Organisations
L'apprentissage : une voie tout en virages serrés
À travers l'apprentissage les jeunes découvrent le monde du travail et ses rudesses.
Une enquête menée par la Jeunesse ouvrière chrétienne a eu la bonne idée de demander l'avis des apprentis sur leur formation. Instructif et rude. Un chemin vers l'emploi loin d'être rose...
Pour les plus anciens d'entre-nous, la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) est l'une des sources du mouvement syndical et social, créée en 1925, qui a vu sortir de ses rangs des hommes comme Jacques Delors, Eugène Descamps (secrétaire de la CFDT), Jean-Marc Ayrault (maire de Nantes) et un nombre considérable de militants politiques et syndicaux qui payèrent un lourd tribut à l'occupation nazie.
Si la JOC a aujourd'hui perdu de son influence, elle reste comme à son origine très attentive à la situation des jeunes travailleurs. Ne fut-elle pas à l'origine de la mise en place des foyers de jeunes travailleurs et d'une action permanente de soutien aux apprentis ?
Il n'est donc pas étonnant que la JOC se soit lancée dans une étude sur la situation actuelle des jeunes en apprentissage, ledit apprentissage étant souvent présenté comme une voie d'excellence pour accéder à un emploi qualifié.
Mais qui de mieux qualifié pour parler du sujet que les apprentis eux-mêmes ?
En fait, sans réelle surprise, il apparaît que les apprentis connaissent les situations les plus variées que connaissent les travailleurs adultes. Si d'après les témoignages recueillis l'apprenti mécanicien ne balaie plus systématiquement le garage, il n'en reste pas moins que l'apprentissage est toujours considéré comme une voie réservée pour ceux qui n'ont pas été en mesure de suivre les filières de l'enseignement général. Est-ce pour cela que plus de 68 % des apprentis se sentent considérés comme des employés subalternes que l'on n'écoute pas et que l'on ne respecte pas dans l'entreprise où ils se forment ?
- Ils sont plus de 54 % à déplorer leurs conditions de travail et environ 70 % à s'indigner du faible niveau de rémunération (souvent 25 % du SMIC) qui est le leur. Autre problème relevé par l'enquête, l'inévitable roulette russe entre ceux qui ont la chance de tomber sur une entreprise et un tuteur considérant l'apprentissage comme une mission et ceux qui, fréquemment, ne fournissent que de la main-d'œuvre bon marché à un employeur qui ne voit dans l'apprentissage qu'une opportunité de baisser les coûts de production. Près de 18 % de jeunes qui auraient été intéressés par la filière de l'apprentissage n'ont pu le faire faute d'avoir trouvé un employeur qui les accepte et plus de 61 % des jeunes dénoncent la difficulté de trouver un maître d'apprentissage.
Faut-il rappeler que ce n'est pas la même chose que d'être apprenti à 16 ans avec un CAP ou à 20 ans avec un bac pro en poche ? En ce sens, l'entrée en apprentissage à 14 ans est une aberration qui poussera un jeune adolescent dans une impasse d'où il lui sera quasiment impossible de sortir. Plus un jeune aura une culture générale importante, plus il pourra faire face à des reconversions ou à des évolutions professionnelles intéressantes.
Malgré les difficultés et une certaine désillusion sur le monde du travail, plus de 76 % des apprentis considèrent que leur formation a été passionnante et ils sont encore nombreux (65 %) à estimer que l'apprentissage est une voie qui conduit à trouver rapidement un emploi stable.
Il est en fait regrettable que les pouvoirs publics se contentent de vanter les mérites de l'apprentissage sans vraiment s'investir dans son déroulement et son organisation.
Dans un contexte de crise de l'emploi chez les moins de 25 ans, voilà un chantier qui mérite que l'on s'y arrête vraiment. Pourtant, l'apprentissage ne figure pas dans les 60 engagements du nouveau Président de la République, à moins qu'il ne nous explique en quoi va consister son projet de contrat de génération...