Organisations
Les stagiaires ne sont pas « des bonnes à tout faire »
Le 15 janvier dernier, une proposition de loi sur les stages a été déposée à l’Assemblée nationale par Chaynesse Khirouni. La finalité de cette initiative de la députée de Meurthe-et-Moselle est d’encadrer le recours excessif aux stages.
Chacun comprend bien l’intérêt des stages et des périodes de formation en milieu professionnel pour s’assurer d’une première expérience professionnelle qui viendra asseoir un statut d’étudiant « tout frais ». Aujourd’hui, le nombre de stages en milieu professionnel est d’environ 1,6 million par an, notamment du fait de la généralisation des stages dans les cursus de l’enseignement secondaire et supérieur.
Au demeurant, il ne faut pas perdre de vue que les stages et les périodes de formation en milieu professionnel représentent des opportunités pour les jeunes. Ces derniers peuvent acquérir des compétences en sus de leur formation théorique et c’est aussi le moment où ils découvrent la réalité de leurs projets professionnels.
De leur côté, les entreprises bénéficient de compétences « actuelles » pour des missions spécifiques qui pourront par la suite leur servir de vivier de recrutements potentiels.
Nonobstant, force est de constater que la recherche d’un stage reste « une épreuve version Kho-Lanta ». Ainsi, les jeunes qui ne disposent pas de réseau personnel et familial pour leur ouvrir certaines portes de milieux professionnels très convoités risquent de rester sur les bords du chemin de l’emploi. Surtout en ces temps de crise économique où « avoir le job » est devenu « LE » trésor d’une quête courageuse et sans relâche.
Nul ne doute dans ces circonstances que développer des périodes de stages en entreprise dans les cursus de formation et sensibiliser les entreprises afin qu’un maximum d’étudiants puissent y avoir accès reste des priorités pour assurer la relève des métiers de demain.
Or, le problème, c’est que la situation actuelle du marché du travail conduit certains jeunes ayant terminé leur formation à accepter des stages, faute de trouver un premier emploi. Aussi, de nombreux diplômés subissent « l’effet stage à durée indéterminée » avant de décrocher un emploi en CDD espérant que s’ensuivra un CDI.
De ce fait, les stages conduisent à accentuer la précarisation des jeunes et s’avèrent détournés de leur objectif premier de formation.
Quid : Comment lutter contre les agissements de certaines entreprises qui ont « la main légère » sur les stages ? Comment empêcher l’utilisation de stagiaires en substitution à des salariés ? Comment supprimer des conditions d’activité défavorables pour ces étudiants par rapport à celles exercées par les salariés ?
La proposition de loi vise à garantir l’intégrité du stage afin qu’il reste un outil au service du cursus de formation.
Un triple objectif est poursuivi :
- favoriser le développement des stages de qualité,
- éviter les stages se substituant à des emplois,
- protéger les droits et améliorer le statut des stagiaires.
Le code de l’éducation se voit créer un chapitre consacré aux stages afin d’en améliorer la lisibilité et d’en clarifier le champ d’application. Il s’agit de couvrir l’ensemble des stages effectués lors de la formation initiale, au lycée et dans l’enseignement supérieur.
L’article 1er précise les missions de l’établissement d’enseignement, qui est chargé d’appuyer l’élève ou l’étudiant dans sa recherche de période de formation en milieu professionnel ou de stage, de définir, en lien avec l’organisme d’accueil et le stagiaire, les compétences à acquérir ou à développer durant le stage et de désigner un enseignant référent pour assurer le suivi du stage.
Cet article renforce également la limitation de la durée des stages qui ne peuvent pas excéder 6 mois. Les formations comportant des stages plus longs ont en effet pour vocation d'évoluer vers des formations en alternance. Un délai d’adaptation de 2 ans est prévu afin de laisser aux établissements d’enseignement concernés le temps d’adapter les formations.
Il clarifie le fait qu’aucun stage ne peut se substituer à un emploi, qu’il s’agisse d’un emploi permanent ou d’un cas légal de recours à un emploi temporaire.
Une nouveauté qui ne passe pas inaperçue dans cet article pose le principe d’une limitation du nombre de stagiaires rapporté aux effectifs de l’entreprise et une amende est prévue en cas d’infraction.
De plus, l’organisme d’accueil devra désigner un tuteur pour le stagiaire qui sera responsable de son suivi pédagogique. S’agissant du nombre maximum de stagiaires pouvant être encadrés par un même tuteur, celui-ci sera fixé par décret en Conseil d’État.
En outre, les conditions d’accueil et les droits des stagiaires seront « sous le filet » de protection des dispositions du Code du travail relatives aux autorisations d’absence en cas de grossesse, de paternité ou d’adoption et les protections relatives aux durées maximales de présence et aux périodes de repos.
Enfin, des cas d’interruption de stages deviendront possibles sans que cela porte nécessairement préjudice à leur validation par l’établissement d’enseignement y compris si l’étudiant n’a pas atteint la durée prévue dans le cursus.
À l’avenir, il est envisagé d’inscrire les stagiaires dans le registre unique du personnel de façon distincte des salariés de l’entreprise afin de ne pas entraîner de confusion de statuts.
Enfin, notons que l’inspection du travail pourrait appliquer une procédure particulière par laquelle l’inspecteur du travail informerait l’établissement d’enseignement et les institutions représentatives du personnel des infractions éventuellement constatées afin de leur permettre d’agir pour y mettre un terme.