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Licenciements boursiers : l’industrie du tabac consumée par les actionnaires
Les salariés de la Seita se battent contre un plan de restructuration qui ferme l’usine de cigarettes de Carquefou et le centre de recherche de Bergerac. Au total, 502 postes sont supprimés, sans compter les sous-traitants et les fournisseurs.
Comme le rappelle Clarisse Josselin de la revue FO Hebdo, près de 500 personnes ont manifesté le 23 avril, à l’appel de plusieurs syndicats (dont FO), devant l’usine de cigarettes Seita de Carquefou, en Loire-Atlantique, pour réclamer le maintien du site de production. Mi-avril, l’actionnaire Imperial Tobacco avait annoncé sa fermeture et la suppression des 366 postes dans le cadre d’un vaste plan de restructuration.
Le géant du tabac ferme également le centre de recherche de Bergerac et réduit les effectifs dans le centre de recherche de Fleury-les-Aubrais et au siège parisien. Au total, 502 postes sont supprimés, soit près de la moitié des effectifs de la Seita dans l’Hexagone (sans compter les sous-traitants). En Angleterre, il ferme l’usine historique de Nottingham, employant 900 personnes. Le premier comité d’entreprise exceptionnel sur le plan de sauvegarde de l’emploi se tiendra le 20 juin.
Délocalisation en Pologne
L’usine de Carquefou devait fêter ses 40 ans cette année. En 2013, elle avait produit plus de 12 milliards de cigarettes (gauloises blondes, JPS et News). « Notre PDG met en avant la baisse des ventes des cigarettes en France et en Europe pour justifier son plan mais en réalité il veut satisfaire les actionnaires. L’usine est viable mais il délocalise la production en Pologne, ça nous fait mal », explique Dominique Pigeon, délégué central FO à la Seita.
En 2013, Imperial Tobacco a enregistré un résultat net de 1,15 milliard d’euros, en hausse de 27,2%. « La production française a contribué à hauteur de 580 millions d’euros de dividendes versés aux actionnaires. Mais l’actionnaire veut les augmenter de 10 % chaque année ; c’est sans fin. C’est lui qui décide du volume produit annuellement sur chaque site. Il peut donc décider de nous placer artificiellement en sous-production. En réalité il nous ferme car, avec Nottingham, nous avons les coûts de fabrication les plus élevés », ajoute Rachid Mouassa, délégué FO à Carquefou.
Le délégué est d’autant plus amer que l’usine de Carquefou avait servi à reclasser les salariés de Lille, Metz et Strasbourg, victimes d’un premier plan social en 2008. Lors de son rachat de l’ancienne régie publique du tabac, Imperial Tobacco avait supprimé 1 000 postes et fermé plusieurs sites. « Nous avons traversé la France il y a six ans pour venir à Nantes. Maintenant, que va-t-on nous proposer quoi ? De partir en Pologne, où le salaire moyen est de 400 euros par mois contre 2 400 à la Seita ? Nous étions 6 000 en 1999 à la Seita et il en restera 700 en 2015. Nous sommes jetés comme des mégots alors que l’entreprise n’a jamais été aussi riche et rentable. Nous allons nous battre pour réparer la casse sociale », ajoute Rachid Mouassa.
Chômage partiel
À 200 kilomètres plus à l’ouest, à Quimperlé, la direction des Papeteries de Mauduit met elle aussi en avant la chute des ventes de cigarettes pour justifier la mise en place de chômage partiel à partir du 2 mai. FO s’y est opposée lors d’un CCE le 17 avril. L’usine, fondée en 1855 et qui emploie 609 personnes, est spécialisée dans le papier auto-extinguible, qui permet aux cigarettes de s’éteindre quand elles ne sont pas activées. L’usine Seita de Carquefou fait partie de ses clients.
Selon l’Observatoire français des drogues et toxicomanies, les ventes de cigarettes ont baissé de 7,6% en 2013. Mais en raison de la hausse des prix le chiffre d’affaires est resté stable, à 15,3 milliards d’euros.