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07 / 05 / 2012 | 28 vues
Xavier Berjot / Membre
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Le licenciement du salarié embauché par une filiale étrangère

En acceptant un détachement ou une expatriation à l’étranger, le salarié relève un défi et doit faire face à des contraintes nouvelles, d’ordre linguistique, logistique ou encore, familiale. Afin de protéger le salarié mis à disposition d’une filiale étrangère par une société mère, le Code du travail impose son rapatriement par cette dernière en cas de licenciement par la filiale.

Champ d’application de l’obligation de rapatriement


Il résulte de l’article L. 1231-5, alinéa 1er du Code du travail que lorsqu'un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d'une filiale étrangère et qu'un contrat de travail a été conclu avec cette dernière :

  • la société mère doit assurer son rapatriement en cas de licenciement par la filiale ;
  • et lui procurer un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions au sein de la société mère.
  • Étendue de l’obligation de rapatriement

La Cour de Cassation a précisé le champ d’application de cette obligation de rapatriement, en lui conférant une large portée.

Ainsi, le seul fait que le salarié n'ait pas, avant son détachement, exercé des fonctions effectives au service de la société mère ne dispense pas celle-ci de son obligation d'assurer son rapatriement à la fin du détachement et de le reclasser dans un autre emploi en rapport avec ses compétences (Cass. soc., 7 décembre 2011, n° 09-67367).

Par ailleurs, l'application de l'article L. 1231-5 du Code du travail joue également dans le cas où le contrat de travail conclu avec la filiale a été soumis au droit étranger (Cass. soc., 30 mars 2011, n° 09-70306).

Plus encore, il a été jugé que L. 1231-5 du Code du travail ne subordonne pas son application au maintien d'un contrat de travail entre le salarié et la maison mère (Cass. soc., 13 novembre 2008, n° 06-42583).

En d’autres termes, l’obligation de rapatriement s’applique de la même manière, que le contrat de travail avec la société mère ait été suspendu ou rompu.

Enfin, un arrêt du 13 novembre 2008 a considéré que la société mère est tenue à cette obligation en cas de cession, par la filiale, de son fonds à une société tierce, cette opération mettant fin ipso facto au contrat de travail liant le salarié à cette filiale (Cass. soc., 13 novembre 2008, n° 06-42583).

  • Limites de l’obligation de rapatriement
Si l’obligation de rapatriement a une large portée, l’article L. 1231-5 du Code du travail la limite au cas où un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d'une filiale étrangère.

Pour faire jouer les dispositions de ce texte, les juges doivent donc caractériser un critère de contrôle de la société mère sur la société étrangère.

À titre d’exemple, la Cour d’Appel de Paris a pu juger que le fait que deux sociétés fassent partie d'un groupe et entretiennent des relations commerciales ne saurait suffire à établir un lien de société mère à filiale, alors que ces sociétés sont juridiquement distinctes (CA Paris, 27 novembre 1998, n° 96-38349).

De la même manière, il est de jurisprudence constante que le salarié ne saurait se prévaloir de l’obligation de rapatriement, dans le cas où il a été directement engagé pour travailler auprès d’une agence étrangère d’une société française.

Modalités d’application de l’obligation de rapatriement

  • Le rapatriement stricto sensu

L’obligation de rapatriement est à la charge de la société mère, ce qui implique que celle-ci doit prendre l’initiative de cette démarche, dès lors qu’elle a connaissance du licenciement du salarié par la filiale étrangère.

En ce sens, la Cour de Cassation a jugé que l'obligation de la société mère d'assurer le rapatriement du salarié n'est pas subordonnée à une demande expresse de ce dernier (Cass. soc., 18 juillet 2000, n° 97-45043).

Comme son nom l’indique, le rapatriement s’entend de l’organisation matérielle et de la prise en charge des frais du retour du salarié en France (visa de sortie, billet d’avion etc.).

Il convient de préciser à cet égard que de nombreuses conventions collectives et/ou accords collectifs imposent également à l’employeur de prendre en charge les frais afférents au retour en France de la famille du salarié.

  • La réintégration
Une fois le salarié rapatrié, il appartient à la société mère de lui procurer « un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions en son sein » (article L. 1235-5, alinéa 1er du Code du travail).

Comme le texte le laisse entendre, le salarié ne saurait prétendre retrouver le poste qu’il occupait avant son détachement à l’étranger.

La Cour d’Appel de Paris (CA Paris, 26 février 2008, n° 07-587) a ainsi pu juger que « l'obligation de l'employeur est de proposer au salarié un poste compatible avec celui qu'il exerçait avant d'être expatrié. Cette obligation ne fait pas obstacle à ce que la société mère propose un poste compatible avec l'importance des anciennes fonctions par voie de modification du contrat de travail d'origine ».

Cela étant, les offres de réintégration faites au salarié doivent nécessairement être sérieuses et précises, conformément à l’obligation de loyauté qui pèse sur l’employeur.

Précisons enfin qu’il résulte de l’article L. 1235-1, alinéa 3 du Code du travail qu’en cas de licenciement du salarié par la société mère, le temps passé par ce dernier au service de la filiale est pris en compte pour le calcul de son préavis et de son indemnité de licenciement.
 
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