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Le socle des compétences, cinquième échec de la réforme de la formation
Après avoir passé en revue quatre dispositifs de la piètre tentative de réforme de la formation de 2014 : l'entretien professionnel (inorganisé ou bâclé), le conseil en évolution professionnelle (un conseil illusoire), le plan de formation (liquidé via la fin de la cotisation obligatoire) et enfin le compte personnel de formation (un compteur vain prétendant remplacer la formation), nous nous penchons désormais sur le « socle des compétences », cette vaine tentative des partenaires sociaux pour remettre à niveau les millions de travailleurs non qualifiés du pays.
Quelques rappels sur la situation éducative des adultes en France en 2016
Le socle des compétences est naufragé depuis 2014 par l'État et ses affidés sociaux
L'État, le Parlement, les syndicats et des commissions paritaires ont transformé cette idée pertinente (et européenne) d’un socle minimal de connaissances pour les travailleurs en une bouillie « administrativo-politico-syndicale » qui s’enlise mois après mois dans la nonchalance, la complexité et l'impuissance administratives.
Dans la loi du 5 mars 2014, le socle était clair et facile à mettre en œuvre.
Il n'en a rien été : le socle des compétences a été désorienté puis torpillé par les pouvoirs publics (le ministère du Travail) et le pouvoir syndical (le COPANEF).
Premier scandale : il aura fallu un an au ministère du Travail (vote de la loi en février 2014, parution du décret sur le socle le 13 février 2015) pour établir la liste des 7 compétences de base au travail (lire, écrire, compter, utiliser un ordinateur, travailler en équipe...).
Second scandale : avoir confié la mise en œuvre du socle des compétences à une commission administrative composée de représentants syndicaux sans connaissances du dossier (le COPANEF). Depuis deux ans, cette commission poursuit 3 objectifs :
Les organismes de formation attendent en vain depuis deux ans désormais l'autorisation de former des salariés qui ont besoin du socle des compétences.
Ces formations ne sont pas près d'être généralisées car le COPANEF a décidé:
Cette idée, comme le reste de la réforme, restera lettre morte, des parôles publiques sans aucun effet réel et concret sur le terrain du travail.
Ceux qui ont naïvement cru devoir reproduire l'école (pour les travailleurs qui en auraient été privés) ne veulent pas entendre que les modèles scolaires qui ont prévalu depuis Jules Ferry ne fonctionnaient plus.
Aujourd'hui, le numérique, les réseaux, la responsabilisation et la liberté des individus comptent plus pour apprendre que l'imitation d'une école qui elle-même ne parvient plus à éduquer la jeunesse.
Le socle des compétences, l'autre occasion ratée de changer la formation.
Ce socle des compétences est mort-né et les millions de travailleurs non qualifiés de notre pays ne pourront ni utiliser leur CPF, ni monter en compétences via ces dispositifs. Ils risquent d'être éternellement inscrits chez Pôle Emploi ou trimballés de structures d'insertion en faux emplois aidés.
Ce gâchis est à mettre sur le compte d’une réforme impensée, inaboutie et qui est devenue en quelques mois ce capharnaüm syndical et administratif que chacun peut constater dès qu'il tente de se former.
Quelques rappels sur la situation éducative des adultes en France en 2016
- Selon une étude de l'OCDE (étude PIAAC de 2013), la France se situe au 25ème rang (sur 27 pays étudiés) pour les compétences des adultes, avec près de 22 % de travailleurs non ou insuffisamment qualifiés (soit au moins 6 millions d'adultes devant d'urgence se remettre à niveau).
- Chaque salarié français passe en moyenne 6 heures par an à se former (il faudrait qu’il y consacre 10 % de son temps travaillé, soit 150 heures par an).
- Les travailleurs français sont parmi les plus mauvais locuteurs en anglais de tous les pays développés. Ainsi, 4 % des salariés français seulement ont un niveau « advanced », leur permettant de travailler à l’international.
- Le numérique est loin de concerner tous les ménages et les travailleurs et plus de 20 % des chômeurs n’ont pas d'accès à internet.
- Entre 150 000 et 200 000 jeunes sortent tous les ans du système scolaire sans aucun bagage éducatif. Ils sont aujourd’hui près de 2 millions à hanter les campagnes et les banlieues, sans éducation, ni formation, ni emploi.
Le socle des compétences est naufragé depuis 2014 par l'État et ses affidés sociaux
L'État, le Parlement, les syndicats et des commissions paritaires ont transformé cette idée pertinente (et européenne) d’un socle minimal de connaissances pour les travailleurs en une bouillie « administrativo-politico-syndicale » qui s’enlise mois après mois dans la nonchalance, la complexité et l'impuissance administratives.
Dans la loi du 5 mars 2014, le socle était clair et facile à mettre en œuvre.
- Dans le cadre de leur compte personnel de formation (ou de périodes de professionnalisation), les salariés disposaient d'un droit opposable à leur employeur pour se former sur des formations de base du socle des compétences.
- Ce droit opposable s’exerçait de plus sur le temps de travail sans nécessiter l’accord de l’employeur (on sortait de la situation de blocage constaté dans nombre d'entreprises avec le DIF).
