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14 / 06 / 2013
Jacky Lesueur / Abonné
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Pour une mutualité durable

À l'occasion de l'assemblée générale de la Mutualité Fonction Publique qui s'est tenue en tout début de semaine Alain Arnaud, son président, a présenté un état des lieux sans concession et a mis en perspective l'approche de la MFP pour les mois à venir au regard du contexte général, des questions qui nous sont posées sur le devenir de notre système de protection sociale, de la place et du rôle que doit jouer la mutualité et les complémentaires de santé et des évolutions de l'environnement mutualiste affichant sa détermination « pour une mutualité durable ».

Pour lui (et c'est ce qu'il a développé dans son rapport moral qu'il nous a autorisés à reprendre pour éclairer le débat), « le mouvement mutualiste a souvent traversé des périodes complexes au cours de son histoire. Réformes successives du code de la mutualité, transposition des directives européennes sur l’assurance, soumission aux exigences réglementaires en matière de solvabilité et de contrôle prudentiel, compétition concurrentielle ont été autant d’étapes difficiles que la mutualité a peu ou prou réussi à franchir en s’organisant, en professionnalisant ses activités, en se regroupant.

Aujourd’hui, elle est face à un renforcement des contraintes réglementaires, à la fiscalisation, aux exigences d’honorabilité et de compétences pour ses administrateurs et donc à un alignement sur le modèle de fonctionnement des sociétés de capitaux exerçant des activités lucratives.

Mais ce faisant, elle paye un lourd tribut à ce déferlement de règles normatives, avec la disparition de nombreuses mutuelles solidaires de proximité dont la taille ne leur permet plus de s’adapter à de telles exigences et avec la distanciation prise avec les adhérents du fait de toutes ces évolutions.

C’est toute la dimension humaniste de la mutualité qui s’estompe progressivement au profit d’un modèle qui s’inscrit dans la financiarisation de la société.

Si malgré tout le mouvement mutualiste, meurtri dans sa culture, ses valeurs et ses principes, a réussi à surmonter ces épreuves au prix fort, il devra se mobiliser pour celles à venir. Car il se trouve aujourd’hui plus que jamais menacé dans son existence même, en raison d’une dynamique, probablement nourrie de bonnes intentions, mais qui a pour conséquences d’encore accentuer la banalisation de ses composantes et d’anéantir les principes qui en constituent les fondements.

Ainsi, la généralisation de la complémentaire de santé, si nécessaire désormais pour accéder aux soins, souhaitée par la Mutualité française, annoncée à son congrès par le Président de la République, se met en place dans des conditions surprenantes, alors qu’aucun débat associant les parties prenantes, en premier lieu la mutualité, n’a été organisé.

Si l’on en restait à la loi qui transpose l’accord national interprofessionnel et qui généralise les contrats collectifs obligatoires, ce serait inévitablement un coup fatal porté à la mutualité.

Alors que le contexte de grave crise économique et sociale que subit notre pays nécessiterait de résolument réorienter notre système de protection maladie vers plus de solidarité, d’universalité, de cohérence et de cohésion, on renforce ainsi les mécanismes qui conduisent à un système à plusieurs vitesses, à une banalisation des acteurs, à l’accélération de la compétition concurrentielle, dans un domaine où la référence à l’intérêt général doit prévaloir.  

Le droit à la santé, un droit fondamental


Le droit à la santé est consacré parmi les droits fondamentaux de la personne humaine, comme la citoyenneté, l’emploi, le logement, la culture.

Rappelons-nous : la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme adoptée à Paris le 10 décembre 1948, proclame dans son article 25 que « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ». Il est de fait que les grandes institutions internationales (Nation Unies, OMS, UNESCO, Conseil de l’Europe) se sont constamment référées à cette proclamation pour leurs travaux sur la santé.

On peut même dire que les principes éthiques élaborés au fil du temps sur ces sujets n’ont fait que consacrer l’universalité du droit à la santé en tant que droit fondamental de l’Homme.

Notre pays, parmi les plus grandes puissances économiques mondiales, peut s’enorgueillir de disposer d’un système qui a fait ses preuves depuis la seconde guerre mondiale, avec les plateaux techniques les plus modernes et des équipes de chercheurs et de praticiens parmi les plus performantes au monde.

On a soigné de mieux en mieux et si l’on s’en tenait à un seul indicateur, celui de l’allongement de la durée de vie suffirait à en faire la démonstration.

En un siècle, l’espérance de vie a doublé, passant de 40 ans à 80 ans, alors que 10 000 ans auront été nécessaires aux sociétés humaines pour passer de 20 à 40 ans.

