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29 / 07 / 2014 | 10 vues
Antonio Giangreco / Membre
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Le suicide au travail d'un fonctionnaire reconnu comme accident de travail : une orientation discutable

Le suicide au travail d'un fonctionnaire vient d’être reconnu comme accident de travail. Ainsi, le Conseil d'État (la plus haute juridiction administrative) a jugé mercredi qu'un suicide ou une tentative de suicide d'un fonctionnaire sur le lieu de travail devait en principe être reconnu comme un accident de travail. Une décision qui ouvre la voie à une indemnisation de la victime ou des proches. La décision va faire jurisprudence.

Une orientation discutable

Une décision récente du Conseil d’État a reconnu comme accident du travail le suicide ou une tentative de suicide d'un salarié. Destinée à faire jurisprudence, cette décision remet en question différentes certitudes de la médecine et de la vie communautaire. La décision suppose essentiellement que le suicide (ou la tentative de suicide) a toujours des causes exogènes, en ignorant le fait que l'acte dramatique de prendre sa propre vie peut, dans certains cas, être déterminé par des causes endogènes, comme en témoigne une abondante littérature en psychiatrie.

Cette orientation est d'autant plus discutable quand on fait une distinction entre suicide sur le lieu de travail et ailleurs. En fait, le jugement, en présupposant de facto un lien de causalité entre lieu de travail et travail, entraîne dans une certaine mesure un principe fondamental de présomption de responsabilité que l'organisation (qu’elle soit coupable de façon active ou par négligence), doit toujours avoir. Cette décision semble être en contradiction avec l'orientation habituelle où lors d’un suicide réalisé hors du milieu de travail un lien direct suicide/travail doit être prouvé.

Pourquoi cette différence de traitement ? 

Alors, plusieurs questions se posent. Pourquoi cette différence de traitement ? Pourquoi suppose-t-on alors que le suicide qui a lieu hors du milieu de travail peut également être déterminé par des causes de travail et qu'un suicide survenu sur lieu de travail exclut pratiquement d'autres causes ?

Ne serait-il pas plus approprié de déterminer si et comment il existe un lien direct avec le milieu de travail indépendamment de l'endroit où le drame a lieu ? Avec beaucoup de respect pour le drame humain qui entoure un suicide, je suis en désaccord avec ceux qui pensent que la décision du Conseil d'État peut déterminer des attitudes spéculatives. Je doute que celui qui va mettre fin à ses jours est en mesure de faire une analyse froide des avantages que peut engendrer le choix de l'endroit où commettre l'action fatale. Il reste cependant le sentiment amer qu’une fois de plus les entreprises sont toujours placées du mauvais côté de la route.

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Le régime de réparation des accidents de service prévu par l'article 34-2 de la loi du 11 janvier 1984 a institué une obligation de réparation sans faute. Bien entendu, cela n'empêche pas l'administration de se sentir responsable ou, plutôt, d'invoquer l'absence de faute de sa part. Bien que résultant d'un acte volontaire, la jurisprudence admet depuis longtemps que le suicide (ou la tentative) puisse constituer un accident de travail ou de service (CE n° 76967 du 26/02/1971). L'arrêt du CE du 16 juillet 2014 prend de la hauteur par rapport au drame humain et recadre le suicide dans le droit commun : s'il a lieu aux lieux et heures de service, il bénéficie de la présomption d'imputabilité comme n'importe quel accident. L'administration conserve la possibilité d'apporter la preuve contraire. Par ailleurs, quand il n'a pas lieu dans ces circonstances, le CE invite l'administration à s'interroger sur l'existence éventuelle d'un lien avec le service. Je suis tenté de penser que le Conseil d'Etat s'est lassé du déni systématique de l'administration face au suicide et l'invite à s'interroger sur les conséquences de son management.