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02 / 05 / 2014 | 4 vues
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« Comment gérer sa vulnérabilité dans un univers qui ne prône que des valeurs de réussite » - Thomas Coppey, romancier

Dans Potentiel du sinistre, Thomas Coppey, jeune auteur de 33 ans, s'attaque avec son premier roman au monde de la finance et précisément à la pression managériale dans une grande entreprise. Toujours mues par un désir incessant de progression dans la hiérarchie, les relations entre salariés sont plus rarement animées par la volonté de s'épanouir dans (et par) un collectif.

Prix du roman d'entreprise 2014 organisé par Place de la médiation et Technologia, dont la mutuelle UMC est partenaire, son récit montre avec talent la progression fulgurante (puis les désillusions) d'un cadre à l'origine d'un produit financier permettant de miser des capitaux sur le risque de catastrophes naturelles. Interview...

Votre parcours a-t-il croisé l'univers très carriériste d'un grand groupe ?
Pas du tout ! Après des études de lettres et de sciences politiques, j'ai exercé un certain nombre de métiers, de liftier à agent d'accueil en passant par télé-opérateur. J'ai avant tout été frappé de voir comment des sociétés, parfois de très petites tailles, tentent de s'approprier un langage de management étrangement calqué sur celui des grandes entreprises, ce qui est assez troublant. Partant de ce constat et à moins d'être rentier, par exemple, je considère que le travail, avec son potentiel et ses effets toxiques, nous concerne tous.

Pourquoi le choix d'une intrigue dans le monde de la finance ?

Parce qu'il s'agit d'un secteur qui nourrit beaucoup de fantasmes, tellement l'opacité peut y être développée. Pour un citoyen de base, il est difficile de savoir qui travaille derrière les belles façades des grands groupes installés sur les Champs-Élysées ou encore à La Défense. C'est cette posture qui m'intéresse.

Quelle est votre méthode de travail, avez-vous interrogé des salariés par exemple ?

Non, pas du tout. En tant que romancier, je préfère adopter un regard totalement extérieur me permettant de continuer à me fier à mes intuitions sur toute la durée d'un ouvrage. Je passe un certain temps à me documenter, par exemple avec des revues parfois techniques sur les produits financiers mais dans un but de compréhension. Retracer ou adopter le point de vue d'un ancien salarié ne m'intéresse pas. Le peu de chiffres restitués dans l'ouvrage est volontaire, on ne sait pas précisément combien gagne Chanard, le héros, combien de salariés compte son employeur etc. Ce manque (pour ne pas dire ce flou) des chiffres rajoute des éléments d'opacité dans le récit.

Allez-vous définitivement quitter cet univers pour votre prochain roman ?

Oui et non. L'histoire se passera dans un milieu totalement différent, celui de l'« entertainement » (l'industrie du spectacle), à un moment où une star décide de tout arrêter alors qu'elle se trouve au faîte de sa carrière. Ce qui suscite l'incompréhension de son entourage professionnel qui va tout faire pour la ramener sur le devant de la scène. Mais des points resteront communs avec Potentiel du sinistre : ce sont ces trajectoires individuelles qui m'intéressent, en l'occurrence celle où un protagoniste décide de freiner, arrêter, changer mais il n'est pas libre de le faire. Et voir comment gérer sa vulnérabilité dans un univers qui ne prône que des valeurs de réussite et de succès permanents.

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