Toutefois, force est de constater que notre système de santé et de protection sociale est confronté depuis quelques années à une érosion lente mais certaine, qui entraîne chez les Français un sentiment d’incertitude et d’inégalité vis-à-vis de ce système, tandis que celui-là laisse de plus en plus de nos concitoyens au bord du chemin.

Dans le même temps, nous assistons à la montée des risques sanitaires, paradoxalement liés aux progrès thérapeutiques et à leurs aléas, mais aussi aux modes de vie et à la dégradation de notre environnement.

Face à ces problématiques, et malgré tous les efforts et les bonnes volontés, notre pays se révèle incapable de se doter d’une politique globale de santé publique digne de ce nom. Les mesures qui sont prises le sont au coup par coup, dans l’urgence, à la suite de graves événements sanitaires.

Le scandale du Mediator en est l’une des illustrations récentes les plus marquantes. Or, la politique de santé concerne toutes les activités de la société : l’éducation, les conditions de travail, l’organisation industrielle, le logement, l’environnement, les structures sanitaires et sociales, tous sujets qui, directement ou indirectement, ont des répercussions sur la santé des individus.

Cela suppose cohérence, coordination, objectifs à long terme prenant en compte les évolutions de notre temps et réformes structurelles quand cela devient nécessaire.

Or, le propre de notre système de santé, c’est qu’il ne comporte pas de vision à long terme, ni suffisamment d’approche globale, de coordination et de régulation.

Il ne faut donc pas s’étonner que notre pays soit l’un de ceux dans lesquels les dépenses de santé croissent le plus, sans que les ressources financières suivent au même rythme, avec pour conséquence une difficulté de plus en plus grande pour les régimes de la Sécurité sociale à équilibrer leurs comptes.

Longtemps objet de fierté pour avoir concilié médecine libérale et financement socialisé, notre système met en évidence bien des paradoxes. Il est devenu coûteux sans pouvoir rester généreux, ni pour les assurés sociaux qui contribuent toujours plus, ni pour les acteurs de santé qui en sont la pierre angulaire, confrontés aujourd’hui à une véritable crise d’identité à titre individuel, et englués collectivement dans des réflexes corporatistes devenus inappropriés.

Les seuls remèdes apportés jusqu’ici pour tenter de rétablir l’équilibre des comptes, sans succès, ont été l’augmentation des cotisations sociales, le déremboursement et pour l’hôpital, quelque chose qui s’apparente au rationnement des soins, alors que tout le monde s’accorde à dire que l’organisation du système de santé génère des gaspillages, que les hôpitaux publics manquent de moyens, que la médecine de premier recours régresse avec pour conséquences l’engorgement des urgences.

Un droit menacé par les difficultés croissantes d’accès aux soins


Selon l’INSEE, entre 16 et 33 % de la population, selon la possession ou non d’une couverture complémentaire, déclarent avoir renoncé à se faire soigner pour des raisons financières.

Ce n’est pas l’ouverture des droits à la Sécurité sociale qui est en cause ici, car tout citoyen bénéficie peu ou prou d’une couverture de base, mais bien l’incapacité de certains de nos concitoyens à prendre en charge l’avance des soins médicaux, et encore moins les restes à charge.

Dépenses de santé et dépenses remboursées ne sont bien évidemment pas tout à fait la même chose. Si l’Assurance Maladie obligatoire prend encore en charge les risques les plus lourds, elle s’est progressivement désengagée des soins courants dont elle rembourse aujourd’hui un peu plus de la moitié, tandis qu’elle ne prend pas en charge les frais de séjour en établissement de soins qui deviennent de plus en plus coûteux.

Dès lors, l’assurance complémentaire devient nécessaire pour diminuer les restes à charge. Mais lorsque l’on est chômeur, titulaire d’un emploi précaire ou étudiant, on n’a pas les moyens d’avoir une mutuelle complémentaire et le problème de la santé passe au second plan.

Certes, quand la maladie est grave, il y a des possibilités d’être soigné gratuitement. Mais quand elle est moyennement grave, on ne se soigne pas, on recule les échéances, puis finalement on tombe malade plus tard, plus gravement, et cela finit en définitive par coûter plus cher à la société. C’est aussi l’état sanitaire de la population qui en pâtit.

La structure même de l’offre de soins contribue à l’exclusion des soins. Elle est fondamentalement basée sur une organisation libérale de la médecine, sur le libre choix du médecin, sur la liberté d’installation et sur la liberté d’honoraires.

Toutes ces libertés ont des conséquences pour l’assuré social : le libre choix se résume de plus en plus à rechercher les dépassements d’honoraires les plus modérés pour ceux qui  peuvent les acquitter, à s’inscrire dans les files d’attente à l’hôpital public ou à renoncer aux soins.

