Participatif
ACCÈS PUBLIC
02 / 11 / 2010 | 173 vues
Rémi Aufrere-Privel / Membre
Articles : 136
Inscrit(e) le 30 / 05 / 2008

Ryanair : provocations, mépris, dumping social, la coupe est pleine !

Michael O'Leary, patron de Ryanair avait habitué l’Europe à ses outrances et à ses provocations en tout genre. Il continue d’innover en « low-cost » pour se rapprocher très dangereusement du plus bas niveau de sécurité. Rappelons les plus flamboyantes idées, telles que le paiement de l’accès aux toilettes dans l’avion, la création de sièges « assis-debout » et la suppression du copilote.
 
Mais pour augmenter les recettes de la société, il faut savoir avec plus ou moins d’habileté utiliser, user voire abuser, de certaines dispositions européennes en matière de libre circulation des travailleurs en Europe. 

La plupart des salariés de Ryanair de la base de Marseille relève du droit social français. N’en déplaise au PDG irlandais. Et ils sont donc assujetis au respect du Code du Travail national. L’information judiciaire ouverte en avril par le parquet d'Aix-en-Provence est donc d’une logique imparable et la mise en examen fin septembre pour « travail dissimulé et prêt illicite de main d’œuvre » poursuit l’affaire.

 
L’affaire Ryanair montre bien, à nouveau, les limites de la « libre circulation », et surtout des interprétations abusives de ce principe.
 
Le chantage du patron irlandais n’a, fort heureusement, pas porté ses fruits. Il est vrai que la base de Marseille de Ryanair, est importante à plusieurs titres. La compagnie est présente avec 200 salariés (sous contrats de travail irlandais, 7 000 salariés dans le monde), quatre avions et c’est le second transporteur de l’aéroport avec près de 1,5 millions de voyageurs en 2009.
 

  • Treize lignes vont fermer suite à cette décision : Agadir, Brest, Eindhoven, Lille, Marrakech, Nador, Nantes, Palerme, Paris, Tanger, Tenerife, Tours et Venise.
  • Dix lignes seront maintenues (Bruxelles, Düsseldorf, Fez, Londres, Madrid, Malte, Porto, Rome, Séville et Valence), mais opérées par des personnels installés dans d'autres aéroports que celui de Marseille.
 

Selon l'aéroport de Marseille, le départ de Ryanair va se traduire par 30 000 passagers en moins en janvier et 50 000 en février et mars.

 

Une spécificité française protectionniste ?

Cet événement serait-t-il une conséquence d’une spécificité française protectionniste et réticente aux compagnies low-cost, et en particulier rétive à l’imagination débordante qu’elles déploient pour faire du « cost-killing » ?
 
Que nenni ! En témoigne d’autres informations qui en rajoutent dans le dossier Ryanair.
 
Durant l'éruption du volcan islandais Eyjafjöll, en avril 2010, l'agence italienne de l'aviation civile (E.N.A.C.) avait reproché à la compagnie irlandaise de ne pas avoir respecté ses obligations légales d'assistance aux passagers lorsqu'un vol est annulé (178 infractions tout de même !).
 
Les autorités publiques italiennes avaient dû prendre en charge les passagers de Ryanair bloqués à l’aéroport de Rome. Précisons que les autres compagnies aériennes avaient, elles, respecté les obligations essentielles d’assistance prévues dans un tel cas (boissons, repas et nuits d'hôtels). C’est donc une amende de trois millions d’euros qui a été infligée à Ryanair.
 

  • En janvier 2010, la compagnie avait menacé de suspendre tous ses vols à l’intérieur de la péninsule italienne pour cause de refus d’accepter les nouvelles procédures d’embarquement applicables à toutes les compagnies. Elle avait plié devant les injonctions des autorités.
 
  • L’Allemagne connaîtrait aussi des doutes sur la capacité de la compagnie irlandaise à être « responsable » et des menaces de quitter certains aéroports germaniques auraient été proférées en cas de non-obtention de facilités et autres subventions publiques.

Autre anecdote à la fois (presque) morbide et très démonstrative de la capacité à se moquer de ses passagers. Sur un vol Marseille-Edinbourg (FR 1286), un passager quinquagénaire a eu un malaise important (évanouissement) après 1 heure de vol.

Après l’intervention de deux médecins présents parmi les passagers, s’agissant d’une hypoglycémie, on lui a procuré quelques biscuits et du thé dont la facture a été portée beaucoup plus rapidement que le soutien au malade. L’épouse du passager a dû s’acquitter illico presto de la note mais n'a pas pu obtenir de couverture (absente de l’équipement de l’avion) ni d’un éventuel défibrillateur cardiaque (matériel certes non obligatoire légalement mais présent dans toutes les compagnies aériennes généralement).
 
La concurrence dans les transports en Europe, et notamment dans les transports aériens soulève des questions graves sur les conditions sociales pour les personnels comme pour la sécurité et l’assistance aux passagers.
 
  • La France n’est pas entièrement à l’écart de ce mouvement. En témoigne l’affaire City Jet (filiale low-cost du groupe Air France-KLM). Celle-ci vient de faire l’objet d’une plainte au Conseil des Prud’hommes de Bobigny, déposée par quarante employés navigants sous contrat de travail… irlandais ! Les salariés réclament 2,7 millions de rappel de salaires et dommages et intérêts pour…travail dissimulé.
 
Michael O’Leary sera peut-être condamné dans l’affaire de Marseille. Et la justice hexagonale reconnaîtra sa qualité de patron exemplaire en matière de délinquance économique et sociale.
 
En attendant que d’autres juridictions nationales montrent à nouveau le vrai visage de celui qui voudrait si bien nous faire voyager « assis-debout » pour qu’il n’y ait plus demain de confusion entre la bétaillère et l’avion, et entre le personnel navigant commercial et le travail dissimulé.
 
Il se trouvera toujours quelques esprits chagrins prétextant le nombre d’emplois directs et indirects supprimés par la fermeture de la base de Marseille (car directement concernés et/ou libéraux assumés). Certains répéteront que « l’ouverture à la concurrence » si bien défendue par la Commission européenne provoque le développement du trafic aérien. Et qu’au final, le résultat vaut bien quelques souplesses avec le droit du travail et la sécurité des passagers.
 
Mais, le respect de tous les droits (celui des salariés comme celui des passagers) a un coût qu’il convient d’assumer. Nul doute que Michael O’Leary continuera de l’ignorer tant que les États européens (et peut-être l’Union européenne) ne freinera pas ce délitement concrétisé par la compagnie Ryanair.
 
Pas encore de commentaires