Il n'en a rien été : le socle des compétences a été désorienté puis torpillé par les pouvoirs publics (le ministère du Travail) et le pouvoir syndical (le COPANEF).
Premier scandale : il aura fallu un an au ministère du Travail (vote de la loi en février 2014, parution du décret sur le socle le 13 février 2015) pour établir la liste des 7 compétences de base au travail (lire, écrire, compter, utiliser un ordinateur, travailler en équipe...).
Second scandale : avoir confié la mise en œuvre du socle des compétences à une commission administrative composée de représentants syndicaux sans connaissances du dossier (le COPANEF). Depuis deux ans, cette commission poursuit 3 objectifs :
- favoriser les seules formations des chômeurs (alors que près de 3 millions de salariés ne sont pas qualifiés en France et que leur entreprise n'a en général aucun moyen de les former) ;
- empêcher les salariés du secteur privé de se former sur les fonds mutualisés du CPF ;
- favoriser les seuls organismes de formation publics du type Greta, AFPA ou APP afin de les renflouer sur les fonds des entreprises privées.
Les organismes de formation attendent en vain depuis deux ans désormais l'autorisation de former des salariés qui ont besoin du socle des compétences.
Ces formations ne sont pas près d'être généralisées car le COPANEF a décidé:
- que le socle des compétences devait obligatoirement donner lieu à une certification (un pseudo diplôme qui n'aura aucune valeur sur le marché du travail, évidemment) ;
- qu'une évaluation devait obligatoirement être réalisée avant toute formation (la formation était un droit avec le DIF, elle est devenue un privilège pour quelques rares élus depuis la réforme) ;
- que les salariés devaient s'engager sur l’intégralité des formations du socle, même si cela leur prend 200 ou 300 heures (et qu'ils sont incapables de libérer autant d'heures sur leur travail) ;
- que la liberté de choix de ses propres formations, de ses prestataires, des modalités de réalisation n'existait pas dans ce système contraint et centralisé qui singe l'Éducation nationale (sans avoir un millième de ses moyens) ;
- que des organismes publics (ou parapublics) seraient seuls habilités à évaluer le niveau de compétences des futurs stagiaires ;
- que quelques rares organismes de formation privé seraient ensuite autorisés à former les salariés sur le socle des compétences (sélectionnés sur des critères subjectifs et inconnus) ;
- qu’il faudrait ne pas mêler l'évaluation avec la formation (comme si le risque existait que les organismes évaluateurs poussent à la consommation de formations !) ;
- qu’il faudrait encore trouver et se mettre d'accord (avant 2020) sur des critères communs et objectifs pour évaluer le niveau des stagiaires ;
- qu'on avait dès lors prévu que l'année 2015 serait une année ratée pour le socle (et qu'il en serait de même sans doute de 2016) ;
- qu’il fallait aussi rebaptiser le socle des compétences (en payant grassement une officine de communication) pour inventer le nom de CLEA.
- aller rencontrer un (introuvable) conseiller en évolution professionnelle ;
- se faire tester pendant 1 ou 2 jours par un organisme évaluateur (sur des critères toujours pas unifiés) ;
- disposer de son plan totalement individualisé de formation ;
- se former ensuite dans les seuls domaines où il y aurait des manques ;
- faire valider auprès d’une commission ad hoc d’ici 2020 l'intégralité de son socle des compétences (avec 75 % de réussite sur les 127 critères d'évaluation).
- Les salariés les moins qualifiés ne veulent être ni jugés, ni testés, ni évalués (ils ont souvent été traumatisés par l'école publique).
- Les salariés les moins qualifiés ne peuvent opposer à leur employeur leur droit aux formations du socle tant les procédures sont lourdes, complexes et difficiles à mettre en œuvre.
- Les employeurs n’ont aucun intérêt à laisser leurs salariés partir en formation pendant 200 ou 300 heures (sur le temps de travail) pour une prétendue certification interprofessionnelle (ils ont besoin de salariés bien formés et motivés, pas de salariés pourvus du pseudo-diplôme CLEA).
Cette idée, comme le reste de la réforme, restera lettre morte, des parôles publiques sans aucun effet réel et concret sur le terrain du travail.
Ceux qui ont naïvement cru devoir reproduire l'école (pour les travailleurs qui en auraient été privés) ne veulent pas entendre que les modèles scolaires qui ont prévalu depuis Jules Ferry ne fonctionnaient plus.
Aujourd'hui, le numérique, les réseaux, la responsabilisation et la liberté des individus comptent plus pour apprendre que l'imitation d'une école qui elle-même ne parvient plus à éduquer la jeunesse.
Le socle des compétences, l'autre occasion ratée de changer la formation.
Ce socle des compétences est mort-né et les millions de travailleurs non qualifiés de notre pays ne pourront ni utiliser leur CPF, ni monter en compétences via ces dispositifs. Ils risquent d'être éternellement inscrits chez Pôle Emploi ou trimballés de structures d'insertion en faux emplois aidés.
Ce gâchis est à mettre sur le compte d’une réforme impensée, inaboutie et qui est devenue en quelques mois ce capharnaüm syndical et administratif que chacun peut constater dès qu'il tente de se former.
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