Organisations
Le cumul emploi-retraite : les retraités du régime général « actifs »
Depuis de nombreuses années, les retraités peuvent percevoir une retraite de droit propre et avoir une activité rémunérée. Suite à l’abaissement à 60 ans de l’âge légal de la retraite, l’ordonnance du 30 mars 1982 a fixé quelques limites au cumul. Depuis, les règles sont restées relativement stables, mais avec des différences selon les régimes. L’un des objectifs de la réforme des retraites de 2003 a été l’harmonisation des réglementations au sein des différents régimes de base et complémentaires et également, leur simplification.
Ainsi, depuis 2004, les retraités du régime général et des régimes alignés peuvent cumuler
leur pension avec des revenus d’activité dans la limite de leur dernier salaire. Le salarié retraité peut exercer une activité chez un nouvel employeur quand il le souhaite. En revanche, pour reprendre une activité chez son dernier employeur, un délai de six mois est obligatoire. La règle de cumul comme le délai de latence visent à encadrer la reprise d’activité et à ne pas inciter les assurés à liquider leur pension prématurément. Compte tenu de cette limite, la reprise d’activité se faisait pour une rémunération moindre puisque celle-ci, cumulée aux pensions de base et complémentaires, ne devait pas dépasser le niveau du dernier salaire perçu avant le passage à la retraite, ou le Smic si celui-ci était supérieur.
À partir du 1er janvier 2007, la limite de cumul avait été revue à la hausse en passant à 1,6 Smic (ou la moyenne mensuelle des trois derniers salaires, si celle-ci est plus élevée).
Depuis le 1er janvier 2009, la limite de cumul a été supprimée.
En 2008, 207 000 retraités du régime général percevaient un salaire
Les résultats présentés ici ne concernent que les situations de cumul des retraités du régime général reprenant une activité salariée. D’autres situations de cumul peuvent exister, telle que la reprise d’une activité non salariée. Ce type de situation a été étudié récemment par la Cnav et le RSI (Bac et Gaudemer, 2010).
Afin d’évaluer l’évolution des situations de cumul des retraités du régime général, la Cnav a mis en place deux types de suivi. Le premier consiste en un décompte de bénéficiaires au cours d’une année (coupe instantanée), l’autre permet le suivi d’une même population sur plusieurs années (suivi longitudinal).
Le regard en coupe instantanée permet de quantifier le nombre de retraités ayant un salaire une année donnée. En 2008, 207 000 prestataires de droit direct du régime général avaient perçu un salaire durant l’année. Cette population est composée de 59 % d’hommes
et 41 % de femmes. La majorité (77 %) est âgée de 60 à 69 ans, les moins de 60 ans représentant 6 % de l'effectif, tandis que les plus de 70 ans en représentent 18 %. Rapportés à la population des retraités du régime général âgés de moins de 75 ans, les personnes cumulant retraite et emploi représentent 3 %.
Parmi les nouveaux retraités de 2004 à 2007, 6,1 % ont perçu un salaire entre 2005 et 2008.
La situation de cumul peut être également étudiée en longitudinal, ce qui permet d’apprécier le moment où elle survient et sa durée. La Cnav a ainsi constitué une base statistique regroupant l’ensemble des nouveaux retraités ayant pris leur retraite de base depuis 2004 et qui ont perçu un salaire les années suivant leur départ en retraite.
Parmi les nouveaux retraités de l’année 2004, 6,6 % d’entre eux ont perçu au moins un salaire sur les années comprises entre 2005 et 2008, soit 41 000 individus parmi les 626 000 nouveaux retraités de droit propre de 2004.
Pour les nouveaux retraités des années 2005 à 2007, le taux des « cumulants » est plus faible, le recul dans le temps étant plus restreint. Cependant, il demeure proche de 6 %, traduisant une reprise d’activité salariée plus fréquente pour les plus jeunes retraités.