Quant à la liberté d’établissement, elle aboutit à une concurrence entre praticiens qui multiplient les visites pour pouvoir vivre correctement, à un délaissement de la médecine généraliste au profit de spécialités mieux rémunérées, tandis que des déserts médicaux se sont installés dans le paysage sanitaire français. Un tel système présente tous les inconvénients : il est inflationniste et il s’oppose à un égal accès aux soins pour tous.

En ce qui concerne les complémentaires de santé, leur coût d’accès n’a cessé de progresser sous l’effet des transferts du régime obligatoire et des taxations mises à leur charge en quelques années.

Par conséquent, de nouvelles inégalités apparaissent entre ceux qui peuvent acquérir une complémentaire de santé et ceux qui ne le peuvent pas.

Lentement mais sûrement, on a donc fini par porter atteinte à ce droit fondamental qu'est le libre accès aux soins pour tous quelle que soit sa condition, ce qui est proprement intolérable dans un pays figurant parmi les plus riches. 

Réorganiser la protection sociale maladie


La réponse à toutes ces problématiques passe par une nécessaire ré-interrogation profonde de notre système de protection sociale maladie. C’est ce qui est attendu d’un changement politique censé privilégier l’intérêt général et réduire les inégalités sociales.

Pour l’heure, aucune réflexion portant sur la globalité de notre système n’a émergé de la sphère gouvernementale.

Le Haut Comité pour l’Avenir de l’Assurance Maladie vient cependant d’être saisi d’une demande d’analyse et de propositions sur l’organisation de la protection sociale.

Les bonnes questions semblant enfin être posées, nous souhaitons ardemment que les bonnes réponses soient apportées. Il est nécessaire également de clarifier les rôles. En effet, l’organisation du système de protection maladie est marquée par une confusion des rôles et une dilution des responsabilités entre les différents acteurs concernés, qui portent atteinte à ses finalités premières. 

Le système original d’après guerre, correspondant au contexte de l’époque et qui avait montré son efficacité, atteint aujourd’hui ses limites et génère même des contradictions et des conflits d’intérêt. Les organisations syndicales, assumant leur rôle de défense des intérêts des travailleurs salariés, ont toujours défendu une organisation de l’Assurance Maladie basée sur la négociation paritaire, c'est-à-dire sur le facteur travail et le critère professionnel, dans la ligne du système bismarkien.

Les employeurs n’ont eu de cesse de faire pression pour éviter l’augmentation des charges des entreprises au nom de la compétitivité.

Les professionnels de santé, censés être au cœur du système, se sont évertués à préserver l’exercice libéral de leur activité et le niveau de leurs honoraires, au lieu de promouvoir la prévention de la santé et à participer à la régulation du système dont ils sont pourtant les principaux acteurs.

Les assurés sociaux sont devenus des consommateurs et ne se sentent plus concernés par une institution devenue lointaine et paperassière.

L’État a toujours eu une attitude fortement interventionniste sur les taux de prise en charge, les tarifs et le système conventionnel, la régulation des dépenses, entretenant ainsi une confusion des rôles et une absence de responsabilité des acteurs. Les dispositifs législatifs et réglementaires existent, on les a même empilés au cours de ces dernières décennies, les institutions publiques (CNAMTS, ARS, collectivités locales) mais aussi les organisations privées (mutualité, associations) développent leurs stratégies de santé pour contribuer à l’intérêt collectif.

Les potentialités de partenariats et de mises en synergie sont donc bien réelles mais il manque le fil conducteur et la volonté partenariale des acteurs.

Enfin, le système de protection de santé est confronté à un véritable problème structurel de financement. Il faut bien voir que le financement de la Sécurité sociale reste majoritairement basé sur la masse salariale du fait de son assise beaucoup plus professionnelle qu’universelle.

Or, avec l’avènement du technologique et de l’automatisation des tâches, de plus en plus d’entreprises emploient de moins en moins de main-d’œuvre. Ainsi, la part du facteur travail dans la fonction de production, au sens économique des termes, diminue par rapport à la création de valeur par l’investissement machine et donc corollairement, l’assiette du financement de la protection sociale diminue en valeur relative.

Certes, une dose d’universalité a été introduite avec la CSG mais cela n’est pas suffisant à conférer à notre système d’Assurance Maladie le caractère universel dont la société d’aujourd’hui aurait besoin. Ce sont là des tendances structurelles lourdes qui pèsent depuis longtemps sur les comptes de l’Assurance Maladie, aggravées désormais par l’absence de croissance économique, les délocalisations et le développement du chômage qui en résulte.

