnaire dans ce rapport où il faudra, par exemple, indiquer le nombre de participants pour chaque activité et mieux faire partager la raison d’être d’un budget de fonctionnement. Il va falloir objectiver », ajoute Philippe Benech.
Un rapport d’activité dont le professionnalisme permettra de déminer les attaques potentielles. Nul doute en effet qu’à l’approche des élections, le rapport d’activité prêtera le flanc aux critiques.
Prévenir le contentieux
Mais si le règlement intérieur n’est pas au niveau, c’est tout simplement une forme nouvelle de contentieux juridiques qui s’annonce.« Le nouveau cadre précise les responsabilités de chaque élu et en premier lieu celles du secrétaire et du trésorier, cela ouvre donc la porte à de nouvelles attaques sur le plan juridique. C’est pour cela qu’il est essentiel de border très précisément le qui fait quoi dans un règlement intérieur avec un contrôle interne vraiment opérant », conseille Dominique Giraud, avocat du cabinet Bretlim.
Difficile d’anticiper l’évolution du contentieux mais ces nouveaux leviers seront bien appréhendés par des syndicats déçus des résultats des élections, voire par des salariés qui considéreront que le mandat des élus n’a pas été respecté. Et Dominique Giraud de préciser que « le rapport comparatif entre deux exercices va donner encore plus de poids aux argumentations ».
Remise en question
Après avoir défrayé la chronique en 2010 avec une instruction judiciaire encore en cours à l’encontre de l’ancien secrétaire, la nouvelle majorité du CE d’Eurodisney a décidé d’anticiper la loi et de s’appliquer des contraintes qui ne s’imposaient pas à elle.Avec 2,3 millions d’euros de budget et une dizaine de permanents, l’instance fait en effet certifier ses comptes par un commissaire aux comptes depuis 2010. Des comptes certifiés sans réserve par Philippe Benech depuis maintenant 3 ans.
« Pour obtenir la certification des comptes, nous avons dû mettre en place des procédure comptables ; ceci n'a pas été facile pour les salariés du CE qui ont dû se remettre en question. La majorité de ceux-ci a joué le jeu du changement de processus de travail. Deux salariés ont contesté les sanctions liées au non-respect des nouvelles procédures devant les Prud'hommes. La justice ne leur a pas donné gain de cause » déclare Germaine Cisse, secrétaire CFDT du CE.
« Aujourd'hui, après trois certifications des comptes, tous les salariés du CE, y compris ceux qui avaient contesté les nouvelles procédures, se sentent désormais protégés par les procédures », ajoute cette dernière.
Avec 4 élus sur 15, la CFDT n’a pas la majorité. À défaut de budget suffisant des activités sociales et culturelles (0,53 % de la masse salariale) et de majorité, le CE a décidé de se tourner vers le développement de partenariat ; notamment au travers du fonds de solidarité alimenté par des partenaires commerciaux, « ce qui nous permet d’aider des salariés en situation précaire », confie la secrétaire qui admet avoir dû s’investir considérablement pour mettre l’instance au niveau des exigences des procédures fixées par le commissaire aux comptes et ce, afin de reconquérir la confiance des salariés de l'entreprise.
En finir avec l’omerta
La question des moyens dont dispose les CE pour se préparer aux contraintes de la loi est posée. « Le passage à une comptabilité d’engagement va être un changement très violent pour beaucoup. Surtout au niveau des petits CE qui vont devoir négocier pour obtenir des moyens supplémentaires, soit de leur employeur au travers de mises à disposition ou de leur syndicat. Pour conserver le sens de l’action militante, il faut se donner les moyens d’externaliser au maximum la partie technique. Cela passe par des consolidations entre les petits CE », déclare Bernard Allain, secrétaire FO du comité de groupe de Bouygues qui chapote 450 CE.Si les comptes des plus gros CE du groupe sont déjà, là aussi, expertisés et certifiés, la visibilité est bien moindre sur les plus petits. « On ne peut plus se permettre de couvrir les dérives, les petites comme les grandes. Cela vaut tout autant pour la direction, qui doit prendre ses responsabilités, que pour les syndicats concernés. J’ai ainsi déjà été amené à dé-mandater des élus », lance Bernard Allain, qui se trouve être aussi le secrétaire du syndicat FO du groupe Bouygues.
La séparation des comptes entre ASC et fonctionnement se présente comme le gros sujet pour remettre la gestion au carré. Le tout avec des clefs de répartition complexe à déterminer. Une chose est certaine, il est fini le temps où une direction gardait la main sur le budget de fonctionnement pour éviter justement des dérives. Désormais, l’instance va devoir prendre toutes ses responsabilités.