Ainsi, les retraités de l’année 2006 sont 6,1 % à avoir un salaire sur les deux années suivant leur départ en retraite, contre 6,6 % pour ceux partis en retraite en 2004. Pour les nouveaux retraités de l’année 2007, on constate un taux de « cumulants » de 5,4 %, qui
devrait progresser lorsque les années suivantes seront prises en compte.
Le taux de « cumulants » est plus élevé pour les hommes d’environ 1,5 point, relativement aux femmes pour chacun des flux. Parmi les retraités partis entre 2004 et 2007, 6,8 % des hommes ont eu au moins un salaire depuis leur départ en retraite, contre 5,3 % pour les femmes.
Des retraités actifs plus jeunes, avec des niveaux de pension plus élevés
Les retraités qui reprennent un emploi ont, en moyenne, pris leur retraite à un âge plus précoce que l’ensemble des retraités partis au même moment.
Parmi les hommes retraités actifs, 33 % sont partis en retraite anticipée, contre un taux de 24 % pour l’ensemble des hommes nouvellement retraités. Parmi les femmes cumulant emploi et pension, 20 % ont pris leur retraite à 65 ans et plus, contre 28 % pour les nouvelles retraitées des années 2004 à 2006. Par ailleurs, les assurés cumulant retraite et activité salariée ont des durées d’assurance relativement plus élevées, de l’ordre de 167 trimestres pour les hommes et de 160 trimestres pour les femmes. Le plus souvent, leur pension a été calculée avec le taux plein, obtenu grâce à leur durée d’assurance. La législation en vigueur jusqu’en 2009 autorisait le recours au dispositif sans avoir la durée
d’assurance nécessaire pour le taux plein ni avoir atteint 65 ans : quelques-uns ont donc pris leur retraite avec une décote (3 % contre 6 % pour le flux global), ou au titre de l’inaptitude (6 % contre 11 % pour le flux global). Au regard des durées d’assurance, les pensions versées par le régime général aux retraités salariés sont plus élevées comparativement à celles des autres retraités.
Les hommes monopensionnés ayant repris une activité ont une pension moyenne supérieure d’environ 11 % à l’ensemble des hommes monopensionnés ; pour les femmes cette différence est plus conséquente, de l’ordre de 18 %. Pour les polypensionnés, les écarts sont encore plus prononcés, avec respectivement des différences de 28 % et 30 %, qui s’expliquent en partie par des carrières plus longues au régime général.
Une reprise d’activité plutôt de courte durée
En termes de trajectoires professionnelles, les retraités actifs sont en position plus favorable en fin de carrière au regard du marché de l’emploi. Globalement, les trois quarts sont en activité l’année précédant leur liquidation contre environ 45 % pour l’ensemble des retraités. En revanche, en termes de rémunération en fin de carrière, les retraités ayant repris une activité ne se distinguent pas des autres retraités ayant également des salaires en fin de carrière.
Le fait que les assurés soient encore en activité avant leur retraite semble favoriser la situation de reprise d’emploi. Cependant, l’activité effectuée au cours de la retraite demeure limitée, tant en durée qu’en termes de rémunération. Parmi les nouveaux retraités de 2004 recourant au dispositif, une part importante d’entre eux perçoit un salaire durant une seule année (près d’un tiers), alors qu’une part quasi équivalente cumule pension et salaire pendant les quatre années de la période étudiée.
Le salaire versé après la liquidation de la retraite est contraint par les règles de cumul de ressources en vigueur sur la période, avec un léger assouplissement en 2007. En conséquence, celui-ci demeure limité. Il est, en moyenne, pour les trois flux de retraités actifs retenus, de l’ordre de 4 000 euros, en brut annuel (en euro 2008). Cette rémunération annuelle représente 27 % du salaire moyen que ces retraités actifs ont perçu entre 50 ans et le passage à la retraite. Ce taux est de 38 % pour les femmes.