L’Assurance Maladie obligatoire n’a plus de marge de manœuvre alors qu’elle est confrontée à une impérieuse nécessité, celle de rééquilibrer ses comptes pour arrêter l’accumulation des dettes que nous léguons aux générations futures, ce qui prendra nécessairement du temps.

La conséquence est qu’il est nécessaire, aujourd’hui plus qu’hier, d’avoir une couverture complémentaire pour accéder aux soins, notamment en soins courants, et pour faire face aux dépassements d’honoraires et aux frais de séjours hospitaliers. La diminution tendancielle de la part du régime obligatoire dans ces secteurs, que nous regrettons, confère ainsi à cette couverture complémentaire un rôle essentiel au service de l’intérêt général.

Or, cette couverture complémentaire est aujourd’hui totalement livrée au marché concurrentiel, insuffisamment régulé et de plus en plus inégalitaire, que se disputent mutuelles, assureurs, bancassureurs et institutions de prévoyance. 

Passer du droit à la santé au droit à la solidarité pour tous

Une vraie politique de changement consisterait à redonner du sens aux politiques publiques en définissant un axe prioritaire : recentrer sur la solidarité nationale l’ensemble de notre système de protection sociale et de maladie.

L’acteur majeur doit bien entendu rester la branche maladie de la Sécurité sociale, laquelle doit être la bénéficiaire de mesures à caractère structurel, qui restent à mettre en œuvre, touchant tout à la fois la maîtrise des dépenses de santé et la structure de financement, trop dépendante de l’évolution de la masse salariale.

Mais face au déficit structurel de l’Assurance Maladie, face à l’augmentation des restes à charge laissés aux assurés sociaux, face à l’exclusion du système de santé des plus démunis, comment ne pas s’interroger sur les aides fiscales et sociales importantes aujourd’hui consacrées à la complémentaire de santé portée par les contrats collectifs obligatoires ?

Il est indiscutable qu’elles ont permis à nombre de salariés d’accéder à une couverture santé. Pour autant, l’analyse montre qu’ils ont été inflationnistes vis-à-vis des dépenses de santé, qu’ils ne concernent qu’une partie de la population et qu’ils ont de ce fait généré de fortes inégalités déjà au sein du secteur privé et entre le secteur privé et le secteur public.

Ce n’est faire injure à personne que de demander qu’au nom de la solidarité nationale (encore plus nécessaire en temps de crise), le système d’aides fiscales et sociales soit remis à plat et que les ressources publiques soient réaffectées à cette solidarité à laquelle nous sommes tous attachés et en premier lieu au régime obligatoire.

Comment ne pas également s’interroger sur le statut de la complémentaire santé ?


Celle-ci est aujourd’hui un produit de marché, alors qu’il devient de plus en plus évident qu’elle relève du service de l’intérêt général puisqu’il est nécessaire d’en disposer pour accéder aux soins. Il paraît donc indispensable que soit ouvert un débat sur le statut de cette complémentaire de santé que nous considérons comme faisant partie intégrante des services sociaux d’intérêt général, ainsi que sur la catégorie d’acteurs susceptibles de remplir cette mission, à un moment où notre pays va enfin se doter d’une loi-cadre sur l’économie sociale et solidaire qui définira quels sont les organismes qui pourront relever de cette forme d’économie.

À cet égard, la mutualité en fait partie par son statut, ses finalités et ses principes de gouvernance.

Privilégier l’intérêt général plutôt que le marché concurrentiel devient ainsi un vrai combat politique dans lequel nous nous inscrivons. Dans l’attente, il est bien entendu nécessaire, comme le demande la Mutualité française, de s’engager dans la voie d’une régulation forte du marché de la complémentaire de santé, notamment par une redéfinition pertinente des contrats solidaires et responsables, et par une fiscalité adaptée afin que l’accès aux soins redevienne une réalité pour nombre de nos concitoyens.                               

Préserver et améliorer les solidarités professionnelles dans la fonction publique


Dans ce contexte, le modèle de protection sociale développé depuis des décennies par les mutuelles de la fonction publique a montré toute sa pertinence. N’hésitons pas à dire que dans la plupart des sphères professionnelles, notamment dans la fonction publique d’État, il revêt un caractère d’exemplarité, s’appuyant sur une approche globale et solidaire de la protection sociale des fonctionnaires, combinant gestion du régime obligatoire, gestion des prestations complémentaires, prévoyance, dépendance, action sociale et accompagnement des adhérents dans le système de soins.