Le salaire moyen perçu après la retraite progresse avec la durée de perception. Cependant,
même pour une activité de plusieurs années consécutives, le salaire perçu demeure limité à 5 500 euros par an environ. Ce salaire représente, pour les hommes, en moyenne, 35 % à 40 % du salaire moyen qu’ils percevaient entre 50 ans et la retraite. Ce taux est de l’ordre de 40 % à 55 % pour les femmes. La faiblesse de ces salaires s’explique sans doute en grande partie par la contrainte de cumul de ressources. En outre, l’activité reprise après la retraite est le plus souvent à temps partiel ou ne couvre sans doute pas toute l’année. Environ un retraité sur deux a repris une activité à temps partiel, alors qu’ils étaient 75 % à déclarer une activité à temps complet avant leur départ en retraite.
Conséquences à terme de la suppression des conditions de cumul de ressources
Le cumul emploi-retraite tel qu’il apparaît aujourd’hui, même s’il semble progresser, demeure limité en termes d’effectifs. Sur la période 2005-2008, moins de 6,1 % des nouveaux retraités de 2004 à 2007 y ont recours. Il est également limité en termes de potentiel puisqu’il concerne principalement des anciens salariés en situation d’emploi favorable au moment de la liquidation, soit globalement un retraité sur deux. Dans certains cas, la perception de salaire après le passage à la retraite est très ponctuelle, alors que dans d’autres, la situation de cumul est plus durable, avec un salaire reçu pendant plusieurs années. Ce second cas de figure, qui correspond plus à une reprise d’activité de la part du retraité, concerne 3 % des nouveaux retraités du régime général. Il est difficile de savoir si les situations de cumul correspondent à des trajectoires transitoires entre emploi et retraite de quelques années, ou à des situations d’activité régulières correspondant à une nouvelle situation de « retraité-salarié ».
La législation, en vigueur depuis le 1er janvier 2009, peut modifier le recours au cumul et introduire de nouveaux cas de figure. La suppression des restrictions (levée du plafond de cumul de ressources et du délai de latence de six mois) pourrait rendre, dans la plupart des cas, le dispositif de cumul plus attractif que le dispositif de la surcote
Les retraités ayant atteint la durée nécessaire au taux plein et qui prolongent leur activité pourront percevoir leur retraite et leur rémunération sans restriction, les conditions qui de-
meurent étant la rupture du lien professionnel avec l’employeur et l’obligation de liquider toutes les pensions complémentaires et celles des autres régimes de base.
Les premiers chiffres provisoires du nombre de retraités ayant perçu un salaire sur la période 2005-2009 laissent apparaître une légère progression du taux de recours au dispositif. Le nombre de retraités du régime général ayant perçu un salaire sur la période avoisine 233 000, ce qui représente 6,7 % de l’ensemble des retraités partis en retraite sur cette même période, soit une augmentation de 0,6 point relativement à la période 2005-2008. Finalement, pour les nouveaux retraités des années 2004 à 2007, ceux pour lesquels les résultats sont relativement stables sur la période 2005-2009, le taux de « cumulants » constaté est de 7 %.
Le recours au cumul emploi-retraite pourrait augmenter dans les années à venir, pouvant alors favoriser l’emploi des seniors. Les entreprises doivent cependant être demandeuses d’une telle main-d’œuvre, potentiellement intéressante dans un contexte d’importants départs en retraite. Par ailleurs, un recours accru au cumul pourrait résulter d’un effet d’aubaine, dans le sens où les retraités qui reprendront une activité auraient continué à exercer leur activité avant la libéralisation des règles de cumul. Dans ces cas de figure, les évolutions législatives ne modifient pas les comportements d’activité des assurés, mais elles leur permettent de cumuler revenu d’activité et retraite. Une telle évolution a été constatée parmi les cotisants du régime social des indépendants (RSI). Depuis 2004, ces derniers peuvent percevoir leur retraite du régime général sans modifier leur situation professionnelle, ce qui a entraîné une forte progression de la part d’artisans-commerçants de 60 ans et plus percevant une retraite du régime général (Bac et Gaudemer, 2010).
- Auteurs> I. Bridenne et C. Mette
- Protection sociale parrainé par MNH