Cependant, les constructions solidaires mises en œuvre dans les champs professionnels où exercent les fonctionnaires risquent d’être remises en cause, en raison des conséquences qu’engendre la généralisation des contrats collectifs obligatoires dans les branches du secteur privé.

Les inégalités criantes entre les aides financières du secteur privé et celles existant dans le secteur public conduiront inévitablement des adhérents et des bénéficiaires à quitter leurs mutuelles de la fonction publique pour rejoindre le contrat collectif de leurs conjoints.

Ce faisant, c’est l’architecture même des dispositifs de solidarité intergénérationnelle et contributive qui, à terme, sera mise à mal.

Comment ne pas avoir cette crainte lorsque, dans le secteur privé, la contribution de l’employeur sera au minimum de 50 % alors que les fonctionnaires d’État assument intégralement leur protection complémentaire sur leurs ressources propres, les seules aides des employeurs publics, quand elles existent, du reste destinées à contribuer au coût des transferts solidaires organisés par les mutuelles, représentent en moyenne pondérée 1,5 % du montant des cotisations.

Quant aux fonctionnaires territoriaux, tous ne sont pas couverts (notamment pour la prévoyance et la dépendance) et en santé, le renoncement aux soins augmente chez les agents fragilisés, en même temps que l’inquiétude gagne sur la pérennité du système de couverture.

La fonction publique hospitalière, quant à elle, a un système spécifique de prise en charge en santé et en prévoyance, mais elle ne bénéficie pas de contribution financière de ses employeurs permettant aux agents d'avoir une couverture complémentaire efficiente. 

Un engagement fort de la MFP

Si les problématiques ne sont pas identiques entre les trois fonctions publiques et appellent probablement des réponses différentes adaptées à la spécificité de chacune des fonctions publiques, il n’en demeure pas moins que des principes communs doivent être à la base des évolutions à mener. En premier lieu, la MFP et les mutuelles de la fonction publique seront attentives à ce que la dynamique de la généralisation de la complémentaire de santé ne vienne pas compromettre l’approche globale des mutuelles de fonctionnaires et déstructurer les constructions solidaires organisées depuis des décennies dans les fonctions publiques, aux plans intergénérationnel et contributif.


Ensuite, face aux bouleversements profonds en termes de mobilité et de fongibilité des statuts générés par la réforme de l’État, la MAP, et prochainement l’acte III de la décentralisation, il faudra assurer la continuité des garanties, de sorte qu’un fonctionnaire qui passe d’une fonction publique à l’autre reste dans une couverture mutualiste harmonisée et dans un système de gestion simple, tant en régime obligatoire qu’en complémentaire de santé.

Enfin, quelle que soit la solution retenue pour généraliser la complémentaire de santé, nous attacherons du prix à ce que les principes de fonctionnement du modèle mutualiste soient préservés, notamment la souveraineté des assemblées générales et la vie démocratique.

C’est pourquoi les chantiers ouverts par la MFP revêtent une importance certaine : tout d’abord, les travaux menés avec les organisations syndicales de fonctionnaires pour préparer les prochains rendez-vous liés à la protection sociale des agents. Les représentants du personnel joueront un rôle majeur dans le cadre du dialogue social avec les employeurs publics et la protection sociale en fera partie.

Le projet de regroupement des gestionnaires du régime obligatoire s’inscrit totalement dans cette mise en perspective d’une amélioration de la protection sociale des fonctionnaires. Il en est de même des travaux visant à définir un cadre politique en matière d’action sociale et d’accompagnement car nous sommes là au cœur de la vocation mutualiste.

En ces temps de grands troubles, le rôle d'une union politique telle que la MFP est plus que jamais primordial car elle est garante du mouvement mutualiste de la fonction publique et des intérêts des mutuelles membres. Fédérant la quasi totalité des mutuelles de fonctionnaires, elles-mêmes représentant près de  4 millions de membres participants et 5,5 millions de bénéficiaires, la MFP a une représentativité importante qui lui permet de porter la voix des mutuelles auprès des acteurs de la sphère publique, employeurs publics, organisations syndicales de fonctionnaires et pouvoirs publics.

Soyons certains que c'est grâce à cette représentativité, qu'il convient de soutenir et de préserver, qu'ensemble nous pourrons œuvrer utilement à la protection sociale de ceux qui, au travers du service public, servent l'intérêt général, une protection sociale à laquelle nous vouons nos actions et nos mandats.

À méditer : « La mutualité doit être entièrement associée à la Sécurité sociale, parce qu’elle fait corps avec elle », Pierre Laroque, directeur de la Sécurité sociale à l'AG de la FNMFAE, le 20 octobre 1947.

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